«Lâchez-nous tranquilles!»
Par Josée Pilotte
Je ne passe pas ma vie à chialer, je vous le promets. Mais en ce moment, pour des raisons nébuleuses et qui m’échappent, trop de trucs m’énaaaarvent au plus haut point. Donc, pour des raisons nébuleuses et qui m’échappent, certaines publicités me donnent la nausée. Je vous entends déjà dire: «Non mais elle passe-tu tout son temps à se vomir les tripes, celle-là… qu’elle change donc de poste c’est simple; messemble qu’il n’y a pas de quoi se rendre malade pour toutes ces niaiseries-là!!!»
Vous avez vu juste. Il est tout là mon problème: j’ai beau changer de poste, c’est partout, c’est toujours là. Je ne suis plus capable d’entendre parler de maladie, de ruban rose, de jonquilles jaunes, de cancer.
Nous sommes littéralement envahis par toutes les publicités sur le cancer. Il n’y a pas une journée qui passe sans qu’on nous bombarde de courriels sur la maladie, d’info-pubs, de diktats sur la prévention, de la clinique privée pour détection de…, de statistiques, de marchethons, de cyclothons, de… de… de… C’est pas mêlant, ça rend malade!
En fait, je crois sincèrement que tous ces messages «préventifs» qu’on nous envoie dans la gueule jour après jour, finissent par avoir des effets malsains sur notre santé mentale et physique. Je n’ai pas de doctorat en psychologie, mais je me dis que tous ces messages publicitaires, toute cette information aussi instructive soit-elle, finissent à la longue par s’infiltrer dans notre inconscient. Elles finissent par laisser leur marque, miner notre imaginaire collectif.
Une personne sur quatre aura le cancer au cours de sa vie. Faut-il vous le rappeler? On nous le rappelle sans cesse, j’ai envie de répondre: «A-t-on le droit d’être heureux, ou bien doit-on s’inquiéter en tout temps d’être des morts en sursis?»
Tout en restant lucide, je clame le droit à ne pas être enrôlée de force dans toute cette industrie de la peur, qui assoit son empire à coup de slogans publicitaires, de témoignages de courage et de larmes, à grands coups d’escalade du Kilimandjaro et de Fondations pour venir en aide à…
Si je ne peux qu’applaudir toutes ces initiatives, la femme en moi qui aime la vie réclame le droit de respirer sans angoisse… et l’hypocondriaque en moi un peu de répit, je vous prie.
Le martèlement de ces messages apocalyptiques a connu son apothéose avec la grippe H1N1 cet hiver. Avez-vous vu combien nous étions terrorisés? Une terreur que l’on calmait à coups de vaccins. Névrosés, hystériques. Plus malades que la maladie. Plus contagieux que le virus. Nous étions rendus complètement fous, complètement tétanisés par la peur. Nous étions contaminés par la surinformation, les lobbys et l’accessibilité instantanée des données jusqu’à la surdose: statistiques, dépêches de presse, spécialistes en tout genre et autres alarmistes de service.
Je me dis qu’on ne pourra pas vivre toujours ainsi. On ne peut vivre avec cette l’épée de Damoclès qui nous menace sans cesse. Un jour on devra faire des choix, on devra se débrancher de tout, stopper la machine, quoi! On devra revenir à l’essentiel pour survivre.
Pour vivre. Pour simplement «vivre simplement», loin des pamplemousses gonflés aux stéroïdes, simplement les mains dans la terre et trois postes de tivi, les Beaux dimanches en sourdine.
Qu’on cesse de nous dire que la fin du monde est à 7 heures, ou en 2012. On sait tous qu’en 2012, ça ne sera pas la fin du monde. Mais. Je rêve parfois que ce soit la fin d’un monde.
La fin d’un monde malade de ses maladies.
La fin d’un monde qui n’arrête pas de se jouer dans le bobo.