(Photo : Nordy - Sébastien Fleurant)
Martin Nadon, maire de Piedmont.

La guerre est ouverte au conseil de Piedmont

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

La collaboration semble maintenant impossible entre les deux groupes qui forment le conseil municipal de Piedmont. Le maire Martin Nadon et les conseillers Denis Royal, Charles Daneau et Christian Lefebvre, élus en juin 2022, ne trouvent plus de terrain d’entente avec les conseillers Bernard Bouclin, Marival Gallant et Richard Valois, élus en novembre 2021. Ils excluent donc ces derniers de divers comités, de la coordination administrative et de la préparation du budget.

« On a acheté la paix pendant 15 mois. Mais la chicane couvait. Le lien de confiance très ténu qu’il y avait n’est plus là », explique M. Nadon en entrevue.

Exclus

Lors d’une séance extraordinaire du conseil municipal tenue lundi, 25 septembre, le maire et ses conseillers ont revu la composition des comités. Entre autres, ils ont créé le comité plénier, sur lequel siègent tous les membres du conseil, et dont l’objectif est de prendre connaissance du projet d’ordre du jour pour la séance à venir et d’échanger sur ses items.

Mais ils ont aussi créé le comité de coordination, sur lequel ne siègent que le maire et ses conseillers, excluant les trois conseillers dissidents. Son objectif est de coordonner l’action administrative et celle du conseil, de préparer les réunions du comité plénier ainsi que le projet de budget annuel qui sera présenté au comité plénier.

Le conseiller Bouclin a dénoncé cette centralisation « de toutes les affaires de la Municipalité aux mains du parti du maire ». « Il exclut tout dialogue d’une prise de décision informée des trois élus ayant à coeur d’en arriver aux meilleures décisions. »

Le conseiller Lefebvre, quant à lui, a expliqué les motivations derrière ces changements. « Depuis un an, on a tenté de travailler avec les trois élus déjà en poste. On a tenté très honnêtement. On les a inclus dans l’ensemble des activités du conseil. Ils avaient des rôles dans différents comités et différentes représentations. Certains se sont désistés. […] La dernière séance démontre à quel point la collaboration n’y était plus. Donc on trouve une façon de continuer à fonctionner au bénéfice des citoyens de Piedmont. »

« Provoquer le chaos »

Les conseillers dissidents Bernard Bouclin, Marival Gallant et Richard Valois. Source : Site web de la Municipalité de Piedmont

Ce qui semble au coeur du conflit, c’est un climat de travail que M. Nadon juge malsain. « Comme toujours depuis qu’ils siègent au conseil, l’essentiel de leur stratégie est basé sur le picossage et les enfantillages. » Il reproche aux conseillers dissidents leurs sous-entendus et leur attitude. « Ce que je n’aime pas là-dedans, ce qui est vicieux de leur part, c’est que s’ils avaient quelque chose à nous reprocher, ils devraient le dire. Mais ils ne trouvent rien de croche. Donc ils laissent planer des doutes, sur l’intégrité du maire, des élus, des fonctionnaires, etc. », dénonce le maire.

Celui-ci rappelle que les conseillers Bouclin, Gallant et Valois ont été élus « par défaut, sans opposition » avec l’équipe de Nathalie Rochon. « Et tout de suite, la chicane a pogné. » À peine quatre mois plus tard, la mairesse Rochon et les conseillers Pascale Auger, Diane Jeannotte et Daniel Houde ont démissionné. « Il faut le faire : ils sont trois et ils en ont fait partir quatre ! C’est unique au Québec », souligne M. Nadon. « Moi, je ne démissionnerai pas. Je vais me battre contre eux », martèle-t-il.

Le maire croit que les trois conseillers dissidents auraient dû, eux aussi, démissionner. « Ils l’ont pris où leur mandat ? Nous, on l’a pris dans les urnes. On a un mandat clair et net de la population. »

Le lendemain de ces démissions politiques, ce sont le directeur général et la directrice générale adjointe qui avaient quitté leurs fonctions. Cela avait plongé Piedmont dans une crise politique et administrative, menant à une administration provisoire par la Commission municipale du Québec (CMQ). Depuis, la Municipalité a dû travailler fort pour combler ces postes et retrouver une stabilité, explique le maire.

« On veut à tout prix protéger l’équipe de direction compétente qu’on a réussi à reconstituer contre les interventions intempestives de certains membres du conseil. Ils ne répéteront pas en 2023 ce qu’ils ont réussi à faire en 2022, c’est-à-dire provoquer le chaos », insiste M. Nadon.

De son côté, M. Bouclin insiste que ses collègues et lui sont là « de bonne foi ». « On engage des dépenses pour les citoyens qui nous font confiance. J’ai juste envie que ça fonctionne bien à la Municipalité, et qu’il n’y ait pas de bisbille. Mais M. Nadon est bon pour diviser les gens. »

Ingérence ou diligence ?

M. Nadon reproche aussi aux conseillers dissidents d’outrepasser leur rôle, en s’immisçant dans la gestion et les opérations quotidiennes de la Municipalité. « On a invité Me Johanne Côté pour rencontrer le conseil. Elle est avocate chez PFD Avocats, une femme d’expérience qui a fait beaucoup de droit municipal. On l’a invitée pour qu’elle fasse le point sur le rôle du maire, du conseil, des conseillers et de l’administration. Elle a dit des vérités qu’ils n’ont pas appréciées. Ils ont quitté la salle », raconte M. Nadon.

Les conseillers n’ont aucun pouvoir entre les séances du conseil, rapporte le maire, et ils ne doivent pas se mêler des opérations courantes. « Ils n’ont jamais compris ça. » Cette ingérence met une pression indue sur les fonctionnaires de la Municipalité, ajoute-t-il.

« M. Nadon peut bien nous reprocher qu’on s’implique trop. Mais avant de mettre mon nom sur une résolution, je veux être sûr de prendre la bonne décision », rétorque M. Bouclin. Selon lui, il ne fait qu’exercer son rôle de conseiller avec diligence. « On a suivi des formations à l’UMQ [Union des municipalités du Québec] qui sont obligatoires. Ils nous ont dit que, quand je vote pour une résolution, je dois comprendre pourquoi je vote. Et de poser des questions. Si je n’ai pas de réponses, je dois voter contre. C’est ce qu’on fait. »

État des finances

Lors de la séance du conseil du mois de septembre, les trois conseillers dissidents ont tenté d’ajouter un point à l’ordre du jour. Le maire et les autres conseillers leur avaient reproché cette manoeuvre de dernière minute, qui leur demandait de voter sur une résolution qu’ils n’avaient ni étudiée, ni discutée.

Les conseillers dissidents demandaient un rapport mensuel des états financiers de la Municipalité. M. Bouclin indique les avoir demandés « au moins 20 fois depuis janvier », avant d’en faire la demande publiquement. Il affirme que ces rapports sont une pratique courante et qu’ils sont essentiels pour prendre des décisions informées sur les finances de la Municipalité.

« On n’a jamais eu cette discussion-là. Ils n’ont jamais fait valeur ce point-là », indique plutôt M. Nadon. Selon lui, ces rapports ne sont pas nécessaires, puisque les élus disposent d’autres documents qui permettent de suivre et d’encadrer les finances de la Municipalité. « Le conseil vote un budget, qui est mis en vigueur par l’administration. »

Le maire souligne aussi que les comptes payables et à payer sont approuvés chaque mois par le conseil, que toute modification importante au budget doit être approuvée par le conseil, et qu’un rapport d’évolution budgétaire est déposé par le trésorier tous les trois mois et est disponible pour tous les conseillers.

« C’est vrai qu’il y a un budget, et on l’a travaillé ensemble. Mais il faut le comparer avec le réel », soutient M. Bouclin. Selon lui, c’est d’abord une question de transparence. « On a une inquiétude. Mais on ne peut pas la chiffrer, parce qu’on n’a pas les chiffres. »

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