Joël Monzée, celui qui comprend le cerveau des enfants et ados!
Par Martine Laval
Parents, enseignants, intervenants, c’est à tue-tête que nos enfants et adolescents crient : « J’ai juste besoin d’être compris! ». Les entendons-nous? Pas sûr! C’est donc encore et toujours dans le but de mieux comprendre leur univers, d’aider la relation adulte-enfant/ adolescent et de rendre la communication plus fluide entre eux que Joël Monzée, docteur en neurosciences, psychothérapeute, directeur fondateur de l’Institut du développement de l’enfant et de la famille (IDEF), professeur et chercheur, a lancé, au cours du mois, J’ai juste besoin d’être compris, 8e livre à son actif. Entretien avec celui qui sait de quoi il parle, pour avoir été dans la peau de celui qui dérange.
Joël Monzée, vous vous adressez aux parents, enseignants et intervenants pour les aider à mieux comprendre les comportements des enfants et adolescents qualifiés de dérangeants. Que se passe-t-il donc ?
La plupart des théories sont trop souvent centrées sur celui qui exprime la théorie. Cette façon de faire peut donner des pistes, mais je trouve qu’on va parfois un peu trop loin. En médecine et en psychiatrie par exemple, on oublie de se mettre dans la peau de l’autre pour essayer de comprendre le sens de ce qui l’amène à fonctionner d’une certaine façon. C’est pourtant le travail d’un psychologue, d’un médecin, à la rigueur d’un prof, mais surtout celle d’un parent, de le faire. Faut-il toutefois avoir des points de repère pour ce faire, mais si les points de repère sont basés sur les grandes théories et non sur la réalité de la personne, on risque de ne pas comprendre.
C’est donc ce que j’essaie de donner à travers J’ai juste besoin d’être compris : des points de repère aussi bien neurologiques et psychologiques, qu’expérientiels, car l’expérience de terrain est importante pour mieux comprendre les défis des enfants, la logique dans laquelle ils se trouvent!
Où trouvez-vous ces points de repère?
D’abord dans ma propre expérience de vie au cœur d’une famille dysfonctionnelle (lire le chapitre De la fragilité à mon expérience de vie), et de la chance que j’ai eue d’avoir des enseignants qui ont pris le temps de me comprendre sans savoir ce qu’il se passait à la maison, puisque je n’en parlais pas; mais je puise surtout dans ma pratique clinique, sans oublier mes connaissances sur le cerveau qui m’aident bien sûr à poser les bonnes questions.
Exemple : quand on sait que le fait qu’un enfant bouge beaucoup peut être déclenché par sept ou huit zones différentes dans le cerveau, il devient alors important de questionner l’enfant afin d’essayer de comprendre pourquoi il est amené à bouger de cette manière. En saisissant la logique, il devient plus facile d’intervenir à la source de la difficulté plutôt que juste sur le comportement dérangeant. C’est pourquoi j’aime beaucoup que les parents participent aux séances, car c’est ainsi que je les outille pour faire face à la situation…
…Au lieu qu’ils vous laissent leur enfant entre les mains en sous-entendant : il a des problèmes, il est dysfonctionnel, réparez-le-moi?
Exactement! Et c’est là qu’est le danger du discours « à la mode » actuellement, quand on affirme que le comportement dérangeant de l’enfant est génétique ou neurologique! Les experts mentent alors par omission en ne donnant qu’une partie de l’information, alors qu’ils devraient fournir les outils nécessaires aux parents afin qu’ils comprennent mieux la raison des comportements dérangeants de leur enfant et agissent en conséquence, car la médication n’est pas la solution.
Les cinq diplômes universitaires dans cinq matières différentes que je possède m’avantagent, car ça me permet d’aller au-delà et de voir les limites de chacune des théories. Ça me donne une meilleure chance de voir le tout, et non seulement un point spécifique (on revient encore une fois à la médecine globale).
Quelle mission vous êtes-vous donnée en écrivant ce livre?
J’ai envie de rendre l’espoir aux parents, aux enseignants, aux intervenants, aussi bien dans le développement de l’enfant qui est devant eux, que dans leur propre capacité d’intervenir, avec humanité. Si les enfants ne tombent pas sur de bons « coachs de vie », ils n’ont pas nécessairement les ressources pour arriver à faire leur bout de chemin! Je ne donne pas de recettes, mais j’essaie d’aider à comprendre que l’émotion est un processus et que le comportement de l’enfant ou de l’adolescent, bien qu’il ne soit pas nécessairement acceptable, est un langage, et que c’est parce qu’il se sent démuni de façons de faire autres qu’il agit ainsi. N’oublions pas que le cerveau n’atteint sa maturité qu’entre 40 et 45 ans! Les réactivités sont donc un langage qu’il faut essayer de décoder!
Le langage verbomoteur ne représente que 13 % de la communication! Si on ne tient pas compte du 87 % qui reste, qu’arrive-t-il en fin de compte? Si l’on n’essaie pas de mieux comprendre le pourquoi des comportements dérangeants, on perd beaucoup d’énergie à tenter de corriger dans le vide, non pas d’aller à la source, à la raison, au gain que croit récolter l’enfant ou l’ado en agissant d’une telle façon.
Encourage-t-on la lecture de vos livres dans le système scolaire?
Ce serait une bonne chose en fait! D’ailleurs, ce livre J’ai besoin d’être compris est le premier d’une série qui découle d’une formation que je donnais dans les commissions scolaires et dans les centres de la petite enfance. J’y transmets mes connaissances avec humour à certains endroits et j’utilise des images, des comparaisons, comme je le fais dans les formations que je donne ou dans mon bureau quand je parle à des parents, ce qui rend la lecture agréable, je crois.
J’ai juste besoin d’être compris. Comprendre les comportements dérangeants chez l’enfant et l’adolescent. Joël Monzée, Ph. D., aux Éditions Le Dauphin Blanc.