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Triste Valentin

Par Jean-Claude Tremblay

Chronique d’un X

par Jean-Claude Tremblay

jctremblayinc@gmail.com

Ça vient d’arriver, un bel après-midi du 14 février dernier. Le corps de mon dernier article Pas d’ma faute était toujours chaud, puis mon téléphone, qui se sentait soudainement moins intelligent, m’a interrompu brusquement. C’était une dépêche urgente de la part d’un certain monsieur Social. Réseau, Social.

Ça disait : « Heille le X, les Américains doivent pas avoir compris ton message de responsabilisation, parce qu’il y a une tragédie qui vient juste d’arriver, pis y’arrêtent pas de se blâmer, pis d’chercher un coupable! ».

Vérifications faites, monsieur Social et toute sa famille disaient malheureusement vrai. Les premiers mots qui faisaient les titres justes après School Shooting, c’était Blaming Gun Control et Possible Muslim Affiliation. Du côté de la « twittosphère » québécoise, ce n’était guère plus édifiant : « On le sait bien les Américains sont violents! » ou « Bon, encore le maudit Trump! ».

L’humain cherche toujours un bouc émissaire : un tapis suffisamment large et épais pour ne plus voir et entendre les poussières de ses propres insécurités.

C’est comme ça que j’ai appris que Saint-Valentin avait enfilé son long manteau noir, le temps d’incarner un nouveau personnage digne d’une tragédie grecque. Non, il ne s’agissait pas du théâtre de Dionysos, le berceau de la tragédie, datant de cinq siècles avant Jésus-Christ, mais bien d’une école secondaire à Parkland en Floride, aux États Désunis.

C’est bouleversé par le drame, et obnubilé par le manque de compassion de certains de mes semblables, que je me suis quasi effondré. Ma résilience, habituellement en résidence, a pris un congé momentané, cédant sa place à madame Tristesse, qui n’a pas manqué de m’embrouiller la vue, et de m’inonder les joues jusqu’au cou.

Feu Nicholas, 17 ans, agile nageur, étudiant prometteur… feu Alyssa, à peine 14 ans, passionnée du soccer, adorée de ses nombreux amis. Combien d’autres? Surréel… Les messages fusaient de partout. Un bombardement incessant et indécent de sons et d’images troublants : des vidéos captées de l’intérieur de l’école, ça criait, ça saignait, c’était graphique, c’était… tragique.

Finalement, les vidéos de chats sur Internet, c’est pas si quétaine que ça – je pense que je vais aller m’en taper 2 ou 3, drette là.

En passant, pour les amateurs de la maxime loin des yeux loin du cœur, ou pour ceux qui croient que nos montagnes nous exonèrent des délits, sachez ceci : quelques semaines avant la triste Saint-Valentin, on a pratiqué un code orange dans certaines écoles de nos Laurentides chéries. « Allez vite les amis, on suit les consignes que je vais vous donner, on fait comme s’il y avait un intrus dans l’école! ». Vous essayerez, vous, d’expliquer le pourquoi du comment à une puce d’à peine huit ans, qui vous apprend ça, puis qui vous questionne sur cette pratique devenue tristement nécessaire. Dans quel putain de monde on vit?!?… Mais rassurez-vous, ce n’est pas ce que je lui ai dit.

Quand j’entends des histoires comme ça, j’ai des relents de mélancolie. Je m’ennuie d’un temps où les sacs à dos pare-balles n’existaient pas, à 282,66 $ sur Amazon.ca. Un temps où patin Micron aux pieds, je jouais au hockey tranquille juste avant le dîner, sur la patinoire de Val-des-Monts. Un temps où ma principale préoccupation était de ne pas casser la palette en plastique au bout de mon précieux Sherwood.

Un temps où du primaire au secondaire, j’entrais puis sortais de l’école à volonté, sans le moindre douanier. Je me souviens que lorsque la cloche du midi sonnait, on traversait seuls la 117 pour aller manger une small pepperoni à l’Escale. Idem à Monseigneur Frenette et à la Poly où, régulièrement, on sortait pour manger un sandwich au Axep, ou une poutine Chez B, sans que nos parents aient à se soucier… que leurs enfants soient victimes d’esprits détraqués.

Le sens du mot liberté a résolument changé, mais il ne faut pas pour autant y renoncer. L’innocence fait de plus en plus de place à la lucidité. Malgré tout, ce n’est pas le niveau d’alerte nationale qu’il faut relever, c’est plutôt notre compassion, notre sens des responsabilités et notre dignité – vivement la solidarité. Moi, j’y crois. Et vous, vous embarquez? Namasté.

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