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Le scaphandre et le papillon: de la fragilité humaine

Par stephane-desjardins

Notre vie ne tient qu’à un fil. Un cliché, certes, mais également une réalité que le destin est seul maître Jean-Dominique Bauby (Jean-Do pour les intimes) en a fait la bouleversante expérience lorsqu’un accident vasculaire cérébral l’a fait basculer du monde des vivants à celui des dépendants intégraux. Avec tous les dommage collatéraux que cela entraîne.

Avant le moment fatidique où l’AVC maudit lui a pratiquement fauché l’existence, Jean-Do menait pratiquement une vie de star. Journaliste célèbre, il occupait le prestigieux poste de rédacteur en chef du magazine Elle. Trois enfants, une vie amoureuse animée, la gloire, le fric, des amis, le luxe, tout ce dont le monde moderne célèbre en matière de réussite professionnelle et sociale. Son monde personnel s’est cruellement effondré en quelques minutes. Après trois semaines de coma, notre homme se réveille paralysé de partout. Seules parties de son corps opérationnelles: une paupière, ses poumons, son cœur, ses oreilles.

Cette histoire vraie a un dénouement heureux et triste à la fois. Car, après le choc initial et le rejet normal d’une existence ramenée à sa plus simple expression, Jean-Do réapprend à vivre et à communiquer grâce au système imaginé par une orthophoniste fascinée par le «cas» qu’il représente. Jean-Do en profite pour écrire un roman sur sa condition: «Le scaphandre et le papillon». D’où sera tiré le film. Au-delà de l’habituel récit qui met en lumière le courage épique d’un personnage qui doit lutter pour donner un sens à sa misérable existence (un registre qu’on a vu souvent au cinéma), le cinéaste Julian Schnabel prend parti de nous faire vivre l’expérience de Jean-Do à partir des perceptions du malade. Un choix artistique judicieux : grâce aux techniques utilisées surtout dans les vidéoclips, il nous offre une perspective unique dès le début du film. On sort donc, littéralement, du coma avec le personnage principal. Puis c’est la «réadaptation»: deux femmes permettront à Jean-Do de communiquer avec le monde extérieur et tenteront de ranimer les muscles de sa bouche et de sa gorge, ce qui lui permettra de se réalimenter par lui-même. Suit une touchante rétrospective, faite de flashbacks, sur la vie du personnage principal. C’est grâce à ce cheminement artistique que Jean-Do nous accompagne dans son existence passée, narrant en voix hors-champ les différents moments heureux ou malheureux d’une vie qui a disparu. Et d’une nouvelle vie, pénible mais féconde sur le plan créatif, qui ne manque pas d’intensité, malgré les apparences. Le cinéaste en profite non pas pour nous offrir une leçon de vie, mais plutôt une vision du monde du point de vue de l’artiste. Malthieu Almaric (Jean-Do), qui offre une prestation inoubliable, incarne un être brisé. Mais qui reprend ses moyens et qui persiste avec acharnement à réinventer sa vie en se lançant corps et âme dans la création. Il dicte obstinément chaque mot, chaque lettre de son roman, par les battements de sa paupière! Et il prend le temps de commenter le monde qui l’entoure depuis sa position de spectateur. S’extasiant au passage, avec nous, sur certaines beautés de la vie. Notamment sur le corps des femmes qui l’entourent. Cette plastique qui fait basculer les sens des hommes, ces formes bouleversantes qui transforment notre condition de mortels en une expérience fascinante et merveilleuse.

On se sent complètement pris par le destin de cet homme qui a tout perdu et qui, malgré tout, trouve encore la force de partager son art. Le cinéaste a magnifiquement dirigé des comédiens au talent inouï : Max Von Sydow, Emmanuelle Seigner et Marie-Josée Croze donnent la pleine mesure de leur talent et transforment ce film en une œuvre de haut vol, au propos bouleversant. Impossible de rester de glace devant un tel film.

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