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«Je suis à trois pieds du trottoir.» – Yvon, ex-itinérant. 

Par Valérie Maynard

Fleur de Macadam

Placé en famille d’accueil par ses parents dès l’âge de 7 ans et devenu dépendant de l’alcool à 10 ans, Yvon a connu une jeunesse ponctuée de nombreux déménagements et d’autant de nouvelles écoles. «Trois ou quatre nouvelles écoles à chaque année, c’était mon combat. Un moment donné, pour te protéger, tu deviens agressif», lâche-t-il.

Jeune adulte, il a suivi le seul chemin qui s’ouvrait à lui, le seul qu’il connaissait: celui de la violence. «J’ai appris à me défendre. J’étais toujours en mode attaque», évoque-t-il.

Les années se sont enchaînées au même rythme que les emplois d’Yvon se sont multipliés. Puis un jour, il a tout quitté. «J’avais 2$ dans mes poches et je suis parti sur le pouce jusqu’à Vancouver», raconte-t-il. Il y est resté pendant trois ans et demi, à travailler à droite, à gauche, à rencontrer des gens, à dérober de la nourriture et même un jour, à voler un camion. «Je me suis fait prendre deux fois», admet-il. La deuxième fois, il est revenu. Il a rencontré une femme et s’est installé avec elle à Saint-Jérôme.

Il y a cinq ans, Yvon s’est retrouvé à la rue. «Je vivais dans mon camion, dans le stationnement du Walmart. C’est légal pis au moins, je n’étais pas tout seul», pointe-t-il. Le jour, il regardait l’eau de la rivière couler et le temps passer, «en attendant que ça finisse».

L’été dernier, après quatre ans de ce régime, une tentative de suicide l’a conduit directement à l’hôpital. À sa sortie, il a trouvé refuge au centre d’hébergement Fleur de Macadam, à Saint-Jérôme. «Ils m’ont donné de l’amitié. Je n’étais plus un nobody de la vie», souffle-t-il.

C’est aussi grâce aux travailleurs de rue de Saint-Jérôme et des intervenants de Fleur de Macadam qu’Yvon regarde de nouveau le temps passer. Seulement maintenant il le fait de la fenêtre d’une chambre qu’il loue au mois. «Ma vie, c’est comme le jour de la marmotte. Tous les matins, c’est la même chose qui recommence. Mais même si je loue une chambre, je ne suis jamais loin de la rue. Je suis à trois pieds du trottoir», lâche-t-il, un brin résigné.

Pourtant, Yvon s’accroche. À ses deux filles, Nathalie et Mélanie, dont il est si fier. Et à ses deux petits-enfants, qui grandissent heureux, dans un monde sans violence. Il rêve aussi de s’acheter une voiture, pour repartir. «J’irais mourir dans l’Ouest canadien».

Fleur de Macadam

Le centre d’hébergement Fleur de Macadam, fondé il y a un an, dispose présentement de neuf lits. Sous la direction de Patrick Fournelle, l’équipe de cinq intervenants aident les gens qui, comme Yvon, se retrouvent à un moment de leur vie, complètement seuls et démunis, les accueillent et les écoutent. «C’est facile de juger. Mais au-delà de ce qui saute aux yeux, ces gens-là sont souvent plein de trésors cachés», insiste M. Fournelle.

Tributaire des subventions pour assurer sa survie, l’organisme espère éventuellement augmenter son nombre de lits à 17.

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