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Le 489, de Michael Draper

Par daniel-giguere

Chronique littéraire

Par Daniel Giguère

C’est aux éditions Leméac que paraît en ce début d’année le cinquième roman de Michael Draper, qui a fait du polar sa spécialité. Si les deux derniers mettaient en vedette un tueur à gages du nom de Réal Beauregard, sorte de libre penseur capable d’un humour décapant, Le 489 nous entraîne cette fois dans un tout autre univers et surtout une tout autre culture, soit celle de la Thaïlande.
Le prologue, déjà, démarre sur les chapeaux de roues tandis que Lara McCoy, qui a décidé de mettre en veilleuse sa carrière d’agente secrète après une périlleuse mission au Mexique, accompagne une amie dans une salle d’autopsie alors que cette dernière doit formellement identifier le corps de sa sœur, sauvagement attaquée puis dévorée par une bête qu’on avait vraisemblablement introduite dans sa chambre à coucher. Vengeance? Règlement de compte? La victime était une remarquable journaliste d’enquête. Ceci explique sans doute cela.
Si la Thaïlande semblait le refuge tout indiqué pour Lara McCoy, elle qui souhaitait s’initier au bouddhisme, le yoga et la plongée sous-marine, les choses ne se passeront pas comme prévu. L’enquête démarre aussitôt, en marge des circuits officiels, ce qui la mènera des rives du Mékong aux quartiers chauds de Bangkok à la recherche de celui, ou celle, qu’on désigne principalement par le nom de code : « 489 ». Des chiffres qui, en Thaïlande, mais également en Chine, ont chacun une symbolique très importante.
Personnage aux multiples facettes, Lara McCoy a du caractère et une forte personnalité. Elle se considère peut-être comme une personne schizoïde, de celles qui manifestent peu d’intérêt pour les relations sociales et qui expriment rarement leurs vraies émotions. Sans doute une qualité essentielle dans son travail, car Lara peut froidement et sans hésitation envoyer quelqu’un dans sa prochaine vie d’une seule balle dans la tête.
Le 489 lui réserve pourtant bien des surprises, et la fin annonce la suite de cette enquête rondement menée.
Le roman de Michael Draper nous réconcilie avec la littérature du genre, dans la mesure où l’histoire est parfaitement maîtrisée et s’incarne dans les lieux où se déroule le récit. On ne demande pas à un romancier de faire de la sociologie, mais contrairement au polar scandinave où on les fabrique à la chaîne comme de purs produits de consommation, Draper a le souci d’intégrer dans son histoire le contexte culturel du pays, ce que la plupart de ses contemporains ne font pas.
Les lecteurs du genre auront donc beaucoup de plaisir dans l’univers de Draper, car si les morts peuvent se compter par dizaine dans un bon polar, le seul qu’il faut impérativement éviter, c’est le temps mort. Et Michael Draper l’a parfaitement compris.
Lui-même lecteur de polars, Michael cite volontiers Lawrence Block et Donald E. Westlake comme faisant partie de ses incontournables. Pince-sans-rire, amateur de calembours, l’auteur travaille activement à la suite, qu’on attend avec beaucoup de plaisir.

L’immeuble Christodora

Quelques mots en terminant sur Tim Murphy, un écrivain américain de la trempe de Philip Roth, Jonathan Franzen et de Donna Tartt. L’immeuble Christodora, son dernier roman paru en français chez Plon, est une saga new-yorkaise riche et ambitieuse comme ces grands romanciers, et romancière, en ont le secret, et surtout le souffle. Murphy raconte avec un immense talent le va-et-vient temporel et poignant du vieil immeuble de l’East Village, une véritable institution. Vaste et ambitieux tableau de la société new-yorkaise du début des années 2000, où Murphy évoque avec flamboyance les amours des habitants du Christodora, mais également les mues et les terribles années sida.
Roman réussi? Absolument. Mais pour la traduction, alors là, c’est une autre affaire. Impossible de passer par-dessus cet argot à la sauce des banlieues françaises, ridicule et franchement condescendant vis-à-vis les lecteurs francophones, d’Amérique et d’ailleurs ! Pas une page sans des trucs du genre : « Faut que je m’occupe de préparer la teuf ». Ou bien : « […] et lui qui se demande si Zoya sent qu’il a la trique. » Un dernier? « […] il se met à danser, il kiffe le moment. »
Hallucinante traduction qui nous fait comprendre que le colonialisme est toujours bien vivant chez certains éditeurs français, même en 2017.

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