(Photo : Archives)
Le lac Loiselle à Sainte-Anne-des-Lacs.

Améliorer l’accès aux plans d’eau, un défi

Par Alec Brideau

Le 18 juin dernier, la mairesse de Sainte-Anne-des-Lacs, Catherine Hamé, soulevait sur les réseaux sociaux que l’accès aux plans d’eau québécois était difficile. Avec les changements climatiques, l’accès à l’eau devient selon elle un enjeu de santé publique.

« Ça n’a aucun sens que, dans une province aussi riche en eau, un tel manque d’accès persiste, peut-on lire dans sa publication. Se baigner, c’est plus qu’un plaisir d’été : c’est un pan de notre culture, un mode de vie. »

Le Code civil du Québec indique que les Québécois ont le droit de se baigner et de naviguer sur n’importe quel plan d’eau de la province. Pourtant, une étude menée auprès de 104 municipalités dévoile que 98 % des plans d’eau ne sont pas accessibles au public. L’étude, partagée par la Fondation Rivières, déduit aussi que 85 % des berges appartiennent à des propriétaires privés.

Ces données peuvent être difficiles à comprendre lorsqu’on sait que le territoire de la MRC des Pays-d’en-Haut compte 366 lacs d’un hectare et plus, selon les données du Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) de 2024. En pourcentage, les lacs, les cours d’eau et les milieux humides représentent environ 17 % du territoire de Sainte-Anne-des-Lacs. Dans la MRC de La Rivière-du-Nord, la municipalité de Saint-Hippolyte compte à elle seule plus de 60 lacs !

« C’est un paradoxe, mais il n’est pas nouveau, nous mentionne le maire de Prévost, Paul Germain. Je me souviens quand j’étais plus jeune, vers l’adolescence, et qu’on voulait aller se baigner. Déjà, à cette époque, c’était difficile de trouver des endroits publics. »

Donner accès, mais à quel prix ?

Chaque municipalité vit avec une situation qui lui est propre quant à l’accès aux plans d’eau. À Saint-Hippolyte, l’accès est déjà assez difficile puisque les lacs sont presque tous entourés de terrains privés.

« On ne peut pas, dans notre municipalité, forcer une propriété privée à ouvrir un accès au lac à n’importe qui, s’exprime le maire Yves Dagenais. Lorsqu’un terrain devient public, sur le bord d’un lac, oui, effectivement, on ne peut pas empêcher quelqu’un d’y aller, ni d’y limiter la navigation. »

M. Dagenais ajoute que la Municipalité doit actuellement composer avec un problème important : le myriophylle à épis. Cette plante vivace aquatique pousse au fond des plans d’eau, généralement d’un à quatre mètres de profondeur. Elle peut former des herbiers assez denses et se propager par la fragmentation de ses tiges. Si elle monte en surface, le myriophylle à épis peut créer un « tapis » et rendre la navigation presque impossible.

Et cette espèce aquatique envahissante, M. Dagenais souligne qu’elle ne disparaîtra pas si les gens arrivent de partout pour se baigner et naviguer, et encore moins pour mettre à l’eau un bateau qui n’est pas adapté pour un lac municipal.

« Quelqu’un qui amène son gros bateau et qui va faire plein de vagues, et salir le bord de nos plages municipales, il faut comprendre qu’à quelque part, il ne s’agit pas d’un besoin, illustre le maire. Des gens de l’extérieur arrivent avec leur kayak ou leur embarcation et veulent les utiliser sur les lacs. Pour une espèce envahissante comme le myriophylle à épis, c’est critique. Il faut éviter la prolifération d’espèces envahissantes. »

Le maire précise qu’il ne souhaite pas empêcher la baignade ou l’accès aux embarcations. Par contre, il croit qu’un contrôle de l’accès permet au moins de protéger une meilleure qualité d’eau.

À noter qu’à Saint-Hippolyte, une tarification spéciale de secteur d’un montant de 375 $ pour les riverains et de 190 $ pour les propriétés de l’autre côté des rues riveraines a été proposée par l’Association des résidents du lac Écho / Quatorze Îles (ARLEQ) pour lutter adéquatement contre le myriophylle à épis. Cette taxe annuelle est pour une période de cinq ans.

Yves Dagenais, maire de Saint-Hippolyte, souligne que le myriophylle à épis ne disparaîtra pas si les gens arrivent de partout et mettent à l’eau un bateau qui n’est pas adapté pour un lac municipal.

Gérer l’accès

Le Journal a rencontré Catherine Hamé quelques heures après avoir parlé avec M. Dagenais. Questionnée sur le myriophylle à épis, la mairesse est consciente qu’il s’agit d’un enjeu.

« Il y a deux façons de voir ça, dit-elle. À Saint-Hippolyte, ce sont des plans d’eau navigables. Moi, à Sainte-Anne-des-Lacs, je n’ai aucun lac sur lequel tu peux amener un bateau à moteur. Nous interdisons les embarcations et n’avons pas de débarcadère. C’est important de dire que ces accès-là, c’est pour la baignade. »

En ce sens, Mme Hamé tient à clarifier qu’améliorer l’accès aux plans d’eau ne signifie pas de créer une plage municipale. Elle croit que de plus petits accès aux plans d’eau pourraient se créer, pour ainsi « moins concentrer les nuisances ».

« Plus il y aura de petits accès à l’eau, plus ce seront des locaux qui en profiteront, ajoute-t-elle. Je pense qu’il y aura plus de bienveillance et de respect. Les gens auront probablement un sentiment d’appartenance à ce plan d’eau. Ils vont peut-être y penser deux fois plutôt qu’une aussi, avant de jeter quelque chose ou d’arroser, car ils vont savoir l’impact que ça peut avoir sur le lac dans lequel ils se baignent. »

M. Germain est d’avis qu’il faut faire attention avant de donner accès aux plans d’eau. Le maire l’a déjà dit : il souhaite que la rivière du Nord soit baignable et navigable pour ses citoyens. Par contre, il n’est pas convaincu que ce soit le bon moment.

« Dans le contexte actuel, travaillons sur d’autres solutions, mentionne M. Germain. Je ne suis pas persuadé qu’ouvrir l’accès à nos lacs, et donc d’aller y mettre plus de gens et de bateaux à l’eau, soit une bonne idée. »

Aide gouvernementale

M. Dagenais soulève que chaque municipalité fait des efforts pour rendre les plans d’eau accessibles à ses résidents. Par contre, il se demande toujours jusqu’où va la responsabilité de la mairie.

« Je veux bien prendre les miennes en tant que maire, mais je pense que le gouvernement du Québec a aussi une part de responsabilité afin de donner accès à davantage de plans d’eau, indique M. Dagenais. Présentement, je n’ai pas les outils pour répondre aux critères du gouvernement, comme quoi tous les lacs devraient être navigables. »

Le maire précise aussi qu’en donnant accès à ses lacs à tout le monde, des dépenses supplémentaires seront nécessaires : plus de patrouilleurs, de laveurs de bateaux, etc. Est-ce seulement les Hippolytois et Hippolytoises qui devraient assumer ces dépenses, même si tout le monde avait accès aux lacs ? Il ne croit pas.

Du côté de Mme Hamé, elle dit qu’elle voudra s’assurer d’aider les municipalités financièrement, si elle est élue à la préfecture de la MRC des Pays-d’en-Haut. « Il faut avoir cet argent de disponible, pour rénover les infrastructures avec les égouts et tout ça, mentionne la mairesse. Des déversements dans la rivière du Nord, on s’entend que ça empêche le monde d’aller s’y baigner. »

1 commentaire

  1. L’accès à l’eau : oui, mais à quel prix?

    J’ai lu avec attention l’article récent sur l’amélioration de l’accès aux plans d’eau. Bien que j’apprécie les intentions de la mairesse Catherine Hamé à Sainte-Anne-des-Lacs, je dois dire que je suis fermement en désaccord avec son approche.
    Oui, le Québec regorge de lacs et de rivières, mais l’accès ne devrait jamais se faire au détriment de nos écosystèmes ni du bien-être collectif.

    Le maire Yves Dagenais de Saint-Hippolyte l’a bien résumé : des espèces envahissantes comme le myriophylle à épi, et la menace croissante des algues bleu-vert, sont des problèmes graves. Une fois installées, ces espèces ne disparaissent pas simplement parce qu’on veut se baigner pendant une journée chaude.

    Et soyons clairs : ceci n’est pas un débat à gagner dans le cadre d’une course à la préfecture — c’est un enjeu sérieux, environnemental, collectif et durable. Il suffit de regarder les plans d’eau déjà ouverts au public : déchets, mégots de cigarette, poissons morts flottant à la surface. C’est ça, la réalité. Ce ne sont pas des images de carte postale. C’est une détérioration rapide de nos milieux naturels.
    Pendant ce temps, les citoyens qui sont déjà riverains doivent se conformer à des règlements stricts, des amendes, des règles de bande riveraine, des inspections… Ils font leur part. Et maintenant, on voudrait multiplier les accès sans la moindre garantie de respect ou de contrôle?
    L’idée que ces accès seraient « réservés aux citoyens » d’une municipalité est une belle phrase… mais dans les faits, ce n’est jamais ce qui se passe. Une fois l’accès créé, les gens viennent de partout. Et qui sera sur place 24 heures sur 24 pour surveiller? Qui s’assurera que personne n’apporte une embarcation contaminée, ou ne laisse des déchets derrière?

    L’eau n’est pas qu’un plaisir : c’est une responsabilité. Nos lacs subissent déjà suffisamment de pression à cause des changements climatiques et du développement excessif. L’idée d’y ajouter encore plus de circulation, de bateaux et de nuisances sans l’infrastructure ou la surveillance adéquate est irréfléchie. Qui paiera pour plus d’inspections, de nettoyage, de surveillance? Et les résidents devraient-ils seuls en assumer les frais, pendant que d’autres en profitent?

    Nous devons établir nos priorités. Protéger nos lacs, empêcher l’introduction d’espèces envahissantes, lutter contre la pollution; voilà ce qui est urgent. Et au-delà de cela, il y a des enjeux sociaux encore plus pressants. Il y a des enfants qui vont à l’école le ventre vide, des familles en difficulté, des services de santé débordés. Est-ce vraiment dans l’élargissement de l’accès récréatif aux lacs que nous devons investir notre énergie et nos ressources?

    La vérité, c’est que tous les lacs ne doivent pas être accessibles. Certains milieux sont trop fragiles et méritent d’être protégés. Investissons dans la préservation de ce que nous avons, au lieu d’étirer nos ressources au nom de la commodité. Tout n’a pas besoin d’être ouvert à tous, tout le temps. Parfois, la protection est la forme la plus responsable de service public.

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