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Procrastination printanière

Par Josée Pilotte

«Dis-moi: tu fais quoi exactement quand il pleut depuis deux semaines sans arrêt, toi? Moi, je ne sais plus.» 

Par Josée Pilotte

Moi? Je suis sur le bord de la

dépression nerveuse alors ne te fie pas à moi pour te dire quoi faire, mais si tu tiens tant à savoir, je viens de me taper le livre d’Yves Boisvert, un hymne à la course à pied et aux

petites choses de la vie, d’une traite sans bouger d’un iota de mon sofa. Me suis même assoupie quelques

minutes, peut-être quelques heures, m’en souviens plus. Non, non,

Boisvert n’est pas ennuyant, je ne t’ai pas dit ça, au contraire, je te dis

seulement que je me suis laissée

bercer par ses mots, par ses pas

devrais-je dire.

 

Mais non, je vais bien, j’te dis, ce n’est que passager mon affaire, un genre d’écoeurantite-aigue-en-

mal-de-lumière, de soleil. Tu te souviens de lui, han?!

 

Tu me comprends, ah!, tant mieux.

Tu sais que franchement ça n’aide pas ma dépression, mon inactivité… Mon vélo est dans le garage depuis deux longues semaines, t’imagines un peu? Sans parler de mon nouveau vélo de montagne tout neuf qui n’a pas encore vu l’ombre d’une piste, d’un arbre. Rien j’te dis, pas même mis les pieds dans le bois.

 

Oui, oui «brand new», le vélo, me suis gâtée. La couleur? Bleue. Comme le ciel.

 

Jogging? Non y fait trop froid. J’ai déjà été comme Boisvert à braver toutes les intempéries, à avaler des kilomètres d’asphalte beau temps mauvais temps, juste pour le plaisir de courir, mais là, je boude, je trouve que c’est trop. J’ai troqué mes running shoes pour mes pantoufles de chez Costco. Oui, celles avec de la moumoute à l’intérieur. Ah oui?, tu l’aimes toi aussi?

 

Non, non, arrête de t’inquiéter de toute façon, je prends une double dose d’oméga-3. Si ça marche? Je crois bien que oui.

J’ai osé une sortie malgré tout. J’ai hésité entre mon ciré et mon manteau d’hiver. Je sais ça ne fait pas de sens, mais j’y ai tout de même pensé, j’te jure.

 

Tout ça pour te dire que je me suis rendue chez Renaud Bray au

Carrefour du Nord… c’est le plus loin que ma déprime me permettait d’aller de toute façon. J’ai erré dans les allées comme une vraie perdue, je n’arrivais pas à me décider entre le dernier de Kim Thúy, le dernier Daniel Pennac, Laferrière aussi…

 

Kim Thúy, oui, tu sais bien, c’est la Vietnamienne hyper sympathique qui a écrit Ru. Quel livre, je te le conseille… la finesse et l’intelligence de ses mots, c’est du vrai bonheur!

 

Anyway, tout ça pour te dire qu’y’en avait trop pour que je décide de n’en prendre qu’un. En fait je te dis ça, parce que j’ai toujours admiré (je sais que c’est un peu exagéré comme mot, «admiré», mais c’est comme ça), les gens qui réunissent à ne sortir d’une libraire qu’avec un seul livre. Moi j’en suis incapable. Ben oui, je sais, tu m’apprends rien, je suis un peu compulsive mais bon ce n’est pas comme si je compulsais sur la bouffe ou je ne sais quel autre vice… les livres, c’est une belle compulsion à avoir j’trouve. Tu trouves pas, toi?!

 

Donc, je les ai tous pris. Oui, oui la caissière m’a même demandé si je voulais un sac. Remarque qu’ils

demandent tous ça maintenant, han?!

 

J’ai dit à la p’tite caissière n’avoir juste pas pensé à amener mes sacs recyclables pour faire un Renaud Bray et que, tout compte fait, j’en prendrais peut-être même deux sacs puisque je n’avais pas assez des poches de mon ciré et de mes deux mains pour tout emporter. À moins, ai-je ajouté, qu’ils n’offrent maintenant un service à l’auto comme chez Tim Horton.

 

Elle ne m’a trouvée drôle.

Ben non, je n’ai pas dit ça, je

déconne, tu me connais.

 

Bon, tout ça pour dire que lorsque je suis arrivée à la maison, je les ai tous mis là, sur la table à café.

Ben les livres que je venais tout juste d’acheter, c’t’affaire!

 

Non mais… dis-le si je te saoule avec mon histoire!

Oui je sais que toi aussi tu

t’emmerdes royalement mais bon, prends des oméga-3, j’te dis que ça aide.

 

Donc pour en revenir à mes

moutons… Je me suis demandé par lequel avais-je le plus le goût de commencer…

 

Et bien, tu ne croiras pas…

J’ te jure que tu ne croiras pas.

Okay!, j’arrête de rire.

Mais je trouve ça tellement

pathétique que je me trouve drôle, tu comprends?

 

Et bien, tu sais quoi?

J’ai tout laissé là, sur la table à café. Et tu sais ce que j’ai fais?

 

J’ai allumé la télé. Et j’ai regardé, tiens-toi bien:

 

M-É-T-É-O-M-É-D-I-A. Pour la millième fois depuis des jours.

 

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