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L’égo à plat

Par Josée Pilotte

Je me souviens de mon premier vélo: mauve, avec un siège banane, des guidons chopper, avec des guirlandes qui pendaient de chaque côté, et une carte de hockey tenue avec une pince à linge, qui frottait dans les rayons pour donner l’impression d’avoir un moteur. Et bien sûr, pas de casque, les cheveux au vent plutôt et le sourire dans la face.

L’enthousiasme venu des journées chaudes, me font tourner la tête d’une trajectoire habituelle. L’été étant propice à nous dévier de la trajectoire routinière qui pèse tant sur nos vies; ce marathon infernal dans lequel nous sommes tous plongés. Je me laisse donc la possibilité de ne rien planifier, de laisser venir à moi le hasard qui donne cette impression de grande liberté et de spontanéité, comme quand on était de jeunes «flos». Respirer à pleins poumons avec cette conviction que la «To Do List» peut attendre le temps d’un printemps, d’un été. Mettre de côté cette foutue performance – mal de ce siècle s’il en est – ne rien planifier, (surtout ne rien planifier) pour ainsi donner du lousse dans la chaîne qu’on a au cou… de nos nombreuses responsabilités. De l’air quoi!

Cet arrêt de la performance m’est venu après mes premières sorties de vélo de route qui furent un vrai supplice, pour ne pas dire un vrai calvaire.

J’avais beau essayer, mais je n’arrivais pas à tripper sur mon deux-roues, à sillonner les routes des Pays-d’en-Haut. Pire, je n’arrêtais pas de me répéter: «Comment peux-tu être aussi en forme et être aussi nulle à pédaler un p’tit bécycle-à-pédale?» Bref: une vraie folle sur deux-roues!

C’est donc là, entre deux coups de pédales et à bout de souffle, que je me dis: wô!, m’dame chose, tu fais quoi au juste, là?! De kessé que tu veux prouver?!

Savez-vous quoi? Je ne sais pas pour qui, pour quoi je me mets autant de pression à performer. Ce que je sais, c’est que j’ai toujours fait les choses le pied dans le tapis. J’ai une seule vitesse dans la vie: à fond la caisse. Et l’arrêt (off) est souvent aussi brutal et extrême : quand je «déplug», je débranche tout!

Anyway, tout ça pour vous dire que c’est à partir de cet instant-là, entre deux montées à «bécik» où j’avais le cœur dans la gorge, que j’ai décidé de me «désintoxiquer» de la performance.

Et comment on fait ça?

Et bien, on va voir un gars comme Jean-Sébastien Thibault de chez Espresso Sports. Mettons que je n’étais pas sa première grande malade, il en avait vu d’autres avant moi faire des névroses tout aussi graves que la mienne.

-Jean-Seb, ça marche pas pantoute mon affaire. J’hais mon vélo, j’haiiis l’vélo, je suis pas bonne, il avance pas pantoute. TU COMPRENDS-TU?

-Ok

-Okkkk, quoi?

-Ok, rien.

– J’ pense que tu ne comprends pas très bien, là, là… je vais vendre cette foutue bécane et m’acheter un «bécik à gaz» si ça continue comme ça!!!

– Bon, bon…viens on va aller rouler un peu… Mais avant, règle numéro un: as-tu vérifié la pression de tes pneus?

– (…)

On a remis de l’air dans mes pneus. Ils étaient gonflés à 50 psi. Ça en prenait 100. Ça commençait bien mon affaire! Je pouvais bien avoir l’impression de rouler sur le flat et puis de ne pas avancer!

Nous avons été rouler comme il a dit, fait quelques petits ajustements (rien de majeur mis à part l’air dans les pneus, j’en rigole encore). Tout en roulant, on a jasé de tout et de rien, mais presque pas de vélo. Il m’a demandé comment ça allait sur le vélo. J’allais plutôt bien. Et tout en roulant, il m’a lâché sa petite phrase assassine : «Et n’oublie pas d’écouter les oiseaux lors de tes sorties en vélo…» C’est tout. Rien de plus. Ce qu’il voulait me dire au fond, c’est de ne jamais perdre de vue la chose la plus importante: le plaisir.

-T’a pas de problèmes Josée

– Non, mais, tu ne…

– Va rouler, arrête de te pousser dans le fond et de te comparer aux autres, respecte tes limites, et tout va bien aller.

C’est tout. Rien de plus. 

Je voulais aussi commencer cette chronique en vous disant tout le bonheur que j’ai de me promener le nez en l’air, à sentir le parfum du lilas. Je rêve des étés qui demeurent, toujours, pour les hasards, et tous ces imprévus. Comme ces longues balades à vélo, avec une carte de hockey qui fait chanter les rayons, le sourire dans la face.

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