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Un sofa avec ça?

Par Josée Pilotte

Parfois j’ai l’impression de vivre avec un point d’interrogation entre les deux yeux.

Le problème c’est qu’à la longue ce questionnement perpétuel creuse ma ride du lion. Pis la lionne aime rugir. Trop souvent peut-être… Surtout que j’suis pas abonnée chez doc’ Botox. C’est que la faune artistique s’était donné rendez-vous pour beugler en groupe au Club Soda mardi soir dernier contre les coupures dans la culture du gouvernement Harper. Ont-ils raison? Évidemment. Je suis la première à consommer de la culture à grande gorgée. Je suis aussi la première à reconnaître que la culture est le poumon d’une société, un oxygène qui la fait voyager et connaître, cette société, bien au-delà de ses frontières. Mais. Je dois avouer qu’au-delà des beaux discours j’ai une certaine gêne à les voir crier leur indignation, parce que ce que l’on entend surtout c’est qu’ils décrient les politiques conservatrices, sans prendre aucune position. Aucune. Pour moi, le bobo il est là. Que proposent-ils? Qu’osent-ils vraiment? Ne pas voter conservateur? Seulement ça? Ben voyons donc… Faites-moi brailler encore un peu. Nous sommes loin de l981 et de la fièvre référendaire, quand tout semblait possible et où l’effervescence de l’engagement résonnait en nous comme une raison d’être… Aujourd’hui c’est pas un pays qu’on réclame, c’est de n’être pas coupé! Aujourd’hui on sait pas pour quoi on vote, on sait pas pour qui non plus. Croyez-vous vraiment que le Cirque du Soleil ne serait pas né sans subvention? Peut-être bien. Mais…

Parfois j’ai l’impression de vivre avec un point d’exclamation entre les deux yeux… C’est que voyez-vous nous sommes en plein branle-bas de combat à la maison, Chéri et moi avons décidé de tester notre couple: on rénove notre tanière. Rénover signifie faire de la place; faire de la place signifie faire le grand ménage; et faire, le ménage signifie classer, jeter. Donner. Et c’est là que l’exclamation arrive; elle arrive avec les deux messieurs de L’Ouvroir… Pensant faire une bonne action, en bonne citoyenne je les avais appelés pour faire cadeau de pièces d’un mobilier que j’usais depuis, quoi?, cinq ans. En gros, me disais que je pourrais aider des familles, des étudiants, dans la région en les faisant profiter de nos choux gras, un peu comme j’aurais aimé que l’on fasse pour moi quand j’étais étudiante. Entrent donc deux messieurs dûment mandatés par les Pauvres. Font le tour, trouvent… rien. Du moins rien qui fasse leur affaire: «On prend pas ça, trop de nettoyage à faire.»
– Ben-là, vous avez bien regardé?! Y’a un miroir, des cadres, des lampes, des tables, un matelas, un sofa, allouette…
– On pourra jamais vendre ça.
– J’veux pas les vendre, j’veux les donner. Aux pauvres.
– Désolée ma p’tite dame, c’est comme ça.
– (!)

Sont partis. M’ont laissé toute seule au milieu de mes bebelles avec ma ride dans le front. Cou’donc, chus-tu une crottée, moi-là? Est-ce que je me trompe ou bien c’est tout un luxe que de refuser un sofa de Mariette Clermont? On est où là? C’est pas la misère des riches, c’est la richesse des pauvres… Je tire ma révérence, ou j’appelle doc’ Botox? Finalement c’est mon voisin (belle maison, bel job, belle voiture) qui aura profité de mes vieilleries… J’capote. Je suis restée avec toutes mes bébelles, que même les pauvres ont pas voulu. Même le banc de quêteux de grand maman je suis restée avec. Maudite misère!

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