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La mort de madame Clay

Par Rédaction

Chesterfield Inlet, Nunavut actuel, 14 septembre 1924. Marie-Agnès Clay épouse du caporal de la Gendarmerie royale du Canada Stephen Clay, passe devant la baraque abritant le détachement arctique de la GRC, elle salue le constable Stallworthy à qui elle dit qu’elle va marcher un peu avant le souper.

Quelques minutes plus tard, celui-ci entend des cris désespérés et des aboiements déchaînés des chiens de traîneaux, il se précipite à l’extérieur tout en s’emparant d’un bâton, suivi par le caporal Betty. Madame Clay gît au sol, elle est la proie de la meute, les policiers réussissent à faire fuir les chiens non sans peine. Madame Clay est grièvement blessée à la jambe droite et à l’épaule gauche.
À l’intérieur du baraquement les policiers constatent que la situation est épouvantable, la victime n’a plus de peau entre le genou et la cheville, elle saigne abondamment, les policiers parviennent à effectuer un garrot à sa cuisse pour stopper l’hémorragie, mais elle souffre atrocement.

Sont présents avec les deux policiers, le missionnaire oblat le père Emmanuel Duplain, et le marchand de fourrures de la compagnie de la Baie d’Hudson Norman Snow. Rapidement la situation va empirer, les policiers ne peuvent aller chercher un médecin, il en prendrait un mois aller-retour, la gangrène va nécessairement s’installer, il n’y a qu’une solution pour lui sauver la vie c’est l’amputation.

Les quatre individus se concertent, seul le père Duplain à quelque connaissance médicale, il va donc lui administrer tel qu’il le relate dans un rapport écrit subséquemment: «At midnight I gave her an hypodermic injection of 5/8 centigram of morphine, two hours later the pain having very little dimished I gave her an hypodermic injection of 5/8 milligram of strychnine the rest of the night was quiet.»

Au matin la situation est désespérée car la victime souffre horriblement et demande qu’on l’ampute pour la soulager, elle est calme et accepte avec courage ce qui va advenir. Le père Duplain consulte un traité de chirurgie avec minutie pendant que les policiers stérilisent les instruments de chirurgie du détachement. On anesthésie madame Clay, et l’opération dure tout au plus trente minutes.

Au réveil elle se sent mieux, la journée se déroule sans incident: «I feel so better now».

Puis le lendemain fièvre, puis coma, elle décède paisiblement, elle avait trente-deux ans.

Madame Clay avait une connaissance certaine de l’arctique son destin y était lié, car quelques semaines auparavant alors qu’elle tentait de rejoindre son époux au détachement, son bateau fit naufrage dans la rivière Arthabasca elle s’en tira, ainsi que les Inuits qui l’accompagnaient, de peine et de misère.

Puis le drame au détachement. Au moment où elle fût ainsi attaquée par la meute de chiens, son époux le caporal Clay était en mission commandée au lac Baker, à son retour, bien qu’ébranlée par la nouvelle, il trouva suffisamment de courage pour remercier ses collègues et le père Duplain pour leurs actions et il rédigea un rapport pour ses supérieurs à Ottawa.

Dans ce dossier on ne peut qu’admirer la compassion qui s’en dégage envers les époux Clay.

L’enquête minutieuse qui s’ensuivit décrit la race des chiens de traîneaux trop près des loups, car ce sont des huskys nordiques dont les femelles sont fréquemment croisées avec des loups, il est suggéré d’adopter plutôt des huskys sibériens, plus dociles, on souligne que les chiens avaient suffisamment mangé et que l’incident avait probablement dégénéré alors qu’un des chiens avait mordu tout en jouant, la main de madame Clay, et que l’odeur du sang affola la meute. Dans l’arctique à cette époque il n’y a pas de survie sans les chiens de traîneaux, d’ailleurs lors de famines les chiens étaient les premiers sacrifiés.

Quelques mois plus tard, le père Emmanuel Duplain (1892-1972) accompagné des guides inuits Henry Udjuk et Charles Innuksuk arrive en provenance de Chesterfield Inlet à Repulse Bay en traîneau à chiens, pour y effectuer son ministère et soigner les malades.

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