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Dans le ventre de ma mère

Par Josée Pilotte

 

À une époque somme toute proche, il était très mal vu d’être une fille-mère. Ces femmes de «mauvaise vie» étaient souvent rejetées par leur famille, mises en retrait chez une tante lointaine, hors de la civilisation, des regards, de l’église; et à l’abri des mauvaises langues.

Ma mère était l’une d’elle.

Moi j’étais de celles qu’on appelait «l’enfant du péché», «la bâtarde».

En fait, j’ai été une enfant surprotégée dès ma conception: ma mère portait deux gaines (!) pour m’abriter du monde extérieur, une façon de mettre en sourdine mon existence. 

Est-ce parce qu’on a essayé de passer sous silence mon premier cri? D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu en moi ce désir de dire, de redire; ce désir de contredire…

Je suis vite devenue la «p’tite baveuse» de la famille.

Je me souviens… D’une tante lointaine à une autre…

J’aimais me retrouver, à l’adolescence, dans cette atmosphère toute familiale que m’offrait la maison de ma tante. En plus il y avait une piscine creusée et le frigo était toujours bien garni de popsicles. C’était rassurant tout ce monde qui tourbillonnait dans les cris et les rires estivaux.

Je me souviens aussi de mes plaidoiries enflammées à propos de tout et de rien autour d’un souper-ben-ordinaire. Tous les sujets étaient pour moi objet d’un questionnement sans fond. Un de mes sujets favoris était Pourquoi vivre en campagne aussi loin de tout, mais surtout de l’effervescence, de la culture, et de la Récréathèque, de mon Laval natal?!

Je me souviens de l’exaspération de mon oncle: «On peux-tu prendre un “break” d’elle et de ses questionnements, pis juste souper en paix?!» Dieu que je l’ai fait chier! Et dire qu’aujourd’hui j’habite loin de tout, au fin fond de Morin- Heights. Il peut bien encore me le remettre sous le nez encore aujourd’hui!!

Cette quête des Réponses, qui aident à vivre mieux, mais qui passent par le choc des idées, m’a suivie jusqu’aujourd’hui. Bien sûr, j’ai appris avec le temps à choisir mes batailles. Mais. On n’échappe pas à son destin. Je voulais dire. Je voulais changer les choses. Vingt ans plus tard? J’ai un journal!

Quand bien même je voudrais changer de «voix», on me rappelle à l’ordre. Il y aura toujours un citoyen au coin de la rue, un Réjean Tremblay au bout du fil: Toi, Josée, qu’est-ce t’en penses du Canadian Tire, vas-tu le dire?

« On peux-tu juste souper en paix?»

Désolée mon’oncle.

«On peux-tu juste bâtir un Canadian Tire en paix?»

Désolée Monsieur le Maire.

Est-ce que je cours après le trouble, moi-là?!

Quand je m’entends, quand je vous entends, je crois plutôt que je cours après un Monde Meilleur.

 

 

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