Bertrand Charest lors de sa première comparution, en 2015. (Illustration : Mike McLaughlin)

Compte rendu d’un procès typiquement controversé

Par Journal Accès

Affaire Bertrand Charest

Xavier Desrosiers, Collaboration spéciale – Bertrand Charest, ancien entraîneur de ski de la région de Mont-Tremblant, connaîtra le verdict de son procès le 22 juin prochain. Soumis à 57 chefs d’accusation, dont le plus grave est celui d’agression sexuelle, l’homme de 51 ans recevra son verdict de la part d’un juge seul, droit qui lui est conféré par le Code criminel.

En effet, puisque les infractions qui lui sont reprochées ne sont pas du ressort exclusif de la Cour supérieure, les avocats de M. Charest ont choisi de procéder devant la Cour du Québec, elle qui n’offre pas la possibilité d’un procès devant jury. Il s’agit d’un choix évidemment stratégique, les jurés étant souvent influencés par l’opinion publique (notamment lors du second procès de Guy Turcotte) dans les cas de présumés criminels ayant commis de tels actes. Le choix d’un juge, qui se doit d’être d’une extrême impartialité et de tenir compte des facteurs juridiques seulement, est justifié dans le contexte où les avocats de la défense veulent obtenir l’acquittement de leur client.
Les accusations qui pèsent sur Bertrand Charest sont relatives à des gestes posés sur des jeunes filles de 12 à 19 ans durant les années 1990. Comme mentionnée antérieurement, l’accusation la plus lourde est l’agression sexuelle, passible d’une peine d’emprisonnement de 10 ans et de 14 années si la victime est âgée de moins de 16 ans, comme c’est le cas en l’espèce.

« La loi prévoit qu’il est impossible de déduire le consentement d’une plaignante à avoir une relation sexuelle dans les situations d’abus de confiance. »

Charest est également passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement pour abus de confiance. En effet, les prétendues agressions ayant été commises sur des athlètes à sa charge alors qu’il était entraîneur; il était en situation d’autorité. Par conséquent et en conformité avec le Code criminel, puisque les jeunes filles étaient en situation de dépendance vis-à-vis leur entraîneur et que ce dernier a usé de cette conjecture pour inciter les jeunes filles à commettre des actes de nature sexuelle, il y aurait abus de confiance selon la Couronne.
Les avocats de Charest ont présenté une défense dans laquelle ils ne nient pas que ce dernier ait eu des relations sexuelles avec certaines de ces jeunes filles, mais que celles-ci étaient consentantes. Or, la loi prévoit qu’il est impossible de déduire le consentement d’une plaignante à avoir une relation sexuelle dans les situations d’abus de confiance. La défense devra donc prouver (par prépondérance des probabilités, soit 51 %) que ces victimes étaient consentantes au moment de l’acte.
Quant aux autres victimes, Charest soutient que les prétendus attouchements qu’on lui reproche faisaient partie d’une coutume dans le milieu du ski et cadraient dans un exercice d’échauffement des jambes et des fesses avant les compétitions.
La preuve de la Couronne, chargée d’émotions, a essentiellement été orientée vers le témoignage des victimes qui ont mentionné ne pas avoir manifesté leur consentement lors des événements. Du côté de la défense, on a essentiellement tenté de brosser le portrait de Bertrand Charest comme étant un « bon gars », excentrique, oui, mais également respectueux de ses athlètes et de sa communauté en général.
Rappelons que la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable les éléments constitutifs de chaque infraction pour que l’accusé soit reconnu coupable. Ainsi, pour l’agression sexuelle, il doit y avoir l’acte lui-même, mais également l’absence de consentement et la volonté de l’accusé de commettre l’acte en toute connaissance de cause. De plus, la prescription extinctive de 30 mois imposée par l’arrêt Jordan l’an dernier ne s’applique pas en l’espèce, le critère de « circonstances exceptionnelles » exposé dans la décision ayant été rencontré. Autrement dit, malgré le fait que les événements aient eu lieu il y a près de 25 ans, Bertrand Charest n’est pas immunisé étant donné les circonstances dans lesquelles les infractions reprochées ont eu lieu (âge des victimes, situation d’autorité, etc.).
Notons finalement que des reproches ont été adressés à Canada Alpin (ACA), organisme responsable de l’administration des skieurs et de leurs entraîneurs au pays. En effet, selon d’anciens entraîneurs, l’ACA était au courant du comportement parfois déplacé de Bertrand Charest, mais aurait refusé de le suspendre ou de procéder à une enquête sur les événements allégués.
Natif de Sainte-Adèle, Xavier Desrosiers est étudiant en droit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

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