MANGANÈSE À PRÉVOST : DOSSIER EN EAU TROUBLE

Par Thomas Gallenne

La Ville de Prévost attend un rapport d’experts sur des solutions de filtration pour son eau potable. Des tests ont révélé des taux de manganèse près de 4 fois supérieurs à ceux préconisés par Santé Canada.

Le 15 novembre dernier, la Ville de Prévost réunissait ses citoyens pour les informer de la présence de manganèse dans l’eau potable tirée de la station de pompage du Domaine Laurentien, lequel dessert notamment les Clos-Prévostois et le secteur de la rue Sigouin. Lors de cette soirée, on apprenait que suite à des tests faits sur les deux puits de la station, les concentrations de manganèse pouvaient varier de 100 à 200 microgrammes par litre (µg/l), ce qui est 4 fois supérieur au niveau recommandé par Santé Canada (50 µg/l. d’eau). 

Cette recommandation, basée sur des considérations organoleptiques (goût de l’eau, tâches sur les tissus) ainsi que sur les dé-

sagréments causés à la plomberie, n’a pas force de loi.

Mais un citoyen rejette les arguments de la Ville du revers de la main à l’effet que les concentrations de manganèse retrouvées à la sortie des puits de la station sont inoffensives pour la santé publique et refuse de se faire raccorder à l’aqueduc. «Cette eau a du manganèse et la mienne est pure. Elle vient de mon puits artésien et je la bois depuis 42 ans » de dire l’octogénaire Eugène Bélanger, résident de la rue Sigouin.

Effet du manganèse sur la santé

La chercheuse au Département de santé environnementale et santé au travail de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Maryse Bouchard, a démontré une corrélation inquiétante entre la présence de manganèse dans l’eau et une diminution du quotient intellectuel chez les jeunes enfants, et cela à des concentrations de manganèse actuellement considérées comme faibles et sans risque pour la santé. Même si aucune réglementation n’existe concernant la présence de manganèse dans l’eau potable, l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) propose une valeur limite fixée à 400 µg/l, alors qu’aux États-Unis, l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) établit cette valeur à 300 µg/l. « Toutefois, il y a une marge entre le seuil de 50 µg/l. utilisé par Santé Canada et celui de 400 µg/l  prescrit par l’OMS, ajoute la chercheuse. Il reste beaucoup d’incertitude sur le seuil précis qui protège parfaitement la santé ». 

Résultats d’échantillonnage

Le 1er février dernier, deux échantillons d’eau ont été prélevés, l’un chez M. Bélanger, l’autre chez un voisin raccordé depuis peu au système d’aqueduc. Les résultats d’analyse ont révélé que l’eau provenant du puits artésien ne contenait que 7 µg/l. de manganèse, alors que celle fournie par la ville en contenait 51 µg/l. Malgré un taux 7 fois plus élevé que l’eau du voisin qui n’est pas raccordé à l’aqueduc municipal, la chercheuse a relativisé ces résultats. « J’estime que la concentration de 50 µg/l. me semble sans danger significatif. Je pense que cette eau est propre à la consommation », de dire Mme Bouchard. Mais doit-on s’en tenir à un échantillonnage ponctuel pour se rassurer ? « C’est difficile d’extrapoler, dit en substance Marie-Ève Brodeur, du Centre de recherche interdisciplinaire sur la biologie, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE) qui a participé à l’étude de Mme Bouchard. Il faut savoir que le taux de manganèse peut varier dans l’eau selon différents facteurs. Par exemple, une municipalité a utilisé un séquestrant, ce qui a fait décoller le manganèse et a ainsi fait augmenter son taux dans l’eau. Il nous manque des variables pour avoir un portrait plus précis ». 

De l’information au compte-gouttes

 À la Ville, on affirme que des experts externes sont à analyser différentes solutions de filtration. Leurs conclusions sont attendues début mars au plus tard. Trois systèmes seraient envisagés : l’oxydation sur média filtrant (sable vert), le traitement par membrane (nanofiltration) et la filtration biologique (Mangazur). Cette dernière technologie a servi aux tests de l’automne dernier. Elle a été découverte au 19e siècle et développée en Europe dans les années ‘70 et ‘80. Des microparticules oxydent le manganèse dissout dans l’eau et le filtrent à 98%. Selon Nicolas Minel, directeur commercial chez Degrémont, une demi-douzaine de municipalités québécoises utilisent déjà ce système. Ce dernier estime par ailleurs que le coût moyen de telles installations est de 500 000$.

Rappelons qu’en juin dernier, la ville de Prévost a obtenu des fonds via le Programme d’infrastructures Québec-Municipalités (PIQM) pour installer un système de traitement du manganèse et la rénovation de l’actuel poste de pompage. L’investissement maximum admissible est de 740 000 $. Québec contribue à parts égales à ce projet avec la Ville de Prévost.

Communications opaques

Pourquoi investir de telles sommes dans des systèmes de filtration si la Ville considère qu’il s’agit de « faibles concentrations » de manganèse comme elle l’indiquait dans sa présentation du 15 novembre 2010 ? Est-ce seulement pour se conformer au règlement sur la qualité de l’eau potable (RQEP), est-ce pour régler uniquement des considérations d’ordre organoleptiques ou bien y a t-il un risque pour la santé comme le laisse entendre les recherches de Mme Bouchard ? « On a observé que plus le taux de manganèse augmentait, plus le quotient intellectuel chez les enfants diminuait. Mais on n’a pas pu encore déterminer un seuil critique », de confirmer Maryse Bouchard.

Nous avons tenté d’obtenir des explications auprès de la municipalité. « Avant de fournir plus d’informations, je veux prendre connaissance du rapport d’analyse sur les solutions de filtrations», a répondu le maire de Prévost. Germain Richer n’a pas souhaité commenter davantage le dossier.

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