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Marathon canadien de ski de fond

Par Mathieu Laberge

Dans l’esprit des coureurs des bois

Depuis 50 ans, le Marathon canadien de ski de fond fait figure de résistant. Résistant aux modes et aléas de la popularité de ce sport, mais aussi auprès de son noyau dur qui est composé des coureurs des bois. Les fondeurs inscrits dans cette catégorie doivent compléter les 160 kilomètres séparant Buckingham et Gatineau en deux jours.
Les Coureurs des bois or doivent le faire avec leur équipement pour passer la nuit à la belle étoile où les seuls services auxquels ils auront droit seront de l’eau chaude, un feu de camp et deux balles de foin.
Dans cette confrérie, les cheveux sont grisonnants, la moyenne d’âge se situe au-dessus de la cinquantaine et la camaraderie est bien présente. Ne devient pas coureur des bois or qui veut : il faut compléter les dix étapes du marathon dans les catégories bronze (sans restriction quelconque) et ensuite argent (avec une charge minimale de 5 kg) avant d’entrer dans ce cénacle sportif.
C’est ce qu’a tenté le représentant d’Accès chez les coureurs des bois argent il y a deux semaines. Récit d’un parcours unique qui décide de tout.
L’aventure c’est l’aventure!
Samedi matin à Buckingham, ce ne sont pas des flocons qui tombent du ciel, mais plutôt de longues larmes enneigées. Après les feux d’artifices qui ont tonné dans le ciel, le départ est donné peu avant 6 heures du matin. Les traces laissées par la dameuse quelques heures plus tôt ont disparu tant il neige à plein ciel. Avec le mercure qui tourne autour du point de congélation, le fartage vire rapidement au cauchemar pour certains dont la neige colle sous les skis et qui empêche toute glisse.
Moins d’une heure plus tard, la lueur du jour perce l’horizon. On éteint les frontales. Pause rapide au ravitaillement de la fin de la deuxième section et puis… plus rien. Les organisateurs bloquent l’entrée de la troisième section, car la dameuse est restée prise dans la neige folle.
Seule une poignée de skieurs, la plupart des coureurs des bois or, ont passé avant la fermeture. Ils ouvriront la piste dans la neige folle ou dans une trace de motoneige. Costauds qu’ils sont, il n’y a pas d’autres mots.
Pendant ce temps, des centaines de participants se sauveront de ces 16 kilomètres. En échange, ils devront attendre deux heures sous la pluie et dans le froid avant que n’arrivent les autobus pour les transporter au départ de l’avant-dernière étape du jour. La journée se terminera en bonne partie sous la pluie, mais dans la bonne humeur.
Boum, paf, ayoye!
Une heure après le départ du jour deux, les pistes commencent à geler. Autant les skis à mini peaux de phoque avaient été utiles la veille, autant ils ne sont pas adaptés aux conditions dominicales.
Le temps est doux, le soleil se pointe vers l’heure du midi et l’embâcle d’un ruisseau en aval d’un lac qui déborde sur la piste au pied d’une descente nous fait croire que le printemps arrivera dans quelques semaines.
La troisième étape du jour est digne d’une étape de haute montagne du Tour de France. Les montées sont si pentues que certains enlèvent leurs skis pour atteindre le sommet.
Malgré la prudence dans une longue descente où je file à 30 km/h, je m’étends comme une crêpe. Dans la chute, mon sac à dos se vire violemment et vient frapper mon épaule gauche. La douleur persiste et je comprends rapidement que je ne terminerai pas dans les délais. Que je ne terminerai pas tout court en fait.
Après avoir aidé en offrant du duct tape pour réparer un bâton ou des gels énergétiques à un coureur des bois or en manque d’énergie, c’est à mon tour de profiter de la générosité d’un autre fondeur qui me tendra une Advil pour soulager mon épaule.
Les 8 kilomètres restants de l’étape seront un peu moins un chemin de croix, même s’ils se feront à seulement un bras.
En direction vers Lachute, nous ne sommes pas dans le camion balais ou dans l’autobus de la honte, mais plutôt dans l’autobus des espoirs déçus mélangés à de la fierté d’avoir été au bout de nos limites. Nous commençons déjà à penser à l’édition 2017 et à ce que nous pourrions faire pour aller encore plus loin.
J’ai le bras en écharpe et le cœur aussi, car j’ai été un élève studieux à l’entraînement,  qui avait tout pour réussir son examen.
À l’arrivée, la légende vivante du ski de fond canadien, Pierre Harvey, est toujours aussi humble et nous raconte son périple. Lui aussi a eu son lot de difficultés et il a dû se surpasser. Oui, comme tous les autres. Au Marathon canadien de ski de fond, c’est le parcours qui décide, même pour les champions.
Et c’est pour cela que c’est bien plus qu’une simple randonnée.

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