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Mouffe, loin d'être une femme «ben ordinaire»…

Par Martine Laval

Mouffe a fait vibrer le fil de presse dernièrement, alors que Céline Dion lui émettait le désir de chanter la chanson Ordinaire qu’elle avait écrite pour Charlebois en 1969 et que René Angélil aimait tant. Étonnée du choix de la chanteuse mais toutefois touchée, la parolière a adapté ce qu’elle avait composé pour son bum d’amoureux à l’époque, afin que les paroles conviennent aujourd’hui à la princesse qu’est devenue la jeune fille de Charlemagne. En attendant d’entendre cette version de la voix de notre icône de la chanson, découvrons ce que devient Mouffe, Claudine Monfette de son vrai nom par lequel nul ne la nomme, celle qui anime le milieu artistique de ses multiples talents depuis 50 ans.

Mouffe, avez-vous dû réécrire la chanson Ordinaire pour Céline?

Je ne l’ai pas réécrite, mais adaptée pour elle, pour que les paroles soient pertinentes dans sa bouche. Céline est d’une autre génération et surtout d’une réalité complètement différente de celle de Robert. Elle n’a pas connu le gros Pierre; j’fumerais du pot, j’boirais d’la bière ne colle pas à sa réalité; et je ne crois pas qu’elle soit menacée par : quand j’serai fini pis dans la rue, mon gros public je l’aurai pu, c’est là que je m’r’trouverai tout nu… Alors, j’ai changé ça. C’était une chanson d’bum, Je l’ai féminisée et maintenant c’est une chanson de princesse.

Parmi tous les rôles que vous avez joués dans le milieu artistique (parolière, comédienne, chanteuse, scénariste, metteure en scène, auteure), y en a-t-il un qui vous habite plus profondément?

L’écriture! C’est toujours ce que j’ai voulu faire depuis que je suis enfant. Mais comme on ne peut vivre de l’écriture au Québec, je me suis occupée à gagner ma vie dans des disciplines qui m’ont intéressée, qui m’ont appris énormément et qui m’ont fascinée. Je me disais toujours que quand j’aurais un break ou que je serais enceinte, j’écrirais, mais quand j’ai été enceinte, j’ai travaillé jusqu’à la dernière minute, et deux jours après l’accouchement, je faisais le gala de l’ADISQ avec mon bébé dans les bras! Je m’étais engagée, on comptait sur moi, je me devais de tenir parole! C’était comme ça!
Je ne me suis donc jamais accordé le temps et la solitude nécessaires à l’écriture jusqu’à récemment. Maintenant qu’on me demande beaucoup moins de monter des spectacles, parce qu’on est dans une ère très technologique, je consacre plus de temps à l’écriture. J’écris davantage de chansons aujourd’hui que depuis les quinze dernières années.
Quand j’ai été consultante pour un projet au Musée McCord, on m’a posé beaucoup de questions sur l’histoire et l’impact de la chanson sur la société des années 60-70. C’est là que j’ai réalisé que j’avais fait des rencontres fabuleuses (Janis Joplin, Alfred Hitchcock, entre autres), et à quel point j’avais eu une « pas pire vie ». Alors, depuis quelque temps, un peu chaque jour, sans m’imposer d’échéancier, je profite d’avoir encore assez de mémoire pour raconter ce dont je me souviens de ma vie professionnelle.

Vous fréquentez également la relève et vous vous impliquez avec eux.

Je crois beaucoup à la transmission, alors je participe à des ateliers d’écriture avec Gilles Vigneault, Luc De Larochellière, pour justement essayer de raconter le petit bout de mon histoire vécue et que je crois avoir compris. Je suis également membre du C.A. de Ma 1re Place des Arts.
Je trouve toutefois un peu triste de former tant de jeunes. Qu’il y ait tant de concours. Beaucoup d’appelés, très peu d’élus. Le milieu de la chanson est dans une période de vache très maigre. Je trouve utopique de lancer des jeunes là-dedans! Tout le monde veut chanter au Québec! Mais il n’y a pas d’emplois, de débouchés, de marché!
On n’est pas encouragés par les radios ni par l’économie. Les droits d’auteur ne sont pas payés. Les disques ne se vendent plus parce qu’ils sont téléchargés sur le Web. On envoie des jeunes à l’abattoir! Je me sens coupable… bien que leur apprendre à écrire, c’est les outiller tout de même. Mais juste les élire gagnants d’un concours, je trouve que c’est les jeter dans le vide. C’est le genre de dilemme que j’ai vis-à-vis la relève. Je me demande ce qu’on leur laisse, ce qu’on leur offre.

Quelle est votre plus grande fierté dans votre carrière?

D’avoir survécu à ce monde assez macho, ce monde de gars! Je ne me suis pas rendu compte dans quoi je m’étais embarquée! Lors d’un coup dur où je m’étais fait « rentrer dans bande » par les gars, je me suis demandé ce que j’étais venue faire là-d’dans! C’est là que je me suis dit : « Essaie d’être comme la chèvre de monsieur Séguin. Tente de durer le plus longtemps possible avant de te faire manger! ». Alors, c’est ça ma fierté! Avoir été mordue, croquée, mais pas dévorée… encore!

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Photo : Courtoisie

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