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«Tit-Claude dans fosse aux lions»

Par claude-jasmin

Je suis un vieux gamin. Je ne vieillis pas. Ne riez pas, c’est encombrant parfois ce trait de caractère. On peut gaffer, bêtement. Que je vous raconte ma visite à ce grand «studio 42» de Guy-A. Lepage. Tu t’amènes là un jeudi soir comme un «artisse» avec un veston chic sur l’épaule. Offre d’une loge avec ton nom imprimé sur la porte. Oh! Avant la séance de maquillage —«oui, je vais vous mettre un peu de mascara sur vos cils!»— un lobby et une longue table remplie de victuailles. Du café fort. Personne ne fait attention à vous. Plein de monde attentif, calepins ouverts, qui surveille un écran. Rédacteurs, recherchistes, adjoints. J’y vois Lenormand qui jase. Enfin, un régisseur se pointe: «Venez, c’est votre tour». Frissons. Peur et hâte d’en finir au fond.

Lepage était venu me voir une minute durant une pause commercial: «Je sais que tu peux causer une heure sur une seule question, retiens-toi car j’ai, pour toi, une cinquantaine de questions, okay?» Oui, compris, pas de «cassette» et soyons spontanée. Coulisses. Murmures. Un cri: «Silence partout!» Public silencieux. Lepage, goguenard sans cesse, présente le vieux gamin: «Il est ceci et cela et… «un vieux fatiquant». Bang! J’y fonce. Oublier que deux millions d’yeux vont vous regarder, éviter ainsi le trac. Signal du régisseur qui vous tenait le coude, faut affronter. Trop brève présentation de mon nouveau roman «Chinoiseries», c’est le jeu. Lepage tient ses cartons et bombarde. Pas le temps de réfléchir. Faut rétorquer du tac au tac. Danger! Je le sais. Tenter de jouer la toujours bonne carte de l’humour. Ne pas se prendre au sérieux. Entendre rire et l’animateur et la petite foule en studio, ouf!

Turcotte-le-fou, sympa, cherche piques et craques. Le jeu ça aussi. Un risque: tenter de le moquer en «provincial» et ça marche. Un jeu étrange, un ping-pong pour ne pas ennuyer le public. Vite, votre présence n’a bientôt plus rien à voir, hélas, avec votre nouveau roman. Bof!, mon horreur des «plugs». Voici «la question qui tue» , e ne meurs pas du tout. Ça devient amusant. Mais oui, voilà le «vieux gamin» heureux. Et voilà que j’oublierai…quoi donc?, la politesse et les bonnes manières. On ne se refait pas. Parler «vrai» et risquer de blesser. Hélas, derniers invités, Brière et Martin «pluggant» un spectacle pour illustrer un texte «fondateur de l’indouïste», disent-ils. Confus un peu, alors me voilà, bien effronté, jouant le ronfleur et puis émettant des doutes sur la pertinence de cette démarche. Gamin va!

J’ai regretté cette facétie et tenté, un peu tard, de me reprendre. Le lendemain: avalanche de courriels. Des mécontents. Avec raison. Cela pour dire qu’on ne change guère: mes farces écolier, collégien. «Tit-Claude» envoyé souvent chez le préfet à Grasset, un jour mis à la porte du collège! Mon barbier à Sainte–Adèle: «Paraît que Lepage invite au resto après le show ceux qu’il a apprécié seulement». Oui, il m’a invité. Au Continental! Trop fatigué. Minuit et demi, je roule «at home». Voici les dieux punisseurs de l’insolent: coin Avenue du Parc cet Côte Sainte-Catherine, feu rouge et…panique!, plus de freins! Aucun! Sueurs froides. Je rentre dans une bagnole devant moi. Maudit feu rouge, un formidable bang! Ouf!, rien de cassé des deux cotés. Que des pare-chocs démolis! Amis lecteurs: voyez-vous la manchette: L’écrivain Jasmin tué Avenue du Parc en rentrant de «Tout le monde en parle». Quelle perte «nationale» hein? Même Martin et Brière désolés, non? Et mes contempteurs aux anges?

Retour en studio: ça grouill;e dans tous les recoins, il y a une dizaine de caméras (oui dix!), on ne les voit pas! Imaginez le labeur des monteurs. Chez vous, le dimanche, vous regardez les moments choisis. Verdict: pourquoi avoir coupé ceci? Et cela? Ce moment quand vous parliez d’un passage bientôt à la télé de Pékin, à l’émission «Tou’l’mond’enpa’le» avec un Guy Hong Lepag’Hing? Tant de rires en studio! Aussi, pourquoi n’avoir pas coupé cette effronterie? Lepage, avec raison, est seul maître de son jeu télévisé. Oui, se sentir dans la fosse aux lions, ne pas avoir suivi les conseils de mes beauf’: «Va pas là, Claude, danger, pense aux Gendron, Marcoux, Proulx, Guy Fourmier!» Marie-Pierre Barathon, dévouée relationniste à «Ville-Marie littérature» qui m’entendrait dire: «Non merci!», quand des tas de créateurs en tous genres souhaitent tant cette visibilité herzienne du dimanche soir. Non? Et puis quoi? Allez au diable les dieux maudits, je ne suis pas mort.

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