Ces amitiés qui durent et perdurent
Par Martine Laval
Deux fois par mois, ACCÈS donne la parole à deux chroniqueuses qui n’ont pas la langue dans leur poche: Martine Laval et Denyse Pinsonneault. Des chroniques d’humour et d’humeur où ces deux plumes parleront de la réa-lité d’une population omniprésente et passionnante, qui n’est pas suffisamment dans les médias laurentiens: celle de la génération 50-65. Des textes pour sourire, rire et réfléchir!…
À la cinquantaine on a accumulé des tas d’amies, de toutes sortes, de toutes occasions, mais on compte sur les doigts d’une seule main les amiEs de longue date, ceux et celles avec qui on est passées à travers toutes les étapes de la vie. Moi c’est ma Jo!
J’ai connu Josée en « élément français » (première année du secondaire). Bête comme ses pieds, arrogante, longue comme une échalotte et toute frisée, on ne pouvait pas se sentir. Elle me trouvait énervée, énervante avec mes lulus et mes rubans. J’avais quoi! 12 ans! Elle, elle redoublait son année donc… elle savait déjà tout! Elle était pensionnaire, elle habitait Westmount… elle avait 13 ans… une teen! Han!
C’est lors de la classe-neige qui se passait à La Réserve de Sainte-Adèle cette année là, que nous sommes littéralement tombées dans les bras l’une de l’autre, dans un jeu d’ombres, une danse à contre-jour, sur la chanson Goodbye Ruby Tuesday. Ce soir là, sans le savoir, nous nous sommes liées d’amitié pour la vie… Et quelle vie!
J’ai un frère de 14 mois mon aîné. Nous partagions donc des amiEs du même âge. Entre les filles en uniforme du collège en arrière de l’Oratoire et les gars du collège en bas de l’Oratoire, il y avait de jolies rencontres… surtout quand on y avait ses contacts…
Oh! LÀ, je suis devenue intéressante.
Étant plutôt joli garçon, mon frère plaisait à mes amies, et vice-versa pour mon compte personnel. Il jeta son dévolu sur mon amie Josée et moi sur son meilleur ami Alain. Le parfait quatuor. Les deux gars étaient beaux, faisaient les 400 coups ensemble, jouaient de la guitare électrique, dansaient bien lors de nos party en bas dans le sous-sol. Ils ressemblaient à Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, vraiment!
C’était l’année de l’Expo 67, les Beatles, les Rolling Stones, les Monkeys, Jimmie Hendrix, Janis Joplin, les Cream, Robert Charlebois, les boîtes à chansons… On chantait de tout, on dansait sur tout. C’était les belles années du Flower Power. Peace and Love.
Les choses ont duré un certain temps jusqu’à ce que nos deux meilleurEs amiEs soient exiléEs en Europe par leurs parents, pour étudier et/ou se «faire discipliner».
Le destin s’est mis de la partie, ils sont revenus au Québec et Josée a finalement marié… Alain! Ils ont eu 4 enfants, et 18 ans plus tard… ils ont divorcé…
Elle et moi on a tout su l’une de l’autre, dans les moindres détails tout au long des années. On a tout partagé, on s’est tout raconté, on a même été enceinte en même temps. Elle de sa première, moi de ma deuxième. Le soir où elle me téléphonait pour m’annoncer qu’elle venait d’accoucher de sa petite fille, je lui annonçais que je ne pouvais pas lui parler car mes eaux venaient de crever et que je partais accoucher de la mienne. Nathalie et Magalie sont nées à huit heures de différence… elle a eu trois autres bébés après ça!!!
Quarante trois ans plus tard, nous sommes encore là, à nous confier, à tout nous raconter. On se regarde vieillir, on se remonte le moral, on rigole de nos angoisses, on se réjouit des heureux événements, on pleure ensemble de nos tristesses. Il n’y a pas de compétition, pas de jalousie, pas de secret, pas de cachotteries, pas d’orgueil.
On observe nos six enfants grandir et devenir à leur tour parents. On partage nos bonheurs de Mamie, et on n’arrête pas une seconde.
Elle est toujours ma Jo, ma Goglu et je suis toujours sa Daisy Bordel… et on attend le jour où la vie nous accordera le temps de vivre cette amitié en douceur, juste nous deux, sans courir à droite et à gauche, sans nos enfants collés sur notre coeur et maintenant nos petits enfants dont on est complètement gaga.
La vie continue et on sait qu’on est là l’une pour l’autre, quoiqu’il advienne.
On rigole toujours quand elle me dit qu’elle me poussera quand je serai dans une chaise roulante et moi je lui dis que je lui changerai ses couches!!!…
Mais en fait on rêve un jour d’être assise face à la mer et d’écrire la brique de notre vie, pas banale du tout…
… Cadeau précieux qu’une amitié de plus de 40 ans!