Emmanuel Daigle: Gravir les montagnes pour se rapprocher des dieux
La période des Fêtes apporte son lot de traditions. Parmi celles-ci, l’incontournable Ciné-Cadeau de Télé-Québec où l’on présentera à nouveau les Douze travaux d’Astérix. Dans ce dessin animé, les deux héros iront répondre à l’énigme du Vénérable du sommet: quelle pile de vêtements a été lavée avec Olympe, la lessive des dieux?
Bien qu’amusante, cette anecdote n’est pas très loin de la réalité des alpinistes d’aujourd’hui. Gravir les plus hauts sommets permet presque de se rapprocher des dieux, dans le sens où l’ascension peut se comparer à une quête spirituelle. À la différence qu’elle comporte son lot de risques.
L’Adélois Emmanuel Daigle est alpiniste et forme des guides en haute montagne depuis plusieurs années. Au fil de ses différentes expéditions, l’explorateur a changé sa vision du monde, tant dans son ensemble que dans ses gestes quotidiens.
«Lorsque l’on est en haute altitude, on peut comprendre pourquoi les gens avaient la croyance que les dieux étaient au sommet des montagnes. La raison est qu’ils ne pouvaient pas se rendre là. Plus on monte, moins de gens ont foulé ces endroits. Pour y arriver, cela exige aussi une connexion avec soi et avec son environnement. Il y a donc quelque chose de mythique là-dedans.»
En plus de la communion avec la nature qui s’opère, s’ajoute la raréfaction de l’oxygène, ce qui a des effets directs chez l’être humain, dont celui d’altérer le jugement. Cela rend l’ascension encore plus mystique, en quelque sorte.
«[En haute altitude], le corps entre dans une transformation majeure. Aucun être humain n’est fait pour vivre au-dessus de 5500 mètres. Au-dessus de ça, l’être humain n’est pas le bienvenu. Et au-delà de 8000 m, c’est la zone de la mort et les cellules commencent à se dégrader.»
<strong>Redécouvrir les petits gestes
Les objectifs des participants aux expéditions en haute montagne sont tous différents. Certains veulent mettre le crochet sur la liste des sommets qu’ils veulent gravir, tandis que d’autres veulent revenir de ce voyage complètement transformés.
«À leur retour à la maison, il y a souvent une prise de conscience qui touche à plusieurs facettes de la vie des gens. Ils remettent les choses en perspective et la vision des difficultés n’est plus la même. Tout est différent.»
Emmanuel Daigle explique qu’à son retour d’une expédition en Alaska, où les conditions climatiques avaient été particulièrement difficiles, il a été ému simplement après avoir bu l’eau du robinet. «C’est un petit geste, mais sur la montagne, il fallait une heure pour faire fondre de la neige et obtenir le même résultat. La perception du monde n’est plus la même et on peut s’émerveiller pour plein de choses.»
En 2013, l’aventurier avait couru pendant 24 heures sur le parc linéaire du P’tit train du Nord dans le cadre de ce qu’il avait nommé son Défi Forrest Gump. Pendant un effort aussi long, l’adrénaline et autres hormones s’activent dans le corps, ce qui provoque certaines réactions et un état de conscience bien particulier.
«À un moment donné, il y a comme une sorte de buzz où tout devient plus clair. Tu es concentré sur une seule chose. Notre corps dépasse les limites et il faut être dans le moment présent pour que le corps ne fasse qu’un, car s’il y a la moindre défaillance ou que tu es ailleurs dans ton esprit, ça ne fonctionnera pas. Pendant un tel effort, on dépasse ce que l’on croit être nos limites, alors oui, cela touche à la spiritualité.»
Au-delà de l’accomplissement que représente une sortie de 130 kilomètres en 24 heures en course à pied, Emmanuel Daigle retire de ce défi une démarche bien personnelle. Et il ajoute que tous n’ont pas à parcourir des distances aussi importantes pour ressentir de telles sensations.
«Chaque personne a ses limites. Une personne peut réaliser les mêmes expériences sur une distance de 5 kilomètres. C’est donc quelque chose d’accessible à tout le monde», poursuit celui qui se dit influencé le Bouddhisme.
Non, la spiritualité ne passe pas seulement par les religions, croyances ou lieux de culte.