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Hommage à une idée suspecte

Par pierre-schneider

Il y a quelques semaines, les étudiants du CEGEP de Saint-Jérôme ont accueilli en conférence un professeur que l’éditorialiste

Antoine Robitaille, du Devoir, n’hésite pas à qualifier du plus grand essayiste de sa génération. Il s’agit de l’auteur Marc Chevrier, qui a signé chez Boréal un livre que tout le monde aurait intérêt à lire en ces temps de confusion politique: La République québécoise:

Hommage à une idée suspecte. Par Pierre Schneider

Chevrier et un groupe de profs, dont certains, comme Stéphane Kelly, ont enseigné à Saint-Jérôme, est devenu depuis quelque temps la bête noire de tous les mouvements et partis souverainistes parce qu’il soutient avec un argumentaire solide que les cinquante dernières années de «souverainisme» ont été inefficaces parce que les chefs qui nous ont fait miroiter un pays du Québec n’ont jamais voulu rompre avec le système et les institutions britanniques dans lesquelles nous vivons depuis qu’elles ont été imposées de force au Québec lors de la Conquête,  de l’Acte d’Union et de la Confédération.

 

Dans un langue claire et loin de celle de bois utilisée par les contorsionnistes sémantiques, le polémiste rappelle que depuis le début de la colonie il y eut à de nombreuses reprises dans le Bas-Canada des hommes et des femmes qui ont tenté de faire valoir les idées du siècle des Lumières, celles qui ont donné naissance à la République américaine. Mais qu’ils ont toujours été réprimés par l’ordre établi, par les autorités religieuses qui avaient une sainte frousse des idées républicaines et de la laïcité.

 

Les Anciens, comme Platon, avaient bien décrit ce que devaient être les rapports civiques entre citoyens pour le bien commun de la cité, d’où la naissance du concept largement répandu depuis le siècle dernier des républiques au lieu des monarchies où le roi et la reine tiennent leur autorité suprême de Dieu lui-même.

 

Bref, des idées d’une autre époque, fort anachroniques en 2013, mais qui persistent et prennent de plus en plus d’importance depuis que le gouvernement de M. Harper a décidé de revamper toute la royauté dans ce Canada qu’il dirige avec une main d’airain.

 

Chevrier insiste sur le fait que tous nos grands tribuns et hommes politiques  se sont cassé les dents avec leur projet d’émancipation nationale parce qu’ils ont préféré l’alternance des partis plutôt que  l’alternative de changer le système qui mine la confiance de tous les citoyens envers la chose publique.

 

La peur d’avoir peur

Hommage à une idée suspecte, titre-t-il en exergue, parce que l’idée dérange à un point tel que les partis souverainistes n’osent jamais en parler de peur de remettre en question un système qui impose ses propres règles du jeu qui sont celles des institutions monarchiques.

 

La principale démonstration de cette frilosité et de cette ambiguïté de tous nos députés envers l’idéal républicain demeure cependant le fait que chacun prête serment d’allégeance et de fidélité à la Reine anglaise avant de pouvoir siéger à l’Assemblée nationale. Et, même s’ils s’empressent d’ajouter qu’ils seront fidèles au peuple du Québec, ils envoient un double message : celui de la confusion des genres. Car il s’agit ici d’un double serment, l’un opposé à l’autre. De quoi confondre tous les Québécois qui ne sont plus capables de leur faire confiance!

 

Car si on pousse un peu plus la logique, on peut en conclure que ce serment à la Reine constitue un parjure (passible de 14 ans de prison) pour un élu qui prétend abolir la couronne et ses pouvoirs sur nos institutions.

 

Quand on place nos élus devant cette aberration, ils s’empressent de répondre que, s’ils ne se soumettent pas à ce  passage obligé (le serment à la Reine), la Couronne peut les empêcher de siéger !

 

J’ai des petites nouvelles pour eux: le 15 mai 1828, le député  et patriote républicain irlandais Daniel O’Connell, nouvellement élu, a décidé de refuser de prêter serment à la couronne britannique. Les autorités le destituèrent de son poste. Mais la population, admirant le courage de ce libérateur de peuple, décida de le réélire dans l’élection qui suivit.

 

Devant cette volonté populaire inébranlable, la Couronne dut céder et reculer. Cet homme avait le courage de ses convictions. Une qualité tellement rare au pays du Québec.

 

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