Aménagement illégal de sentiers de vélo de montagne à Val-David

Par Thomas Gallenne

Vers des pistes de solutions durables?

Méfaits publics pour les uns, symptôme d’une certaine situation pour d’autres, la découverte de sentiers de vélo de montagne aménagés illégalement dans un secteur de conservation va au-delà du simple fait divers. Des gestes condamnés aussi bien de la part des autorités que de la communauté cycliste de montagne. Cependant la lecture des événements n’est pas totalement la même.

Le 20 juillet dernier la municipalité de Val-David faisait le point devant la presse au sujet de la découverte d’un réseau de sentiers de vélo de montagne, dans une des plus importantes zone de conservation du parc régional de Val-David–Val-Morin. Selon les autorités, des adeptes de ce sport auraient coupé des arbres, mis à nu des plaques rocheuses et construit des passerelles en bois, dans cette zone où toute activité récréative est interdite. 

La veille, la municipalité de Val-David avait déposé une plainte formelle pour méfaits publics et intrusion auprès de la Sûreté du Québec. Le directeur général de la municipalité, Serge Pourreaux, a expliqué que l’enquêteur de la SQ avait rencontré les promeneurs qui avaient découvert les sentiers de vélo ainsi que quelques représentants de la communauté cycliste de la région sans plus de précision. «Un citoyen a reçu la visite de la Sûreté du Québec, et ce dernier nous a écrit pour nous dire qu’il n’était pas très content», a ajouté M. Pourreaux.

Une communauté cycliste mise sur la sellette

Le citoyen en question, c’est Claude Lévesque, propriétaire de la boutique Rock & Ride, sise sur la rue de l’Église à Val-David. Quel lien avec l’enquête? M. Lévesque vend des vélos de montagne, et organise avec son club d’adeptes, des sorties dans la région. «Quand j’ai reçu la visite de la SQ chez nous, je me suis senti un peu offensé, raconte le propriétaire dans le début quarantaine. J’ai envoyé un courriel à la municipalité pour signifier que je trouvais cela déplacé de leur part, d’être mis sur une « black-list », alors que je suis un commerçant qui génère de l’activité économique dans la municipalité.» Cependant, M. Lévesque n’est pas amer envers les autorités municipales, bien qu’il leur ait tendu la main à plusieurs reprises depuis 5 ans, afin de développer et diversifier l’offre d’activités de plein air à Val-David. Quant aux agissements de certains cyclistes, il les condamne sans équivoque. Il a même offert l’aide de son club pour restaurer les lieux. «Au nombre que l’on est, c’est une job de quelques heures, soutient l’amateur de vélo de montagne. On en a déjà fait de la restauration de sentiers avec l’ADSVMQ (Association pour le développement des sentiers de vélo de montagne du Québec). Selon les études produites par l’IMBA (International Mountain Biking Association), ça ne paraît plus et la nature reprend ses droits en peu de temps. Mais la municipalité n’a pas donné suite à mon offre.» 

Des travaux de restauration prévus à l’automne

De son côté, la municipalité attend les recommandations d’une firme spécialisée en restauration de sites écologiques avant d’intervenir. «Pour l’instant, les employés du parc ont simplement démantelé les installations en bois, explique Serge Pourreaux. On n’a pas touché aux roches qui ont été déplacées, car on est dans une zone écologique sensible et qu’on attend un rapport d’évaluation sur les dégâts qui ont été causés et sur les interventions qu’on devra entreprendre pour restaurer le site touché.» Ce rapport pourrait être effectué par la firme Biofilia, laquelle effectue déjà un plan de revégétalisation de site dans le secteur du belvédère du Mont-Condor au parc régional de Val-David – Val-Miron. Cependant, la municipalité n’attend pas d’intervention avant l’automne, les employés de la ville et du parc étant dans affectés à d’autres tâches. «La firme de consultant est également dans sa période de pointe et donc débordée», précise M. Pourreaux. Tout dépendant de l’évaluation des dommages et des montants qui devront être consentis à la restauration du site, la municipalité pourra décider si elle va en appel d’offre ou non pour mandater une firme spécialisée dans ce domaine, toujours selon les dires de son directeur général.

Un secteur pourtant inaccessible

Comment expliquer de tels gestes de la part d’adeptes d’activités de plein air? Les autorités municipales ont-elles prises toutes les mesures diligentes pour prévenir de tels actes? «C’est un secteur du parc régional totalement inaccessible, répond Serge Pourreaux. Aucun sentier n’y mène et il y a des panneaux indiquant qu’il s’agit d’une zone de conservation, interdite à toute activité humaine. C’est une zone qui fait environ 1,5 kilomètres carrés. On ne peut quand même pas la ceinturer.» Ce dernier donne toutefois le bénéfice du doute aux responsables de ces installations qui n’auraient peut-être pas vu les panneaux. «Mais selon moi, ils se sont mis là pour avoir la paix», a-t-il ajouté. Et comment se fait-il que des promeneurs aient découvert ces installations, si la zone est interdite d’accès? «C’est le responsable du parc, secteur Val-Morin qui en faisant son jogging sur un sentier, a découvert un accès non répertorié, raconte Serge Pourreaux. C’est de cette manière qu’il a découvert les aménagements illégaux.»

Une mairesse au fait de la situation

«Les sentiers étaient tellement bien faits que certains promeneurs ont d’abord pensé qu’ils avaient été aménagés par la municipalité», a indiqué Nicole Davidson, mairesse de Val-David. Sauf que ce n’est pas le cas. Que pense-t-elle du fait que, selon les représentants de la communauté cycliste, cet événement revêt plus du symptôme d’une situation plus complexe que de l’agissement mal intentionné? «Je suis consciente que les sentiers officiels présents dans le parc régional ne répondent pas à tous les besoins des cyclistes, reconnaît Mme Davidson. Et les cyclistes qui ont fait ces sentiers illégaux recherchaient plus de défis.»

Elle rappelle cependant que le parc n’est pas très vaste et que l’écosystème du côté de Val-David est plus fragile. Que compte-t-elle faire en réponse aux propositions de la communauté cycliste de travailler ensemble? «On a mis en place un comité d’aménagement du parc régional, et M. Lévesque et d’autres amateurs de vélo y siègent, explique Mme Davidson. Mais on ne peut pas aller plus loin. On va sans doute connaître leurs besoins mais ils vont devoir considérer les limites de ce que l’on peut faire.» La mairesse ne ferme toutefois pas la porte à toute collaboration. Le dépôt d’une plainte auprès de la Sureté du Québec était-elle une commande politique? «Non, rétorque Mme Davidson. Nous avons constaté une atteinte à la propriété municipale, la plainte visait le méfait public, et nous nous devions de lancer un message clair, comme quoi ce genre d’agissement est inacceptable. Mais en aucun cas notre intention était de pointer la communauté cycliste ou de bannir le vélo de montagne à Val-David.» Et quid de la visite de la SQ à la boutique de M. Lévesque. N’y voit-elle pas un raccourci dangereux, mettant tout le monde dans le même panier? «Je ne vois là rien d’étonnant, répond Nicole Davidson. Quand on tient une boutique de vélo de montagne et qu’on connait de nombreux cyclistes dont certains pratiquent ce genre de vélo, il faut s’attendre à recevoir la visite de la polic
e. Cela doit faire partie des procédures normales d’enquêtes.»

Toutefois, Claude Lévesque a bon espoir que la municipalité change son fusil d’épaule. En effet, il a invité la conseillère Barbara Strachan ainsi que le directeur du parc régional, a assister à un atelier de formation sur l’aménagement de sentiers durables, donné à Tremblant le 30 juillet dernier. Il semblerait que cette formation ait eu un impact positif sur ces deux responsables, aux dires de M. Lévesque.

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