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Bonjour tristesse!

Par stephane-desjardins

Ceux qui restent

Artistes, écrivains et cinéastes ont beaucoup abordé le drame d’une personne atteinte d’une maladie grave, comme le cancer. Une saloperie qui signifie souvent que votre date de préemption personnelle vient de se rapprocher dramatiquement sur le calendrier normal de votre vie. Plus rares sont ceux qui se penchent sur les dommages collatéraux. Sur ces proches, qui accompagnent le malade et qui, eux aussi, vivent un drame souvent incommensurable. Surtout si l’être cher ne survit pas à la maladie.

La cinéaste Anne Le Ny s’attarde précisément sur cette thématique, avec beaucoup d’habileté. Elle a choisi de montrer les gens tels qu’ils sont, sans jamais tomber dans le pathos ni filmer ceux et celles qui sont atteints de la terrible maladie.

Le film s’ouvre sur Bertrand (Vincent Lindon), qui se rend, comme chaque jour depuis cinq ans, au chevet de sa femme atteinte d’un cancer du sein. Le pronostic est mauvais. Mais Bertrand garde le fort. Le gars est l’archétype du mâle solide, disposé à faire face à toutes les tempêtes, peu importe leur force, sans jamais élever la voix. Il garde tout en lui. Ne perd jamais la face. Partage rarement ses émotions.

Il doit composer avec sa belle-fille (Yeleem Japain), une adolescente révoltée devant la mort imminente de sa mère alors qu’elle en est à cette étape où les jeunes filles se cherchent un modèle chez leurs parents. Vous l’avez deviné, le courant ne passe pas entre elle et Bertrand.

Bertrand finit par croiser Lorraine (Emma­nuelle Devos) à l’hôpital. Elle-même rend sa visite quotidienne à son conjoint atteint de cancer du colon. Une réalité qu’elle digère mal. «Je croyais que je me transformerais en Mère Thérésa et c’est le con­traire qui se produit: tout ce qui est mesquin en moi est en train de sortir.»

Lorraine est à l’opposé de Bertrand: elle est extrovertie, enjouée et joyeuse. Au point qu’elle se sent coupable de son état d’esprit, alors que son conjoint se bat pour vivre. Elle va même jusqu’à avouer qu’elle aurait de la difficulté à subir cet enfer pendant cinq ans, comme l’a fait Bertrand.

Une étrange relation se tisse au fil des jours. Une sorte de solidarité entre désespérés remplace rapidement le choc des personnalités. Au point où ils ne peuvent pratiquement plus se passer l’un de l’autre. C’est cette relation qui permet à la cinéaste de montrer les angoisses, les joies, les forces et les faiblesses de ceux qui doivent affronter, chaque jour, la maladie, les médecins et la mort. Le spectateur en vient à rapidement entretenir une sympathie sincère pour les personnages.

Ceux qui restent demeure toutefois un film triste. Bien sûr, la cinéaste a l’habileté de multiplier les scènes joyeuses et ces moments du quotidien où l’humour, l’absurde et l’humain prennent le dessus. Mais le regard qu’elle porte sur les conjoints de personnes malades démontre avec force à quel point il s’agit d’une épreuve formidable pour l’entourage. Impossible de ne pas se lancer dans une réflexion sur le sujet. Et aussi sur le fait qu’après notre départ, la vie continue…

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