(Photo : Courtoisie)

Le docteur Simon-Pierre Landry démêle la crise de la loi 2

Par Louis-Philippe Forest-Gaudet (Initiative de journalisme local)

Depuis quelques semaines, le médecin de famille Simon-Pierre Landry tourne des capsules qui circulent massivement. Certaines approchent les 120 000 visionnements.

Le sujet n’a pourtant rien d’un divertissement. Il y explique la loi 2, ses conséquences et les angles morts qui inquiètent le personnel de première ligne. « Je ne m’attends pas à ce que la population devienne experte du système, mais on doit être transparent »,dit-il.

Une réforme qui change la rémunération

La loi 2 modifie la façon dont les médecins sont payés. Une portion du revenu deviendrait liée à l’atteinte d’objectifs fixés par Québec. Pour Simon-Pierre Landry, cette approche pose un problème fondamental.« On nous demande d’atteindre des cibles qu’on ne contrôle pas. On ne contrôle pas le nombre d’infirmières disponibles, on ne contrôle pas les salles, on ne contrôle même pas les délais dans les hôpitaux », explique-t-il dans une de ses vidéos. Il rappelle que la médecine familiale repose déjà sur un équilibre fragile. Une modification de la rémunération peut affecter directement la capacité des cliniques à fonctionner. Les coûts d’exploitation augmentent, les subventions ne suivent plus l’inflation et les revenus varient selon la charge de travail. « Dans un GMF, un médecin loue sa place, paie son loyer et son équipe. Si tu coupes dans ses revenus, c’est toute la clinique qui tombe », résume-t-il.

Un système ralenti parla paperasse

Dans ses capsules, le médecin revient souvent sur la quantité de tâches administratives qui grugent son temps. Il donne l’exemple d’une consultation consacrée uniquement à un formulaire pour le transport adapté.« Pendant que je remplis ce papier, quelqu’un attend des antibiotiques à l’urgence. Ce n’est pas une question d’heures travaillées. C’est une question d’utilisation du temps. »Pour lui, cette réalité représente l’un des symptômes d’un réseau mal structuré. Trop de rendez-vous inutiles, trop de formulaires, trop peu de ressources autour des médecins. Et dans certaines régions, comme les Laurentides, la situation se détériore. Des médecins abandonnent leurs fonctions ou songent à quitter la région, ce qui fragilise encore davantage l’accès aux soins.« Les gens ne réalisent pas à quel point la première ligne pour tient avec peu », dit Landry.

Une crise évitable

Le médecin répète qu’il n’est pas contre une réforme. « Je veux qu’on améliore le système. Je travaille moi-même dans deux cliniques parce que j’y crois. Mais la proposition actuelle comporte plein d’erreurs de compréhension », affirme-t-il. Il parle d’un effet domino qui commence par une rémunération instable et se poursuit avec des cliniques vulnérables, des départs et une pression accrue sur les urgences. « Ce n’est pas un conflit politique. C’est une question d’accès pour les patients », insiste-t-il.

Une ouverture à Québec

Après des semaines tendues, un développement important est survenu récemment. Le premier ministre François Legault a rencontré Marc-André Amyot, président de la FMOQ. Les deux parties ont convenu de reprendre les négociations, et Québec a ouvert la porte à une modification de la loi. Cette rencontre a été décrite comme constructive par la fédération. Pour le docteur Landry, cette accalmie arrive juste à temps.« Le système ne pourra pas absorber longtemps l’incertitude actuelle », dit-il. Il croit que les prochaines semaines seront déterminantes.

Vulgariser pour apaiser

Ce qui fait la force de ses vidéos, c’est leur clarté. Landry réussit à transformer des enjeux techniques en explications accessibles, sans tomber dans la simplification abusive. Son ton direct, parfois impatient, rejoint beaucoup de gens. « Je ne veux pas créer de panique. Je veux que le public sache comment ça fonctionne. On n’a rien à cacher », dit-il. Il propose aussi des solutions. L’intelligence artificielle est déjà intégrée à sa pratique pour transcrire automatiquement les consultations.« Ça me fait gagner des heures par semaine et améliore la tenue de dossiers »,affirme-t-il. Il imagine même qu’un jour l’IA pourrait automatiser une partie des bilans préventifs, ce qui libérerait encore plus de rendez-vous.

Un débat qui manque encore de réponses

Les négociations relancées apaisent, mais rien n’est encore réglé. Le médecin le reconnaît lui-même : « Tant qu’il n’y aura pas de solutions concrètes, les inquiétudes demeureront.» Il continue donc de publier ses capsules parce qu’il croit que mieux informer la population est essentiel pour traverser cette période.

Le journal a tenté de joindre la ministre responsable de Services sociaux et responsable des Laurentides, Sonia Bélanger, pour recueillir ses commentaires. Au moment de publier cet article, nous n’avions reçu aucune réponse à la demande d’entrevue.

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