(Photo : Nordy - Davy Lopez)
Plusieurs affiches ont été accrochées par PASA pour informer les gens de la fermeture.

Fermeture des sentiers du Chantecler : un choc pour les citoyens

Par Alexane Taillon-Thiffeault

La nouvelle est tombée comme un couperet le 18 juillet : les sentiers de plein air du secteur Chantecler à Sainte-Adèle sont désormais fermés au public.

Cette décision du propriétaire privé du terrain, M. Jacques Goupil, communiquée par voie d’avocats, suscite une onde de choc chez plusieurs citoyens. En arrière-plan de cette fermeture, il y a également une tension croissante autour du controversé Plan particulier d’urbanisme (PPU) du secteur Chantecler, que la Ville vient de mettre temporairement sur pause pour y réfléchir davantage.

« Surprise et déception »

Daniel Bergeron, directeur de Plein air Sainte-Adèle (PASA), se souvient très bien du moment où l’organisme a appris la nouvelle, qu’il décrit comme surprenante. « C’était vendredi le 18 juillet vers 15 h 46. On a reçu un courriel avec une lettre de la part des avocats du propriétaire, donc la firme Dentons de Montréal, qui nous avisait que le propriétaire des lieux souhaitait ne pas renouveler l’entente d’accès aux sentiers qui venait en échéance à la fin juin et qui nous donnait un délai de 10 jours pour retirer toutes les balises et affiches qui informaient les visiteurs de l’accès au sentier », résume-t-il.

Depuis plusieurs années, l’organisme gérait l’accès aux sentiers du secteur Chantecler grâce à une entente avec le propriétaire du site. Même s’il reconnaît qu’il s’agissait d’un privilège, M. Bergeron croit que le propriétaire faisait preuve, jusqu’ici, d’une certaine responsabilité sociale. « Maintenir l’accès pour des activités de récréotourisme relève un peu aussi de sa responsabilité de propriétaire au regard de l’acquisition d’un aussi grand espace dédié à cette vocation-là. Donc, il a fait montre d’une grande générosité, mais aussi d’une responsabilité à laquelle on peut s’attendre d’un grand propriétaire. Et il met un peu fin pour l’instant à cet accès-là. On ne sait pas pourquoi. On lui a demandé une rencontre pour qu’il puisse nous l’expliquer. »

Avec plus de 100 000 passages estimés par année, les sentiers du Chantecler n’étaient pas seulement un attrait local : ils font partie du patrimoine régional. « J’ai des gens de Bromont, de la région de Québec, qui nous appellent pour nous témoigner de leur solidarité et de leur déception », affirme M. Bergeron. Il ajoute aussi que ce n’était pas qu’un site pour les randonneurs aguerris : les sentiers étaient utilisés par les familles, les promeneurs, les résidents du coin.

« On trouve ça un peu décevant, mais écoutez, c’est le genre de choses qu’on s’attendait à ce qu’il puisse arriver un jour. C’était quand même ses terrains », a déclaré Michèle Lalonde, mairesse de Sainte-Adèle, dans une entrevue accordée à Radio-Canada le 29 juillet dernier. « Un des principaux arguments du PPU, c’était justement en modifiant le périmètre urbain – ce qui faisait un peu son affaire – de mieux encadrer le développement pour pas qu’on fasse n’importe quoi, n’importe où. »

Le PPU Chantecler en toile de fond

Cette fermeture survient alors que le projet de Plan particulier d’urbanisme (PPU) du secteur Chantecler soulève des questionnements depuis plusieurs mois. Conçu pour encadrer le développement de cette zone stratégique incluant l’ancien hôtel Chantecler et ses terrains, le PPU vise à articuler plusieurs priorités : protection de l’environnement, développement résidentiel, maintien de l’accès au plein air et valorisation du patrimoine paysager.

Mais malgré un processus de consultations publiques, la Ville a été obligée de freiner la cadence. Dans un communiqué publié le 21 juillet, la mairesse Michèle Lalonde a confirmé que les prochaines étapes du PPU sont suspendues : « Nous avons reçu de nombreux commentaires nous invitant à reconsidérer certains aspects du projet. […] Nous décidons de prendre un moment de réflexion supplémentaire. »

Le calendrier est ainsi mis sur pause : plus de présentation publique, pas d’adoption règlementaire ni de dépôt au conseil des maires de la MRC des Pays-d’en-Haut jusqu’à nouvel ordre.

Une pétition citoyenne et une polarisation croissante

Au cœur de la contestation, une pétition citoyenne a été lancée à la mi-juillet, réclamant un référendum sur le projet Chantecler. Elle a récolté 1 162 signatures. Cette mobilisation a trouvé un écho sur les réseaux sociaux.

La pétition a été lancée par Benoît Huard, du Mouvement pour la Protection de la Nature adéloise (MPNA), qui a d’ailleurs fait une publication Facebook suscitant plusieurs réactions à la suite de la fermeture des sentiers du secteur Chantecler. « En interdisant l’accès à son terrain parce qu’il n’obtient pas ce qu’il désire de la part de la Ville, le jupon du propriétaire dépasse soudainement. On se rend compte qu’il agissait beaucoup plus par intérêt que par générosité. De toute façon, si on cédait à ce chantage, non seulement les sentiers ne rouvriraient pas, mais ils seraient détruits avec toute la nature qui les entourait. Les citoyens seraient alors doublement perdants », affirme-t-il.

« C’est une relation à trois : la Ville, le propriétaire, et Plein air Sainte-Adèle », rappelle Daniel Bergeron. L’organisme se trouve coincé au milieu, entre le désir de protéger l’accès au territoire et la nécessité de respecter la décision du propriétaire. Ce dernier, pour l’instant, reste silencieux. Des tentatives de rencontre sont tout de même en cours.

En attendant, la communauté se mobilise. D’un côté, des citoyens s’organisent pour exercer une pression politique. De l’autre, des groupes cherchent des solutions concrètes pour préserver les accès au site, notamment via des partenariats ou une acquisition collective du terrain, selon les informations de M. Bergeron. « Tout le monde nous offre de l’aide, mais avant d’aller trop loin dans cette direction-là, je pense que c’est important de s’asseoir avec le propriétaire, d’écouter ses préoccupations, et quand on les connaîtra mieux, si jamais il souhaite les partager avec nous, ce qu’on espère évidemment, là on pourra se mettre en mode recherche de solution et solliciter l’aide de la communauté qui nous interpelle », conclut-il.


Le PPU du secteur Chantecler en bref

  • Un plan particulier d’urbanisme (PPU) est un outil de planification qui permet à une municipalité de définir les orientations de développement pour un secteur spécifique de son territoire.

  • Objectifs du PPU du secteur Chantecler :

    1. Protéger le lac Rond et les milieux naturels;

    2. Maintenir un accès public au plein air;

    3. Encadrer le développement résidentiel;

    4. Mettre en valeur le patrimoine et les paysages.

  • Où en est-on ? Après des consultations citoyennes, la Ville a décidé de reporter l’adoption du PPU afin de tenir compte des critiques reçues.

  • À suivre : des discussions sont à venir entre la Ville, Plein air Sainte-Adèle et le propriétaire.

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