Claims miniers : Le prix à payer
Depuis les 18 derniers mois, le nombre de claims miniers dans les Laurentides a augmenté de 71 %, rapportait le Journal dans l’édition du 12 octobre dernier. Des élus et des organisations s’inquiètent de plus en plus de l’exploration minière : la préséance de la Loi sur les mines affecte l’aménagement du territoire, déplore-t-on.
Cette semaine, on se demande quels sont les impacts environnementaux et économiques de l’activité minière dans la région?
L’origine du mouvement
C’est en tant que président de l’Association des propriétaires du lac Gagnon dans l’Outaouais que Louis Saint-Hilaire est confronté pour la première fois à l’enjeu des claims miniers. À l’époque, il apprend du maire de la municipalité de Duhamel, qui l’a lui-même appris d’un citoyen, qu’il y a de l’activité minière près d’un lac dans la région.
De fil en aiguille, M. St-Hilaire se documente, pose des questions et découvre qu’il existe plusieurs projets miniers dans la MRC de Papineau. En 2019, il fonde le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation qui regroupe 10 associations de protection de lacs. Alors qu’habituelle-ment, ce genre d’association travaille sur plusieurs dossiers, ce regroupement se concentre sur une seule priorité : l’activité minière. Leur objectif est « d’empêcher que l’extraordinaire milieu de biodiversité que nous occupons soit transformé en région minière », peut-on lire sur leur site web.
Le Regroupement est à l’origine des demandes de moratoire sur les claims miniers et de modifications des règles des TIAM (Territoire incompatible à l’activité minière), auxquelles adhèrent à présent neuf MRC, donc celles des Laurentides, des Pays-d’en-Haut et d’Argenteuil.
Les coûts environnementaux
« C’est beau de dire qu’on va réduire nos gaz à effet de serre avec les batteries électriques et la transition, mais pour trouver les produits, ça prend des mines. Ça n’arrive pas par magie et les mines, c’est un impact environnemental inquiétant aussi », affirme Scott Pearce, maire de Gore et préfet de la MRC d’Argenteuil. Ce dernier est aussi le président du conseil des préfets et des élus des Laurentides.
La protection des lacs et de l’environnement est en effet au cœur de la mobilisation citoyenne et municipale. Le danger est que des phases d’exploration se transforment en phase d’exploitation minière, explique Louis St-Hilaire. À partir de ce moment, les impacts environnementaux sont énormes.
Le simple fait de creuser à 150 mètres de profondeur crée un drain et affecte la circulation d’eau souterraine, précise M. St-Hilaire. Plusieurs résidus sont aussi créés par l’activité minière.
« Quand une compagnie exploite un gisement dans le sud du Québec, c’est environ 6 % de teneur en graphite qu’elle pourra trouver. Donc, 94 % est inutile et doit être disposé », ajoute-t-il. Cela créé une « immense » montagne de résidus.
Des efforts et des instrastructures sont mis en place pour éviter l’écoulement des eaux. Or, des accidents ou un ruissellement aggravé par de fortes pluies ou une fonte des neiges rapide peuvent causer une pollution des eaux. Des déchets provenant de ces parcs à résidus miniers pourraient alors libérer des matières potentiellement toxiques et s’écouler vers des lacs ou des cours d’eau situés à proximité du site d’exploitation.
Les causes et les impacts économiques
Ça fait déjà quelques années que Scott Pearce s’inquiète de l’activité minière. « J’entends les maires des grandes villes parler d’électrification des transports et j’ai toujours dit de faire attention, parce que c’est dans des municipalités comme la mienne qu’il y en aura, des mines », raconte le préfet de la MRC d’Argenteuil.
Effectivement, des claims sont présents sur ce territoire. La Municipalité de Grenville-sur-la-Rouge avait même été poursuivie par la minière Vancouver Canada Carbon pour 96 millions de dollars en 2018 pour avoir modifié son règlement de zonage. Selon la minière, cette modification mettait en péril son projet de carrière de marbre et de mine de graphite à ciel ouvert.
Ce n’est pas un hasard si les compagnies minières convoitent le sud du Québec et les Laurentides. Ce n’est pas non plus parce qu’il n’existe pas d’autres sources de graphite et de minéraux, souligne Louis St-Hilaire. C’est plutôt une question d’argent : « Sur la Côte-Nord, il y a de gros gisements potentiels, mais c’est plus cher à exploiter. Dans le sud, on n’a pas besoin de lignes d’électricité parce qu’il y a déjà du courant. On n’a pas besoin de créer de nouveaux chemins ou de déplacer des travailleurs. Mais quel prix va-t-on payer pour tout ça? », se questionne M. St-Hilaire.
Si c’est avantageux pour ceux qui font l’acquisition des claims miniers, ça peut l’être moins pour les régions et les territoires sujets à de l’activité minière. Cette industrie a un impact direct sur l’activité économique principale des Laurentides : le récréotourisme. Les milieux naturels sont des vecteurs de développement économique, en plus d’être des lieux de ressourcement, indique Scott Pearce. Il souligne qu’en temps de pandémie, les gens se sont servis de la nature pour traverser cette période difficile. Or, l’arrivée de claims miniers freine cette industrie et empêche le développement des projets de plein air ou de tourisme à certains endroits, déplore-t-il.
« Avec le nombre de claims actuels, ce ne serait pas impossible que d’ici 5 ans, il y ait 10 ou 15 mines en développement avancé », affirme Louis St-Hilaire. « À la vitesse que ça croît, c’est tout le territoire qui devient disponible pour l’industrie minière », et par conséquent, indisponible à l’activité récréotouristique.
Cette réalité pourrait aussi réduire la valeur des propriétés sur les territoires touchés par l’activité minière. Les Laurentides vivent un essor démographique important. Les gens quittent les villes pour s’installer dans les régions et parfois près d’un lac.
« Mais personne ne va s’installer près d’un lac où il y aurait une mine. Les raisons pour lesquelles les gens s’installent dans ces régions, ce ne sont pas les mêmes pour lesquelles les mines s’y installent aussi », indique M. St-Hilaire.