Une tragédie relance le débat sur les stimulants

Par Louis-Philippe Forest-Gaudet (Initiative de journalisme local)

La mort soudaine d’un adolescent de 15 ans lors d’une sortie scolaire de ski dans les Pays-d’en-Haut soulève de délicates questions sur l’association de médicaments psychostimulants et de boissons énergisantes.

Le 12 janvier 2024, Zachary Miron, âgé de 15 ans, est décédé lors d’une sortie scolaire au Sommet Morin Heights, dans la région des Laurentides. L’événement, survenu en soirée dans un contexte d’activité sportive encadrée, a profondément marqué la communauté scolaire et régionale. Rapidement, une enquête médico-légale a été déclenchée afin de comprendre les circonstances exactes de ce décès survenu chez un jeune décrit comme en bonne santé.

Les conclusions de la coroner

Dans son rapport, la coroner a conclu que le décès était attribuable à une arythmie cardiaque maligne, survenue chez un cœur sans anomalie structurelle connue. L’adolescent avait pris son traitement prescrit pour le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, le Biphentin, et consommé une boisson énergisante contenant de la caféine. Selon Radio-Canada, cette combinaison de stimulants a été identifiée comme un facteur contributif possible au décès, une conclusion largement relayée dans le reportage Cocktail mortel de l’émission Enquête.

Une causalité encore à définir

Si la conclusion de la coroner évoque une interaction potentielle entre ces substances, plusieurs professionnels de la santé appellent à la prudence. Un pharmacien d’expérience souligne que les données scientifiques actuelles demeurent limitées. « Il semble clair qu’il existe un lien de causalité, mais, lorsqu’on consulte les bases de données d’études, aucune recherche n’a démontré de façon formelle une interaction directe entre le Biphentin et la caféine », indique-t-il.

Ce professionnel rappelle également que « les monographies officielles ne mentionnent pas cette interaction, ce qui rend difficile l’interdiction ou même la mise en garde systématique auprès des patients ». Selon lui, si cette association était intrinsèquement dangereuse, une hausse marquée de la mortalité aurait été observée chez les nombreuses personnes, jeunes et adultes, qui prennent des psychostimulants depuis plusieurs décennies.

Le risque de mort subite en contexte sportif

Le pharmacien évoque aussi un élément souvent méconnu du grand public : le risque de mort subite existe dans la population générale, même en l’absence de facteurs de risque apparents. « On le voit parfois chez des athlètes de haut niveau. Des personnes en excellente condition physique peuvent subir un malaise cardiaque soudain », explique-t-il. En Europe, plusieurs clubs sportifs professionnels imposent d’ailleurs des examens cardiologiques systématiques, un modèle qui illustre les limites du dépistage préventif.

Entre précaution et information

Des cardiologues rappellent néanmoins que l’addition de stimulants peut produire des effets cumulatifs sur le système cardiovasculaire. « Ce n’est pas une simple addition, mais un effet multiplicateur », a expliqué un spécialiste cité par l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, soulignant que certaines personnes pourraient être plus vulnérables que d’autres.

Au-delà du débat scientifique, cette tragédie survenue au Sommet Morin Heights relance la réflexion sur l’information transmise aux jeunes, aux familles et aux personnes qui consomment des médicaments psychostimulants. Sans conclusions définitives, plusieurs experts s’entendent sur un point : une meilleure sensibilisation aux effets potentiels des stimulants, qu’ils soient médicaux ou alimentaires, demeure essentielle.

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