Airbnb illégaux : Quand les actions ne fonctionnent pas

Par Marie-Catherine Goudreau

Des citoyens de Saint-Sauveur vivent un cauchemar puisqu’un de leur voisin fait de la location à court terme illégalement. Lors de la séance du conseil municipal du mois de mai, des résidents du quartier ont déploré les comportements dérangeants et nuisibles de ce voisin, alors que la règlementation de la Ville interdit ce type de location.

« Il n’y a pas de location à court terme autorisée dans notre secteur, pourtant il y en a deux. […] C’est bruyant, c’est fatigant, et il se passe toutes sortes d’évènements un peu bizarres. Il y a eu plusieurs plaintes à la Ville et à la Sûreté du Québec et il n’y a rien qui se passe », a déploré une citoyenne lors de la séance du conseil.

Un des logements en question se loue à près de 3 000 $ la nuit sur le site web d’Airbnb. L’annonce était d’ailleurs toujours présente le 14 juillet dernier, près de deux mois après la séance du conseil. Le directeur général de la Ville de Saint-Sauveur, Jean-Philippe Gadbois, affirme d’ailleurs que ce dossier est connu depuis plusieurs années.

Pouvoir limité de la Ville

« Cette résidence est en infraction, donc on est déjà en démarches. Mais clairement, on fait face à quelqu’un qui s’en fout », soutient M. Gadbois. La Ville est limitée à donner des amendes minimales de 1000 $ pour une première infraction, et entre 2000 $ et 4000 $ pour des récidives. Elle n’a pas d’autres pouvoirs que de donner des amendes ou d’entamer des procédures judiciaires à la Cour supérieure.

Le propriétaire de l’immeuble problématique « trouve ça plus payant d’être illégal que de se conformer », ajoute le directeur général. « J’ai dit aux citoyens que je comprenais qu’ils soient exaspérés, mais malheureusement, ce sont rarement des dossiers qui se règlent rapidement. »

Selon lui, « intervenir sur les nuisances, c’est plus facile parce que ce sont des faits observables ». « On peut donc aller directement vers un constat d’infraction. Quand on est en face d’une personne qui fait un usage illégal, c’est plus compliqué parce qu’il faut amener une preuve », indique M. Gadbois.

Monter une preuve n’est « pas si simple »

Les enquêteurs de Revenu Québec et les Municipalités disposent de différents pouvoirs d’enquête prévus aux lois applicables, indique Sébastien Gariépy, relationniste de presse à la direction des communications au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

Toutefois, mise à part une injonction, la Ville n’a pas vraiment d’autres moyens que les infractions pour cesser un usage illégal, explique M. Gadbois. Mais une injonction représente beaucoup d’argent en terme de frais d’avocats puisqu’il faut se rendre jusqu’à la Cour supérieure. « C’est le moyen ultime, le dernier recours. »

« Juste de dire qu’il y a du va-et-vient, qu’il y a plusieurs voitures, il n’y a rien qui dit qu’il y a une résidence illégale d’hébergement touristique. Ce n’est pas si simple que ça, monter une preuve », ajoute Jean-Philippe Gadbois.

Les pouvoirs des enquêteurs « leur permettent d’obtenir les preuves qu’ils jugent nécessaires pour monter un dossier démontrant qu’une utilisation ou une activité contrevient à une loi ou à un règlement sous leur responsabilité », explique M Gariépy. « Ces preuves peuvent varier d’un dossier à l’autre, mais pourraient notamment inclure des documents électroniques, des photographies, des documents officiels, des amendes ou des condamnations antérieures, des preuves indiquant qu’une résidence était offerte à la location de manière régulière, des témoignages, etc. », écrit-il par courriel.

Mesures du gouvernement 

Lorsque le Journal a contacté le ministère du Tourisme, on répond que « les citoyens peuvent déposer une plainte auprès de leur Municipalité. Les citoyens et les Municipalités peuvent aussi dénoncer de façon anonyme les établissements d’hébergement touristique non conformes à la Loi sur l’hébergement touristique ». Il les invite d’ailleurs à consulter le site du Programme général de dénonciation de Revenu Québec pour communiquer avec eux.

Puis, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a présenté le 9 mai dernier un projet de loi visant à lutter contre l’hébergement touristique illégal. Celui-ci vise à interdire « aux plateformes numériques d’hébergement transactionnelles de diffuser une offre d’hébergement touristique qui ne contient pas le numéro d’enregistrement de l’établissement d’hébergement concerné ni la date d’expiration du certificat d’enregistrement », peut-on lire dans un communiqué.

Par ailleurs, le Ministère affirme qu’en vertu de la Loi sur l’hébergement touristique, entrée en vigueur le 1er septembre 2022, « les exploitants d’établissements d’hébergement touristiques illégaux s’exposent à des amendes pouvant s’élever jusqu’à 100 000 $ ».

Le directeur général de la Ville de Saint-Sauveur croit que pour qu’une résidence problématique cesse de faire un usage illégal, la Ville ne doit « pas la lâcher » et ne doit pas arrêter de donner des amendes. Souvent, les propriétaires finissent par vendre, dit-il. « On va s’assurer de ne pas lâcher le morceau », conclut M. Gadbois.

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