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1000 milliards

Par Jean-Claude Tremblay

jctremblayinc@gmail.com

Personne ne mesure la portée d’un tel chiffre, ça dépasse l’imagination. Pourtant il faudra l’apprivoiser, car c’est le cap que franchira sous peu la dette du Canada, alimentée aux stéroïdes par la largesse des mesures gouvernementales tantôt essentielles, mais parfois questionnables.

 

« Mille milliards de dollars », c’est aussi un film français sorti en 1982, qui, assez ironiquement dans les circonstances, traitait des ravages de la mondialisation et exposait le clivage malaisant entre les plus riches et les plus pauvres de la planète. Bien qu’on soit tous (humainement) égaux devant le virus, il n’en reste pas moins que pendant que beaucoup s’appauvrissent et perdent leur chemise, plusieurs s’enrichissent. Parlant de s’enrichir et de démesure planétaire, 1000 milliards, c’est la valeur boursière (individuelle) qu’ont atteinte ces dernières années, les entreprises Amazon, Alphabet (Google), Apple et Microsoft. Ça détonne avec la serveuse monoparentale qui n’a plus d’emploi, ou celui qui va déposer le bilan, car son commerce ne traversera pas la crise.

Quel prix, le « filet social » ?

Initialement, l’intervention mammouth du gouvernement fédéral était nécessaire pour assurer que les gens puissent survenir à leurs besoins de base, mais on a dépassé ce stade depuis un bout, au point où certains sont rendus plus confortables qu’avant la crise. Là où le bât blesse, c’est que plusieurs de ces mesures ont été improvisées, ouvrant la porte à l’abus, et incitant plusieurs personnes à rester inactives. La meilleure façon de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire, disait Félix Leclerc. Je veux bien croire que l’économie a été mise sur pause et les gens privés momentanément de leur emploi, mais certaines de ces mesures sont tellement riches qu’elles encouragent la torpeur, en plus de créer un dangereux déséquilibre sur le marché de l’emploi. Le résultat ? Pendant que certains reçoivent beaucoup d’argent sans en avoir de besoin, d’autres peines à y arriver. Dépenser aujourd’hui de manière irresponsable comme s’il n’y avait pas de lendemain, sans plan de relance ni de remboursement, hypothèque le futur de nos enfants et menace l’équité sociale que ces mêmes mesures sont censées assurer.

La Sainte Eucharistie bancaire pour les entreprises

« Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon prêt sans intérêt, livré pour vous », dit le banquier, dans le rôle de Jésus, en bon promoteur du message du grand Tout-Puissant, le gouvernement.  Le milieu de la finance qui distribue des prêts aux apôtres-entrepreneurs virtuellement sans condition, ça m’inquiète. En quelques clics, je peux obtenir 40 000 dollars sous forme de prêt garanti par l’État, et il va même te donner un bonus jusqu’à 10 000 $ si tu rembourses avant longtemps – wow, c’est alléchant !

Cette initiative risque de faire plus de mal que de bien, et c’est en arborant mon chapeau de consultant que j’invite les intéressés à la plus grande des prudences. Plus d’une trentaine de milliards de dollars annuellement, c’est le profit des six grandes banques canadiennes depuis les dernières années : elles ne prennent aucun risque, vous oui. Mon message aux entrepreneurs est le suivant : si vous n’avez pas établi un plan de relance, flanqué d’un budget détaillé pour les 12 à 18 prochains mois, incluant les modalités de remboursement dudit prêt potentiel, cette mesure n’est pas pour vous.   Malheureusement, tandis que certains utiliseront cette mesure sans en avoir réellement besoin, d’autres contracterons ce prêt en désespoir de cause, et ne pourront jamais le rembourser.

Ces mesures, et combien d’autres annoncées à chaque semaine pour tout et tout le monde, commencent à peser lourd sur le fardeau que nous, et nos futures générations allons devoir collectivement porter. Lorsque les banquiers enverront les factures salées résultant des initiatives et des prêts non remboursés au gouvernement qui les a initiés, qui devra (encore) payer ?  Et les gouvernements, eux, quand ils auront terminé leur partie de Monopoly et qu’ils auront tout épuisé, vers qui vont-ils se tourner pour se renflouer ?   

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