Dix ans d’écart… et d’indifférence
Par Rédaction
CHRONIQUE
Par Philippe Leclerc
Le nouveau profil socioéconomique 2025 de la MRC des Pays-d’en-Haut dresse un portrait sans filtre du territoire. Il tranche avec le ton du rapport annuel 2024, lui aussi tout juste sorti, qui déroule ses réalisations dans une ambiance d’autosatisfaction léchée, belles photos et langage corporatif soigné. Entre l’image que projette l’administration et ses élus et la réalité que vivent les citoyens, le contraste est frappant. Et il est temps de le regarder en face.
Un vieillissement prévisible… et ignoré
Le rapport annuel met en lumière le dynamisme de projets touristiques, sportifs, culturels. On parle de signature innovation, de rayonnement, de retombées économiques. Fort bien. Mais nulle part on ne nomme les défis. Pas un mot sur le vieillissement accéléré du territoire.
Pourtant, selon le profil 2025, près d’une personne sur trois a plus de 65 ans. Et l’âge médian dépasse 56 ans, soit 13 ans de plus que la moyenne québécoise, et 19 de plus que Mirabel, à 30 km au sud. En 2015 déjà, la tendance était nette. Mais aucun plan structurant n’a été mis en œuvre pour favoriser la mixité intergénérationnelle ou pour accueillir des familles qui veulent s’enraciner ici.
Ce que la MRC présente comme des « gains démographiques » cache une réalité : la croissance repose presque exclusivement sur l’arrivée de nouveaux retraités. Et pendant ce temps, les jeunes partent. Parce qu’ils ne trouvent ni logement abordable, ni travail stable, ni horizon accessible.
Une précarité qui s’installe… pendant qu’on célèbre
Le rapport annuel se félicite des investissements régionaux, du virage numérique, de la vitalité entrepreneuriale. Fort bien. Mais dans la vraie vie, 55 % des travailleurs de la MRC n’ont pas d’emploi stable à temps plein. Ce chiffre n’a pratiquement pas bougé depuis dix ans. Pendant que les élus empilent les bilans et les slogans, la précarité se creuse.
Le revenu moyen d’emploi atteint 57 550 $, mais le revenu médian plafonne à 41 600 $. L’écart est de 15 950 $. En 2010, il était déjà de 12 780 $. Et cet écart dit tout.
Il dit que la richesse se concentre dans le haut de l’échelle. Quelques-uns gagnent beaucoup et font grimper la moyenne. Mais la majorité — celle qui sert les cafés, accueille les touristes, enseigne à nos enfants — stagne. On vit dans une économie à deux vitesses : d’un côté, les retraités bien nantis et les télétravailleurs à haut revenu. De l’autre, les jeunes familles, les travailleurs locaux… et aussi beaucoup d’aînés qui vieillissent sans richesse.
Cet écart a des effets concrets. Il fragilise la cohésion sociale. Il brouille les politiques publiques, qui s’appuient sur des moyennes trompeuses. Il accentue la pression sur le logement, les services, les transports. Et il fait disparaître du radar ceux qu’on n’écoute plus.
Et ce 55 % de travail à temps partiel? C’est plus qu’une statistique. C’est une réalité quotidienne pour des milliers de personnes. Ça veut dire des revenus irréguliers. Des difficultés à se loger, à épargner, à prévoir. C’est une jeunesse qu’on empêche de se projeter, une région qui s’habitue à tourner à vide hors saison.
L’exode des jeunes, l’impasse démographique
Le rapport 2024 reste muet sur la baisse du nombre de jeunes. Pourtant, les données sont claires : le solde naturel est négatif depuis plus de dix ans. En 2022, on a enregistré 181 décès de plus que de naissances. Et sur les 8 559 nouveaux arrivants nets en dix ans, à peine 20 % avaient moins de 45 ans.
Oui, la MRC attire. Mais elle attire surtout des personnes en fin de carrière. Pas ceux qui lancent des projets, qui peuplent les écoles, qui cherchent un avenir ici. Résultat : on s’en remet à la migration pour masquer l’appauvrissement démographique. Sans jamais bâtir de stratégie pour l’avenir.
Des bulletins parfaits dans un monde parallèle
Le rapport 2024 donne l’impression d’un territoire modèle. Tout y est présenté comme une réussite : attractivité, environnement, innovation. Pourtant, sur le terrain, les inégalités explosent. Le tissu social s’effiloche. Et le logement? Toujours sans politique claire, toujours inaccessible.
La MRC affiche la valeur foncière résidentielle la plus élevée par habitant au Québec : 264 463 $, contre 142 236 $ à l’échelle nationale. Le rapport se félicite de cette richesse… sans jamais poser la question : à qui profite-t-elle — et surtout, à qui nuit-elle?
Une décennie de marketing, pas de vision
Ce que ce contraste révèle, c’est une décennie de gestion de surface. On a multiplié les vitrines, soigné les slogans. Mais on a ignoré les vrais enjeux : vieillissement, précarité, déséquilibres territoriaux, logement.
Les élus sortants — à la préfecture comme dans plusieurs conseils municipaux — ont cultivé le confort, mais pas le courage. Dix ans à faire semblant d’avancer, pendant que le territoire perdait l’équilibre.
En 2025, il faut changer de cap
À celles et ceux qui aspirent à diriger cette MRC en 2025, dans les dix municipalités ou à la préfecture : ce n’est pas d’une campagne de communication qu’on a besoin. C’est d’un réveil. Le miroir que vous tendent les données est sévère. Mais il est encore temps d’agir.
Et pour cela, encore faut-il avoir le courage de dire : nous nous sommes trompés. Dix ans de confort politique, c’est assez. Maintenant, place à une vision.
2 commentaires
L’analyse sur les écarts est convaincante et il se peut que la MRC est bien fait les choses mais que des correctifs sont maintenant néccessaires.
Mais quelle cette vision que la MRC devrait avoir? Difficile car seulement quelques municipalités ont une vision et un plan d’avenir.
Et quelles sont « concrètement » les correctifs qui doivent être réalisés? Encore là, difficile car les villes ont peu de pouvoir sur leur propre environnement.
J’aimerais bien lire sur ce que les citoyens et la direction du journal pense de la Vision et les grands projets que la MRC doit se concentrer. Et s’il le faut, je vais prendre le temps d’y participer.
Bonjour Monsieur Philippe
Ça semble facile de critiquer négativement…
Ce serait plus positif de suggérer une vision, comme vous dites, et ses actions pour la réaliser…