Ces pétrolières qui jouent avec nos nerfs

Par Thomas Gallenne

Pourquoi le prix du litre d’essence augmente-t-il à la pompe, alors que celui du baril de brut chute à New York ? Les compagnies pétrolières s’en mettraient-elles plein les poches sur le dos de l’homo-automobilus ? Ce n’est pas si simple, nous disent les spécialistes.

Rappelez-vous juste avant Noël. Le prix de l’essence a fait un bond de 10 sous à Montréal, passant de 1,11 $ à 1,21 $ en l’espace de 24 heures. C’était un jeudi, le 23 décembre. Merci pour le cadeau!

Le jeudi 6 janvier 2011, rebelote, le litre d’essence connaît à nouveau des sommets, avec une augmentation moyenne de 12 sous, pour atteindre tout près de 1,25 $ le litre à la pompe. Pendant ce temps, dans notre région, le bond soudain et inexpliqué ne semblait pas se répercuter de manière aussi importante. 

Le 13 janvier dernier, dans la Vallée de Saint-Sauveur, le litre d’essence ordinaire se détaillait entre 1,11 $ et 1,18 $ le litre, avec des pointes à 1,22 $, alors que du côté de Saint-Jérôme, les prix oscillaient entre 1,09 $ et 1,12 $. 

À 1,09 $ le litre d’ordinaire, la station d’essence Super Gaz située à Bellefeuille, à l’angle des rues Martigny Ouest et de la Montagne, offre souvent des prix parmi les plus bas. Son gérant, présent sur les lieux mais habituellement posté dans l’Ouest canadien, nous confie qu’il ne fait que suivre le marché.   « Si le prix est aussi compétitif, c’est à cause de Costco », nous répond-il en guise d’explication. On regarde le prix des gros compétiteurs, comme Ultramar ou Petro 

Canada, et on se fie sur eux. Quand ils augmentent leurs prix, on fait de même. Hier, on a monté à 1,18 $ pendant 3 heures et ensuite on est redescendu à 1,09 $ ».

Des écarts importants

Il semble que l’influence des stations jérômiennes pousse les bannières et les quelques indépendants de la route 117 à offrir leur essence dans la même fourchette de prix. On ne peut pas en dire autant de certains détaillants de Saint-Sauveur qui, au même moment, affichaient son litre d’ordinaire à 121,9 cents ! On nous a avoué que les directives étaient de suivre les prix de Montréal. Comment expliquer cette politique de prix quand on sait que Saint-Sauveur n’est pas assujettie à la taxe sur l’essence de 3¢ qui est reversée à l’AMT ? Et surtout, comment expliquer ces fluctuations et ces écarts de prix entre détaillants? 

« Il faut savoir que le baril de pétrole brut influence jusqu’à un certain degré le prix à la pompe, car le prix de l’essence raffinée fluctue lui aussi, mais selon son propre marché », précise Cédric Essiminy de CAA-Québec. Et qui dit marché, dit spéculation de la part des bourses mondiales, des acheteurs. La seule influence que nous puissions avoir de manière tangible, se situe sur la marge bénéficiaire du distributeur. Dans la région de Montréal, celle-ci oscille en moyenne autour de 5,6 ¢ avant taxes. Mais cette marge est-elle suffisante ? « Pour le savoir, encore faut-il qu’ils ouvrent leurs livres, rétorque Cédric Essiminy. Si les prix sont trop stables, on doit se poser des questions. Et s’il y a concurrence, cela peut profiter aux consommateurs ».

Selon sa PDG, Sonia Marcotte, le Québec offre les meilleurs prix hors taxes pour le litre d’essence au Canada et ce, grâce à la présence des indépendants. En Ontario, une guerre des prix ayant tué la concurrence, les marges ont grimpé à pas moins de 7¢ du litre. Et pourtant la Régie de l’énergie a fixé à 3¢ par litre, pour l’ensemble du Québec, le montant des coûts d’exploitation que doit supporter un détaillant en essence et en diesel. Et cette somme n’est pas incluse dans le calcul du prix minimum en deçà duquel il est interdit de vendre de l’essence au Québec. « Selon nous, la marge minimale pour couvrir ces coûts d’exploitation devraient plutôt être de l’ordre de 4,9¢ du litre», de dire Mme Marcotte.

Et la situation des indépendants semblerait particulièrement critique dans la région de Saint-Jérôme, qui a perdu plus d’une douzaine de stations services depuis 2000. Cette guerre de prix ne semble pas indissociable à l’arrivée d’un grand distributeur. 

Max Intorneri, directeur du Costco de Saint-Jérôme, n’a pas souhaité commenter la question du prix de l’essence, la qualifiant de «dossier chaud». Il faut savoir qu’à l’été 2008, la Régie de l’énergie a obligé les détaillants d’essence de la capitale régionale à ajouter une marge bénéficiaire de 3¢ par litre d’essence vendu. Forcée de s’y conformer, la compagnie a décidé de verser ce supplément à la Fondation de l’Hôpital régional de Saint-Jérôme, pour un montant total de 200 000 $.

Selon Mme Marcotte, cette situation hyper compétitive n’est pas viable à long terme. Aussi en octobre dernier, celle-ci a proposé au Ministère des ressources naturelles d’établir un prix minimum et maximum du litre d’essence établi en fonction du prix quotidien à la rampe. Ainsi, les marges bénéficiaires seraient comprises entre 3 et 6 cents du litre. « Selon nos simulations, nous pourrions garantir une marge stable pour nos détaillants, tout en réduisant les grandes variations de prix. Un élément irritant pour les consommateurs.»

Mais en attendant que le gouvernement se prononce sur la question, CAA-Québec et l’AQUIP proposent aux consommateurs de s’informer et  d’attendre le meilleur moment pour faire le plein d’essence. Bref, devenir des homo-automobilus écoresponsables ! Pour l’instant, les automobilistes en visite dans la région profitent de leur passage dans les Laurentides pour faire le plein d’essence avant de repartir chez eux. Une décision avantageuse pour les détaillants du coin!

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