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– LES FILMS DE L’ÉTÉ –

Par stephane-desjardins

Sex and the City

L’ultime film de filles

Je sors à peine du visionnement de Sex and the City, de Michael Patrick King. Ce fut une expérience vraiment particulière sans que j’apparente sans hésiter à une visite au rayon des jouets, un peu avant les Fêtes. Visionner Sex and the City, c’est comme passer dans l’allée des Barbies. Tout devient soudainement rose nanane.

J’étais donc en plein cœur d’une armée de femelles. Les filles formaient 80% de l’auditoire. Le solde, composé de mecs armés de barils de pop corn, participait à l’expérience avec une bonne volonté manifeste. Le même genre d’ouverture d’esprit bon enfant dont une fille fait preuve lorsque son chum finit par la traîner dans un blockbuster jouant autour du vol de voitures de luxe ou d’une équipe de football en queue de division qui finit par remporter le championnat contre toute attente.

Revenons au phénomène sociologique. J’ai entamé une discussion là-dessus avec mon rédac’ chef. Sex and the City est-il réellement un phénomène humain ou médiatique? Dans mon autre vie, je dirige un journal financier. Ce qui m’amène à lire des journaux qui viennent d’un peu partout dans le monde. Je vous jure que je n’ai jamais vu autant d’articles sur un film depuis des décennies. C’est incroyable à quel point ce film a été vendu avec enthousiasme au cours des derniers mois. Certains journaux abordaient un angle du «phénomène» pratiquement TOUS les jours. J’allais donc pencher pour le phénomène médiatique. Vous savez, quand la machine média s’emballe pour un non-événement, lorsque la bête se nourrit par elle-même sans aucune forme de retenue ni de logique… Jusqu’au mo-ment où j’ai pénétré dans le cinéma. Le doute m’a assailli sur le champ: et si c’était un phénomène sociologique après tout?

Je me sentais donc, au milieu de cette foule de femmes manifestement éprises de cette même connivence entre elles et avec le sujet, que dis-je, l’oeuvre, comme un anthropologue qui choisit de passer plusieurs années chez les Papous, pour étudier leur comportement. J’ai pu admirer à quel point les filles craquaient pour chaque répartie, chaque situation, chaque plan, chaque «moment de vérité» ayant un rôle stratégique dans l’histoire. Quand il fallait rire, elles riaient de bon cœur. Quand il fallait s’apitoyer, elles le faisaient. Quand il s’agissait de pleurer, ben les Kleenex se faisaient aller. Sex and the City est l’ultime film de filles, je vous dis. Un véritable conte de fées pour femmes adultes. Le problème, c’est que ce film carbure uniquement aux belles fringues, aux beaux sentiments, à un univers auquel une grande majorité de femmes aspirent. Le cliché ultime de la vie des gens riches et célèbres. Car ce film est, sur le plan de l’histoire, d’une nullité absolue. C’est le cucul magnifié à la puissance mille. Une histoire archi-prévisible, une enfilade de clichés comme s’il s’agissait d’une manufacture à bons sentiments. L’humour, les réflexions sur l’amour, la vie de couple, le célibat, placés exactement là où il faut. Un film parfait, comme les filles recherchent toute leur vie cet amour parfait, dans un univers parfait, fait d’appartements ou de bungalows conçus par des décorateurs, habités par des gens qui s’habillent dans les boutiques de luxe et qui vivent la grande vie, celle que l’on dévore dans les romans de gare et les télénovelas. Il fallait voir les visages de l’auditoire lorsque Carrie enfile les robes de mariées à la queue-leu-leu. J’avais la gueule à terre. Les filles, quand vous vous y mettez, vous êtes réellement téteuses comme ça se peut pas. Aussi téteuses, je suppose, que les gars peuvent être néanderthaliens lorsqu’ils craquent pour The Rock, Stallone ou Schwart-zenneger. Mais en matière de film à l’eau de rose, Sex and the City se situe tout en haut de l’échelle de la superficialité et de la publicité déguisées en téléréalité de luxe. L’im-mense majorité des critiques ont beau crier à la nullité totale, ce film attire les foules de filles extatiques devant l’univers désespérément frivole et futile qui nous est présenté comme un modèle de société ultime. Comment peut-on tenir en équilibre dans de tels escarpins et fonctionner dans une grande ville? Idiot, évidemment, en se déplaçant CHAQUE JOUR en taxi! Comment se payer de telles fringues et de tels appartes? Poser la question, c’est y ré-pondre: en ayant une bonne ligne de crédit! Comment habiter Manhattan alors que les propriétés ne sont accessibles qu’aux millionnaires? Mais en écrivant une chronique hebdomadaire pour Vogue! Croyez-moi, aucun journaliste ni chroniqueur ne peut se payer un tel rythme de vie en ayant le temps d’écumer les boutiques de la Cinquième Avenue. Même un columnist vedette du monde des affaires, là où les plus gros salaires se paient dans les médias. Mais nous sommes dans Sex and the City, où la vie dans la Grosse Pomme est le rêve ultime du chic et du bon goût à l’américaine… Tiens, comment affronter cette vie de con-sommation effrénée tout en consacrant quelques heures à peine à son travail? Où avais-je la tête, en faisant comme Carrie: en embauchant une assistante personnelle! Bien sûr, tout le monde peut embaucher une assistante personnelle pour classer ses Manolos à 500 balles dans son walk-in de 600 pieds carrés. Il vous reste du temps pour écrire le fantasme ultime de toute chroniqueuse: écrire un livre sur l’amour et les relations humaines. Et figurer sur la liste des best-sellers du New York Times. Non, mesdames, traitez-moi de fieffé macho, mais de cette guimauve là, je ne croquerai pas.

Kung Fu Panda

Rien à son épreuve

Il fallait y penser. Quelle association contre-nature: Panda et Kung Fu! Comme si l’énorme mammifère pouvait virevolter tels les personnages de Tigre et Dragon. Eh bien, ça marche. Et pas à peu près!

John Stevenson et Mark Osborne ont donc accouché d’un dessin animé peu ordinaire. Et pour faire plus vrai, ils situent l’action dans un pays d’Asie non identifié, dont on soupçonne pourtant que c’est la Chine médiévale, le Sichuan, genre. Po, le personnage principal, un panda débonnaire absolument maniaque d’arts martiaux (le genre de fan qui collectionne les affiches et connaît tous les grands joueurs de hockey des 20 dernières années ainsi que leurs exploits), travaille pour son papa, proprio d’une nouillerie. Le père ne veut qu’une seule chose, ce que tous les bons papas espèrent pour leurs enfants: que le fils fasse une bonne vie. Et, surtout, qu’il hérite de l’entreprise familiale.

Mais Po, vous l’avez deviné, s’ennuie. Il veut absolument assister à une sorte de cérémonie où Maître Shifu, le gourou local, une sorte de croisement entre le vieux Chinois de Karate Kid et Maître Joda, va désigner lequel d’entre les cinq légendaires combattants locaux sera couronné gardien de l’endroit. Po le panda sera littéralement propulsé au centre des événements. Le vieux maître y verra un signe. Le reste du monde, une calamité. Car, au même moment, le méchant ultime, assoiffé de pouvoir et de sang, Tai Lung, un léopard des neiges qui est aussi un combattant extrême, s’évade de sa prison extrême, gardée par une armée de rhinocéros extrêmes. La scène de l’évasion fait son effet, je vous jure. On en vient au noeud de l’histoire: l’affrontement entre Po et Tai Lung. Non sans que les cinq combattants ne s’y mettent. Et échouent à leur tâche. Je ne vous révèle rien car, dans ce genre de film, on voit tout venir de très, très loin.

Les qualités de ce film résident ailleurs. Hormis la petite morale sous-jacente aux films d’enfants, du style «peu-importe-tes-faiblesses-tu-peux-réussir-tout-ce-que-tu-entreprends», le récit est, évidemment, truffé de clins d’oeils aux films de kung fu. Mais, plus que l’action et le côté somptueux des décors, des dessins et de l’animation elle-même, c’est la fraîcheur de l’idée initiale qui se dégage de toute cette production. On ne se prend manifestement pas au sérieux ici, malgré, parfois, le propos assez grave. En fait, sous des dehors marrants, le film cache un deuxième message assez fondamental, que l’on retrouve d’ailleurs dans la pratique des arts martiaux: la force physique, l’adresse, le courage et la technique, c’est bien beau. Mais c’est le lien entre l’esprit et le monde extérieur qui conditionne notre habileté à changer le monde et soi-même. Et ce message, il constitue le clou de la scène finale. Livrée de magistrale fa-çon. Rigolote et philosophique à la fois.

Deux jours à tuer

Bouleversant!

Jean Becker revient avec un film plutôt grave mais aussi saisissant. Deux jours à tuer est sans conteste un des meilleurs films de l’été.

Le cinéaste livre ici une adaptation bien personnelle du roman de François d’Epenoux, qui raconte le parcours d’un homme qui, du jour au lendemain, plaque tout, au grand désarroi de ses proches. On a tous ce genre de fantasme: dire bye bye boss, prendre un sac à dos et disparaître pour un bon bout de temps. Ou tout simplement s’enfermer dans un lieu sympathique pour lire ou… pêcher! C’est exactement ce que fait le personnage principal du film. Antoine (Albert Dupontel) est un publicitaire de renom. Il connaît le succès. Un véritable cerbère de la pub. Il a une femme charmante (Marie-Josée Croze) et aimante, deux beaux enfants. Il habite une belle maison, dans un beau quartier. Il chauffe une grosse bagnole. Tout semble lui réussir. Puis, du jour au lendemain. Antoine envoie promener ses clients, ses associés et ses amis. Il plaque même sa femme, qui va jusqu’à le soupçonner d’infidélité. Lors d’une scène de souper d’anniversaire, il plastronne même ses amis.Cette scène, hallucinante et même un peu trop appuyée, résume l’ambiance du film. On ne sait pas quelle mouche a piquée Antoine. Mais le gars en a visiblement beaucoup sur le cœur. Je suis passé par plusieurs passages à vide du même genre. On se demande si notre vie a un sens. Pourquoi on travaille ainsi et à quelles fins? À qui et à quoi on sert? Notre existence a de ces relents d’absurdité qui, parfois, manquent de justifications. Antoine, manifestement, traverse une profonde remise en question. On apprendra véritablement à la toute fin du film les véritables motifs du personnage. Une fin qui vous soufflera tellement elle est inattendue et poignante. Mais qui, étrangement, s’intègre parfaitement dans le récit. Le film, qui comporte quelles scènes où l’humour ne sert qu’à détendre un drame où, manifestement, le cinéphile est aussi éberlué que les proches d’Antoine devant une crise existentielle tout simplement épouvantable. L’affrontement entre Antoine et sa femme, qui permet à Mme Croze de livrer toute la mesure de son talent, laisse pantois tellement on ne comprend pas les motivations profondes du personnage. L’am-biguité d’Antoine, qui livre même certaines réponses à sa femme sans qu’elle (ni nous) ne comprenne, se maintient jusqu’à la fin. On suit ensuite les pérégrinations d’Antoine comme s’il s’agissait d’un road movie. Le film est à ce point efficace qu’il ne tombe jamais dans l’inutile. Parfois sur le ton du thriller, souvent dans le drame, ailleurs avec de la tendresse, Becker montre un récit bouleversant en allant droit au but. Et le jeu de Dupontel est à ce point juste et bouleversant qu’il laisse une marque durable dans notre esprit. Plusieurs jours après avoir vu le film.

Impossible d’être indifférent devant le propos de Deux jours à tuer.

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