Hôtel Montana

Par Rédaction

Je me souviens de cet après-midi du mois d’août où la chaleur accablante semblait suspendre le temps.

Je me souviens de la lumière éclatante du soleil qui paraît détacher les choses les unes des autres.

Je me souviens de la sensation de l’herbe fraîche qui chatouille les pieds, du rosé qu’on boit en papotant de tout de rien.

Je me souviens que même le vent de bonheur qui soufflait pourtant cet après-midi-là ne parvenait pas à changer cet air triste qui l’habitait alors.

On aurait dit qu’il ne m’attendait pas. En fait, je pense qu’il ne m’attendait plus. Pourtant, je lui avais dit que je viendrais faire un petit saut, comme ça, en passant. Mais. J’avais décidé de prendre mon temps…

On a discuté longtemps de tout de rien, surtout de cette chose que l’on a parfois essayée d’enfouir tout au long de sa vie sans jamais vouloir la regarder en face et qui refait surface sans s’annoncer.

On a parlé de ce vent qui soulève parfois la mauvaise part que chacun de nous porte en soi, du vide qui nous habite et qui se creuse insidieusement comme un puits obscur et sans fond.

Je l’ai regardé vider son verre, s’en resservir un autre et un autre entre deux élans d’émotion, comme un tremblement de terre qui fait tomber les blocs de tous les maux d’une sale existence.

J’ai toujours pensé que les hommes qui pleurent, c’est triste à mourir.

Il était à l’hôtel Montana juste avant la fin du monde. Sa fin du monde, il l’a vécue à son retour. Quand tout tremblait là-bas, tout s’écroulait en lui, ici. Des fissures que tous les torrents de boue du monde ne sauraient colmater; que tous les torrents du bout du monde ne sauraient emporter.

Là-bas un pays brisé; ici un homme en morceaux. Peut-être d’y avoir trop été, d’avoir trop regardé la misère ailleurs pour ne pas voir ses propres failles, le mouvement de ses plaques tectoniques intérieures.

Quand les projecteurs s’éteindront.

Quand Anderson Cooper, ce grand reporter de CNN au cheveu bien placé beau temps mauvais temps, et ses dix bodyguards rentreront chez eux, continuerons-nous à sauver Haïti? Ou bien le 10 piastres laissé à la caisse du IGA suffira-t-il pour apaiser nos consciences?

Nous avons tous quelqu’un à sauver. Toujours.

Il ne m’attendait pas.

Parfois, simplement l’impression d’être là pour quelque chose, juste au bon moment pour changer le cours d’une existence. Simplement écouter, dire quelques mots. Oui, changer les choses!

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