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Le call de l’orignal

Par Josée Pilotte

J’aurais bien aimé vous parler de littérature, ou d’une nouvelle recette de tarte aux pommes, ou d’un prochain voyage que nous projetions faire au Vietnam, ou… J’aurais aimé vous parler du temps qui passe comme les feuilles d’automne, cette saison de livres, de films et de «comfort food»…

J’aurais aimé vous entretenir des soubresauts du Dow Jones, des prochaines élections américaines, de l’Islande comme nouvelle destination tendance. J’aurais aimé vous dire tout ça, ça même au passé simple, mais je suis au présent, là où l’action prend le dessus sur l’intellect. Bref le passé simple ne se prête pas trop à ce qui habite mes semaines cet automne; la preuve: je vous écris un marteau à la main (y’en a-tu qui ont peur? mais non, le cloue c’est pas vous!).

Il me semble vous l’avoir dit, sinon je vous le redis, je rénove ma tanière. J’abats des murs, je perce des fenêtres, je commande de la robinetterie et je commande aussi mes trois hommes (oups! là je rêve, je me fais plutôt commander pas les temps qui courent..).

J’obéis à Chéri: «Scie-moi un 2X4 à 7 pouces 3/4 sur la ligne…» Su’a ligne?! Une vraie petite soldate.

C’est pas des farces, ma maison est presque éventrée, ouverte aux quatre vents pis y vente, pis y fait frette… C’est un open house, mais sans l’alcool. C’est plate, messemble qu’y serait bon le martini on the rocks! Finalement ils ont bien raison de donner des noms de filles aux l’ouragans: après Katrina, c’est l’arrivée de «l’ouragan Jopi» à Morin-Heights.

Je vous entends penser…

Elle ne va quand même pas nous parler de rénovation et de 2X4 toutes les semaines… on s’est déjà tapé le vélo, le jogging… pitié pas la réno!

Vous ai-je dit que j’étais un peu «bordeline»? (Cou’donc est-ce péjoratif d’utiliser ce mot? Au fond ne le sommes-nous pas tous un peu, «bordeline»? Tous comme un 7 pouces 3/4: su’a ligne!)

Mais. Vous seriez surpris de ce que l’on découvre en rénovant: sur la psychologie de la testostérone, il me fut révélé beaucoup de choses et sur ses effets à court terme sur le mâle québécois moyen. Qui se transforme soudainement en voyeur fasciné par le brin de scie et se trouve irrémédiablement appelé par le «plywood» et le tirage de joints. Marrant de constater l’effet qu’a le bruit d’une scie ou du marteau sur l’homo sapiens: il réagit bizarrement comme un «call» de l’orignal en rut. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est viscéral, ça vient les chercher dans le fond des tripes. Ça réveille leurs virilités. Vous dire: après seulement une semaine de démolition les mâles de mon voisinage étaient tous sortis du bois pour «watcher l’chantier». Grande stupéfaction de ma part qu’il en existe autant; dire qu’il ne m’avait jamais été donné de les voir en douze ans… C’est beau à voir, surtout Chéri, ceinture de l’ouvrier à la taille, concentré sur la tâche, si bien concentré qu’il ne pense plus à rien: «En tout cas, quand je fais ça, je ne pense à rien, pis ça me change…»

Serait-ce la raison pour laquelle la construction plaît tant aux hommes?! Mais. N’empêche que. Selon une étude («Les hommes et le sexe») parue dans le Journal de Montréal le mois dernier, on est en droit de se poser des questions sur le cerveau masculin…

Paraîtrait que quand il est à l’horizontal – quand il nous fait l’amour, quoi! – , ben ça à l’air là que… l’homme «PENSE»! Mais pas à n’importe quoi, à n’importe qui: l’homme pense à «une personne imaginaire», à «une collègue de travail», à «une amie de sa partenaire», à «un membre de la famille de sa partenaire», à «une collègue de sa partenaire», tout sauf à sa partenaire… Finalement, je suis contente quand Chéri pense pas!!!

Mon exploration n’est certainement pas terminée. Il me reste encore quelques semaines d’observation de l’homo constructus; tant mieux je ne me lasse pas d’observer Chéri ne penser à rien. C’est mon cinéma d’automne.

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