MRC des Pays-d’en-Haut : pour, pour, pour… mais pour qui?
Par Philippe Leclerc
Nouvelle préfète, vieux réflexes
Premier conseil de la nouvelle préfète. Des visages nouveaux, le même hibou-micro qui sursaute, dont les images donnent un peu la nausée. On nous promet plus de clarté, de transparence, de pédagogie. La préfète semble de bonne foi et prend le temps d’expliquer. Ça part bien.
Puis arrive le rituel des « pour ». Vous écouterez, c’est hallucinant. Procès-verbal : pour, pour, pour, …. Déboursés : pour, pour, pour…. Budget : pour, pour, pour, pour…
Une trentaine de fois dans des tours de table interminables pour des résolutions déjà ficelées en amont. C’est légal, mais ça ressemble plus à un exercice de diction qu’à un exercice démocratique. On se croirait en lecture au primaire : « Répète après moi : pour. » Pendant ce temps, le message est clair : la vraie discussion s’est faite ailleurs. En public, on fait du « rubberstamping ».
Finances, infrastructures : le vrai pouvoir
Vient ensuite la tournée des nominations. Au comité des finances, on regroupe quelques maires. Au comité de développement des infrastructures, d’autres. On parle de « bonnes têtes », de consensus. Proposé, appuyé, pour, pour, pour.
Ce sont pourtant ces deux comités-là qui tiennent les dossiers les plus sensibles : centre sportif qui avale chaque année des centaines de milliers de dollars, futur siège social, gros travaux, « optimisation » du budget. Autrement dit, c’est là que ça se décide pour vrai, à quelques élus, loin des caméras.
27,6 M$ sans vision
Le budget 2026 est adopté : 27,6 M$, en hausse de 3,3 % par rapport à 2025. Les quotes-parts augmentent, la gestion des matières résiduelles explose, on nous parle de plus de portes, de contrats, de surplus épuisés, d’indexation salariale, de postes qui passent de temps partiel à temps plein. Mais ça reste une vision comptable.
On nous sort un joli tableau : sur une maison moyenne, la MRC prend tant pour les poubelles, tant pour les cours d’eau, tant pour l’administration, tant pour les parcs, tant pour le transport collectif, la culture, la sécurité publique. La tarte est bien coupée. Sauf qu’une tarte bien coupée, ça ne fait pas une vision qui goûte nécessairement bon pour le territoire.
On ne saura jamais où ce budget nous amène comme territoire d’ici 2030. Ailleurs, des MRC comparables parlent de budget en mettant de l’avant le développement durable, les services de proximité, l’adaptation climatique, une vision. Ici, on ajuste des colonnes de chiffres.
Le siège social : en suspens… mais dans les faits, bien vivant
Reste l’éléphant dans la salle : le siège social. La préfète explique que le projet est « en suspens » : subvention repoussée, code du bâtiment qui changerait, contexte à revoir. Peut-être faudra-t-il tout reprendre. Mais en droit municipal, une MRC ne parle pas par promesses rassurantes ni par infolettre. Elle parle par résolution.
Et le seul texte qui tienne encore la route, noir sur blanc, c’est un règlement d’emprunt d’il y a un an qui autorise 16,4 M$ pour construire un nouveau siège social à Saint-Sauveur. Ce règlement n’a jamais été abrogé ni suspendu. Administrativement, le projet est donc bien vivant. Politiquement, on nous dit qu’il dort. Entre les deux, le citoyen est invité à croire sur parole la préfète.
Ajoutez à ça une infolettre publiée en pleine campagne électorale, le 30 octobre, qui présentait le projet comme « une étape importante », « durable et écoénergétique », « financé à 72 % », avec bois lamellé-collé, carbone zéro, garderie en milieu de travail, reboisement. Ça sonnait plus comme une brochure de promoteur que comme une communication prudente d’organisme public, qui aurait vu sa subvention repoussée.
Un projet qui déplace le siège social, change de ville, qui représente l’équivalent d’un an de budget, dont les coûts ont explosé et qui n’apporte aucun service direct à la population mérite mieux qu’une simple « séance d’information » promise par la préfète. Il mérite des études rendues publiques, des scénarios comparés, des coûts réels ventilés, des consultations et surtout, un débat.
Pour quoi, pour qui
Soyons justes : pour une première séance, la nouvelle préfète a tenu la barre avec calme. Mais la démocratie municipale, ce n’est pas seulement expliquer ce qui est déjà décidé. C’est ouvrir la porte avant, pas après. Alors oui, le conseil peut continuer de répondre « pour » en chœur. Mais un jour, il va falloir finir la phrase. Pour …quoi? Et surtout : pour… qui?