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Laurentides rock’n’roll

Par Jean-Patrice Desjardins

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Les jumelles Liz et Barb Harris ont marqué The Commons avec leur groupe respectif. Photo : Jean-Patrice Desjardins


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Le groupe Sticky Fingers a rendu hommage aux Stones lors du concert-bénéfice. Photo : Jean-Patrice Desjardins


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L’ex-April Wine Gary Moffet lors du concert réunion du Commons le 23 juillet dernier. Photo : Jean-Patrice Desjardins

Morin-Heights n’était pas qu’un studio, il y avait aussi le Commons

De tous les établissements de Morin-Heights à travers le temps, depuis sa constitution en 1855, l’hôtel et bar The Commons a été la place où on allait pour danser, trouver de la bonne booze et, surtout, entendre de la bonne musique. Fermé en 2005, The Commons a joué un rôle important dans l’histoire du rock au Québec et a marqué les Laurentides.

« The Commons, bar ouvert tous les jours, orchestre tous les jeudis, vendredis et samedis soirs » était-il inscrit sur les annonces avec un logo où deux mains s’entrelacent (d’où le nom commons, qu’on traduit en français par communs ou communes). Une place pour rencontrer ses amis. Mais c’était aussi un endroit pour y rencontrer ceux qui ont fait l’histoire du rock.
L’édifice construit en 1925 à deux pas du village sur le chemin du Lac-Écho (à l’époque près de la voie ferrée sur Station road) a longtemps servi d’hôtel pour les skieurs. Mais en 1979, quatre acheteurs, avec en tête le Montréalais Trevor Leslie, transforment l’endroit en un bar et salle de spectacle. Ce sont les années rock’n’roll du Commons.
« J’avais 22 ans et je résidais à l’hôtel, qui a compris jusqu’à trois bars et des terrasses. On a transformé l’édifice en coupant un plafond. Pour la scène principale, en comptant les gens assis sur les mezzanines, on pouvait accueillir jusqu’à 550 spectateurs », explique Trevor Leslie.
De 1979 à 1990, alors que Trevor était propriétaire, il s’en est joué de la musique à tue-tête. Blue Rodeo, Levon Helm (The Band), Walter Rossi, Edgar Winter, Nanette Workman, Jeff Healey, Honeymoon Suite, Long John Baldry, Edgar Winter, James Cotton et Corey Hart font partie d’une longue liste de noms ayant foulé la scène du Commons.
Il y avait aussi des artistes locaux, des groupes des Laurentides, dont les Ste-Agathe Flyers et Barband Barband, connu parce qu’ils étaient bons, mais aussi pour leur chanteuse respective, les deux jumelles Liz et Barb Harris.
Ça serait au Commons que l’harmoniciste Jim Zeller aurait donné son premier concert après le triste épisode de la prison aux États-Unis en 1982. « C’était un week-end fou. Jim disait qu’il jouait de la musique psychobilly », se souvient Trevor Leslie.

Le bar du sous-sol

En marge des concerts au rez-de-chaussée, c’est au bar du sous-sol que de nombreux célèbres musiciens qui enregistraient au Studio, situé pas très loin, venaient aux petites heures du matin pour jouer au billard ou jammer avec les groupes de musique locaux. Trevor Leslie y a rencontré les gars de Rush, April Wine, Asia, entre autres, mais aussi Keith Richards (Rolling Stones) et Roger Waters (Pink Floyd).
« Ces musiciens adoraient le Commons parce qu’ils n’étaient pas harcelés pour signer des autographes », affirme Trevor Leslie. Pour la même raison, par respect pour ses clients, on ne prenait jamais de photos.

Spectacle réunion

D’autres propriétaires se sont succédé après Trevor Leslie, mais les années rock’n’roll étaient déjà derrière The Commons. Une partie de la toiture de l’immeuble s’est écroulée en mars 2005 après l’accumulation de neige. L’immeuble a été finalement démoli.
S’il n’y eut pas de cérémonie de fermeture officielle, comme on a fait au Spectrum à Montréal ou au CBGB à New York, Trevor Leslie (qui demeure toujours à Morin-Heights) ne cesse de rencontrer des gens qui lui parlent des belles années du Commons.
Depuis deux ans, il organise un concert réunissant des musiciens du Commons. Le dernier événement, qui est aussi une collecte de fonds pour les petits déjeuners dans certaines écoles primaires de Morin-Heights et des Laurentides, a eu lieu le 23 juillet dernier.
Après une prestation d’un groupe de jeunes musiciens (Summit) et un hommage aux Rolling Stones (Sticky Fingers), les jumelles Liz et Barb Harris ont pris d’assaut la petite scène au bas des pentes de la station de ski Morin-Heights. Avec Garry Moffet (ex-April Wine) à la guitare et le house band, on a vite compris pourquoi ça veillait tard au Commons.
L’énergie et le plaisir étaient palpables. La foule s’est mise à danser. C’est là toute l’essence du rock.
 

Quelques anecdotes du Commons

Au Commons, le bar ouvert tous les jours était au sous-sol. Les autres étages servaient pour les chambres et l’espace central était formé d’une scène entourée de balcons, mais c’était ouvert juste les week-ends. Trevor Leslie se souvient que la scène servait parfois de local de pratique pour les groupes durant la semaine. Les musiciens louaient l’endroit pour y préparer une tournée et ils logeaient à l’hôtel.

Dans la pochette de l’album Signals de Rush, enregistré au Studio à l’été 1982, on parle beaucoup de baseball. L’entourage du groupe formait une équipe et Geddy Lee est lanceur, Alex Lifeson au premier-but et Neil Peart au troisième. Cet été de 1982, une ligue féminine de baseball est formée dans les Laurentides et le premier match (hors concours) de l’équipe de Morin-Heights est contre la gang de Rush, qui gagne la partie. « Lorsque l’équipe masculine a voulu nous affronter, nous étions soudainement devenus trop occupés », explique le guitariste Alex Lifeson en entrevue.
Guitariste au sein d’April Wine entre 1973 et 1984, Gary Moffet n’était pas un assidu du Commons, comme les autres membres du groupe. Était-ce parce qu’il restait au Studio pour mixer un des quatre disques que le groupe a enregistrés là-bas? Après son départ du groupe, Moffet s’est recyclé dans la réalisation de disques et a produit deux albums à succès pour Marjo.
Une tragédie a marqué l’existence du Commons. En 1980, Wayne « Charlie » Hyde, copropriétaire du bar, a été mortellement électrocuté durant des travaux de peinture de l’édifice.
Trevor Leslie soutient qu’après une chicane qui a séparé le groupe April Wine durant les années 1980, c’est au bar du Commons que le groupe a fait la paix et s’est reformé pour quelques années. L’autoroute du rock’n’roll est pavée de ces légendes…

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2 Comments

  1. Laurent Bourgeois

    À ne pas omettre de mentionner la présence de Neil H, Zach, barman du Commons Hotel qui m’a acqueuilli a bras ouvert en 1981 et m’a introduit à ma toute nouvelle famille. Il était très rassembleur, suave et d’un pacifisme exemplaire. J’étais sans sucun doute uns des rares francophones de l’époque à avoir franchis les portes du Commons avec aidance et autorité. Trevor et moi se remémoront encore ces souvenirs, et RUSH me suis encore à ce jour …

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  2. claire albrechtson

    Dans les annees 70 le Commons marchait bien aussi. Avant Trevor Leslie, le bar appartenait a Eric Albrechtson et sa femme Denise De Koninck, mes parents. Cat Stevens et bien d’autres bons chanteurs ont performés durant cette période.

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