Les Laurentides, ce havre de paix… Mais pour qui?

Par Thomas Gallenne

Une région marquée par un taux de criminalité élevé

Des fusillades à répétition
à Sainte-Marguerite

Les forêts, les montagnes, les lacs, les petits oiseaux. Les bambis. Les parcs de jeux avec des enfants qui jouent dedans. Des cris d’enfants, des rires. Un coup de feu.

Oups, il y a comme une «couille dans le potage» comme disait mon oncle Henri. Pas très chic l’oncle Henri. Mais il avait raison: dans cette scène bucolique, mettons que ce genre de fait divers, ça fait un peu désordre, vous trouvez-pas? Souhaiterait-on que la poussière soit mise sous le tapis? Que la merde soit cachée dans les ruelles sombres? Est-ce parce que nous vivons dans un cadre de vie privilégié que la criminalité s’arrête à nos portes? Que la laideur de ce monde ne nous atteint pas?

Une fusillade, un mort dans la Métropole? Un énième meurtre. Un fait divers de plus. Mais que cela se passe dans l’une de nos charmantes municipalités de paroisse de la région, et tous les médias fondent comme les charognards sur la bête agonisante. Parlons-en des médias. En tant que tel, on a des responsabilités et des devoirs aussi. Il ne faut pas que l’arbre cache la forêt.

Et oui, ces incidents malheureux peuvent être des cas isolés. Cependant, comme média, on est en droit – et en devoir – de se poser des questions. S’agit-il effectivement de cas isolés ou non? Que nous apprennent les statistiques? Quelle est l’évolution des crimes violents sur notre territoire? Et au-delà des statistiques, il y a la perception. La fameuse perception. Car après avoir sorti toutes sortes de chiffres, qu’est-ce-que retient le simple citoyen, le retraité, la mère de famille? Que ressentent-ils? Se sentent-ils en sécurité? Et si une balle perdue frôlait la tête de notre enfant? Dans quel monde vit-on? Vous voyez, je me pose un tas de questions auxquelles je n’ai pas forcément de réponses, même si j’y travaille.

Du lien social

J’y reviens, comme une obsession. Car j’essaie de comprendre le monde qui m’entoure et d’y donner un sens. C’est sans doute pourquoi je fais ce métier. Ce lien social, vous savez ce fil imperceptible qui lie les individus entre eux. On le sent quand, au lieu de penser à soi, on pense à l’autre et on pose un geste. Tenir la porte, laisser passer une voiture, aider son prochain quand il est mal pris. Pourquoi je parle du lien social? Je fais un parallèle avec l’actualité. La Commission Charbonneau et les révélations de l’entrepreneur en construction Lino Zambito sur les accointances entre le monde de la construction, les firmes de génie, les administrations municipales et la mafia. Du déjà vu, du déjà su.

Personne n’est vraiment surpris sur ces allégations. Et au final, quels sont les impacts sur la société civile, sur les contribuables, sur les simples citoyens? Cet écœurement, ce désabusement qui alimentent une fois de plus ce cynisme ambiant, grugeant du même coup cette base de toute société, de toute civilisation, du «vivre-ensemble»: la confiance. Comment peut-on avoir la confiance des institutions quand on met à jour un tel cancer? Comme payeur de taxes, je me pose des questions. Mon argent est-il bien utilisé? Devrais-je retrancher un 2 ou un 5% sur mes impôts?

Et le respect bordel?

«Le respect, c’est agir et se comporter envers les autres avec considération et dignité, en étant ouvert aux différences.

Le respect est présent dans les relations avec les citoyens, les partenaires et la communauté, dans les rapports avec les employés, les confrères et les supérieurs. Au quotidien, dans le travail, les employés ont autant d’égards et d’ouverture pour les autres que pour un membre de leur famille.»

Cette règle de conduite n’est pas extraite d’une commune de babas cool des années 70, ni de gratteux de guitares, ni de «plateauniens du nowhere». Non, cette définition est extraite du site internet du Service de police de la Ville de Montréal, soit l’employeur de la constable Stéfanie Trudeau, alias matricule 728.

Et à entendre ses propos qui ne semblaient soulever aucune indignation du côté de ses pairs, on peut se demander si cet état d’esprit n’est pas partagé à plus large échelle. Auquel cas, la police de Montréal va devoir revoir non seulement son système de recrutement, mais également l’application de ses codes de conduite. Car le lien de confiance entre la population et son service de police est sérieusement ébranlé.

Des fusillades à répétition

à Sainte-Marguerite

Le village de Sainte-Marguerite, où résident environ 2 800 personnes, a été ébranlé par une autre fusillade, la semaine dernière. C’était le

3e événement du genre à survenir en 2012 dans cette municipalité

recherchée pour ses paysages enchanteurs.

Mathieu Ste-Marie

Le 12 janvier dernier, trois hommes ont été atteints par balle, dont un à la tête, après avoir, semble-t-il, tenté de s’introduire dans une résidence pour y dérober une plantation de cannabis.

Plus récemment, le 29 septembre, Tommy Pietrantonio, 28 ans mais possédant un casier judiciaire bien garni, a été victime d’une tentative de meurtre à la sortie d’un restaurant de Sainte-Marguerite. Il réchappe de deux balles reçues à l’abdomen.

Quelques jours plus tard, son père Vincent

Pietrantonio et son homme de main ont été la cible de tirs de fusil dans une luxueuse résidence du chemin Chertsey. L’homme d’affaires des Laurentides s’en est tiré, mais son acolyte a rendu l’âme.

Rejoint au téléphone la semaine dernière, le porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ), Benoît Richard, reste très prudent sur ces deux dernières fusillades. «Pour l’instant, on ne fait pas de lien entre les deux affaires», a-t-il dit. La SQ n’avait toujours pas identifié de suspects qui auraient tenté de tuer le père et le fils.

Devant l’ampleur de la situation, la mairesse Linda Fortier a voulu se faire rassurante. (Voir entrevue en p.9).

Criminalité élevée dans les Laurentides

Bien que les fusillades soient peu fréquentes dans la région, les Laurentides ont un historique de crimes contre la personne plus élevé que la moyenne québécoise. En 2007, selon les chiffres de Statistique Canada, Saint-Jérôme était la ville la plus criminelle du Québec devant Montréal. Dans cette étude, on rapportait que, plus au nord, Sainte-Agathe, Val-David, Sainte-Adèle, Morin-Heights et Saint-Sauveur avaient un taux de criminalité élevé. Il faut toutefois mentionner que le nombre accru de touristes et de villégiateurs dans ces municipalités peuvent fausser les données. C’est le cas de Mont-Tremblant, où le pourcentage de criminalité en 2007 était alarmant. Avec un taux de 13%, cette ville touristique doublait quasiment le résultat de Montréal.

Ces données sont confirmées dans un rapport du ministère de la Sécurité publique paru en 2008. On y apprend avec étonnement que les deux villes situées sur le territoire d’un corps de police municipale qui a le plus haut taux d’infractions contre la personne au Québec sont Saint-Jérôme et Mont-Tremblant. Montréal et Gatineau arrivent respectivement en

3e et 4e place.

Peu de meurtres

La définition de crime contre la personne est vaste. On parle, entre autres, d’agressions sexuelles, voies de fait, enlèvements ou

séquestrations, vols qualifiés
, menaces,

négligences criminelles et bien sûr d’homicides.

Si les statistiques prouvent que la criminalité est élevée dans les Laurentides, les meurtres sont plutôt rares. Du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, la Sûreté du Québec rapportait deux homicides sur le territoire de la MRC des Laurentides qui comprend les villes de Sainte-Agathe-des-Monts et Mont-Tremblant. Dans la MRC des Pays-d’en-Haut qui compte la municipalité de Sainte-Marguerite, quatre meurtres avaient été enregistrés alors qu’il y en avait deux en 2010-2011 et zéro et 2009-2010.

La SQ et la police municipale dévoileront les statistiques des infractions contre la personne seulement à la fin de l’année.

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