Caserne à Saint-Sauveur : Les Sims contestent l’expropriation
Par Luc Robert
La Cour supérieure du Québec entendra, le 19 avril, la contestation du droit d’exproprier et la demande de contrôle judiciaire concernant l’établissement d’une nouvelle caserne d’incendie et d’une voie de contournement à Saint-Sauveur.
En chambre civile au palais de justice de Saint-Jérôme, Lac Fantaisie Ltée (ex-lac Sims, partie demanderesse) tentera alors de faire annuler l’avis d’expropriation reçu le 6 novembre 2020, visant une partie de la propriété du 166 chemin de l’Héritage, émis par la Ville de Saint-Sauveur (partie défenderesse).
Au plumitif public, il est spécifié que l’immeuble est composé d’un terrain d’une superficie de 1 043 734,13 m2, majoritairement boisé, sur lequel se trouve un bâtiment résidentiel, un court de tennis et un lac privé. Une partie du lot serait affectée par l’expropriation.
« J’allègue que les motifs d’expropriation ne sont pas clairs et que celle-ci est prématurée. La cliente [société à portefeuille] que je représente plaidera contre l’expropriation. La plaidoirie pourrait durer deux jours. Il est très rare que des autorités envoient de l’équipement d’urgence dans un quartier résidentiel, à quelques pas d’un secteur résidentiel et de chalets. D’habitude, pour offrir un service d’incendie, il me semble que vous rapprochez le service d’une voie rapide », a fait valoir Me Sylvain Bélair, avocat et associé au cabinet De Grandpré Chait de Montréal.
Inquiétudes
Ce dernier souligne que la famille demanderesse est extrêmement inquiète « des répercussions qu’aura le projet municipal sur la quiétude bénéficiant à la résidence située sur leur propriété ».
« Notre cliente ne veut pas développer le secteur. Elle demande de modifier le projet, pour éviter l’expropriation et assurer le maintien de la quiétude actuelle. Il est demandé à la partie défenderesse de reporter le projet d’au moins cinq mois, pour le repenser. Selon les plans reçus à date, à l’œil, ils semblent vouloir exproprier deux fois plus grand que les besoins d’une caserne. On dirait l’espace d’un centre commercial, sur un terrain de près de 250 000 pieds carrés, ou près de six acres : c’est énorme. »
« Manque de cohérence »
Me Bélair estime avoir décelé des éléments qui ne collent pas à la réalité. « Au plan triennal d’immobilisations (PTI) de Saint-Sauveur, il n’y a pas de caserne en vue pour 3 ans. Le maire a parlé d’un possible échéancier de 5 ans. Sur le terrain visé, ça prendra : une modification au schéma d’aménagement à la MRC des Pays-d’en-Haut; une modification au plan d’urbanisme pour le zonage ; en plus de devoir obtenir un certificat provincial de qualité environnementale, car une partie du terrain se situe dans un milieu humide. Nous considérons que l’expropriation est prématurée, que la partie défenderesse a procédé à l’inverse de la logique. Normalement, tu établis un budget, ensuite tu procèdes à la production des plans et devis. Et c’est sans compter les dommages qui seront causés à la résidence et à la valeur du terrain de ma cliente. »
Les espaces de stationnement ont aussi retenu l’attention de l’avocat spécialisé en expropriation. « Au plan reçu le 6 mai 2021, la défenderesse prévoit l’aménagement sur le terrain exproprié de « cases de stationnement pour sentier sur lot privé », projet qui n’est aucunement mentionné à l’avis d’expropriation et qui ne constitue pas une fin municipale. La demanderesse ignore à quel « sentier sur lot privé » elles sont destinées à donner accès. S’il s’agit d’un sentier se trouvant sur la propriété de la demanderesse, […] un tel accès constituerait clairement une entrave à son droit de propriété. Par ailleurs, le plan reçu à la même date montre en définitive que la seule fin municipale réellement prévue à court terme […] est la construction d’un chemin permettant de relier le chemin de l’Héritage et l’avenue Alary au chemin Jean-Adam [route 364], une infrastructure qui n’est par ailleurs aucunement mentionnée à l’avis d’expropriation P-1 reçu », ajoute Me Bélair.
« Le droit d’exproprier est par ailleurs un droit exorbitant du droit commun et constitue une atteinte au droit de propriété. Conséquemment, ce droit ne peut être exercé que pour une fin municipale légitime et dans le cadre précis de la loi. Il appert que les fins mentionnées dans l’avis d’expropriation ne constituent pas les fins réelles de l’expropriation et qu’à l’inverse, elles sont imprécises ou ne sont pas identifiées à l’avis reçu par la demanderesse », souligne-t-il.
Me Bélair croit de plus que les plans des possibles travaux auraient dû être confiés à une firme externe. « Le plan [pièce D-5] est le seul existant à ce jour. Or, il n’a pas été préparé par un professionnel urbaniste, architecte ou ingénieur : il a été préparé subséquemment à l’institution des présentes procédures par un technicien à l’emploi de la défenderesse [la Ville]. La démarche suivie par celle-ci, depuis le début des procédures d’expropriation, relève bien davantage de l’improvisation que d’une démarche réfléchie et planifiée. »
Un membre de la famille a résumé sa position. « Je trouve qu’il y a un manque de cohérence entre ce que la Ville veut faire et ce qui est planifié dans leurs plans. Nous demandons donc l’annulation de l’expropriation », a souligné M. Joshua Cundill, petit-fils de la famille Sims.
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Réaction de la Ville de Saint-Sauveur
La Ville de Saint-Sauveur réserve ses commentaires au 19 avril prochain, pour la tenue de l’audience de contestation d’expropriation partielle du 166, chemin de l’Héritage.
« Nous avons procédé à l’avis d’expropriation, car nous croyons être en droit de le faire. Nous ne fournirons pas de commentaire public à ce moment-ci, dans cette cause. L’étude légale PFD (Prévost-Fortin-Daoust), de Saint-Jérôme, représente la Ville de Saint-Sauveur dans ce dossier », s’est limitée à dire Me Marie-Pier Pharand, greffière à la Ville.
Même son de cloche du côté du maire, Jacques Gariépy. « Le dossier se trouve devant les tribunaux. C’est devenu très technique et je préfère m’abstenir de commenter. Me Pharand et notre directeur général, Jean Beaulieu, sont mieux placés pour vous répondre », a-t-il commenté.
Dans le dossier de contestation d’expropriation, il est mentionné que le directeur général a été interviewé par la partie demanderesse, le 23 juin 2021.
1 commentaire
Quelle honte de détruire les derniers boisés de Saint-Sauveur pour une caserne et une route!