Piedmont : protéger la nature ou développer ?
À Piedmont, l’avenir du territoire pourrait se jouer dans les urnes le 2 novembre prochain. Le plan d’urbanisme adopté le 2 septembre, qui resserre fortement les règles de construction pour protéger les milieux naturels, soulève une controverse que le maire Martin Nadon envisage de trancher par référendum.
Comme annoncé le 26 août dernier, plusieurs promoteurs et familles fondatrices dénonçaient un frein au développement immobilier, avec le projet de règlement de zonage, parlant même « d’expropriation déguisée ». Rappelons toutefois que pour l’instant, c’est seulement le plan d’urbanisme qui a été adopté, et non l’ensemble des règlements qui l’accompagnent.
Le plan repose sur un diagnostic détaillé du territoire, réalisé en collaboration avec Éco-corridors laurentiens, qui a identifié les zones de haute valeur écologique. Ces secteurs, dont la réserve Alfred-Kelly, sont désormais désignés à la conservation, avec interdiction complète de construction. D’autres terrains, jugés moins sensibles mais situés en montagne ou sur des pentes supérieures à 25 %, verront leurs possibilités de développement strictement limitées.
« C’est impossible de penser qu’on avait des terrains dans la réserve Alfred-Kelly où on pouvait encore faire de la construction. Donc, ça, on a zoné conservation totalement », explique le maire Martin Nadon. Selon lui, l’objectif reste d’atteindre la cible de 30 % de territoire protégé, adoptée par le gouvernement du Québec et dans la foulée de la COP15, tout en orientant le développement vers des secteurs appropriés.
Entre protection et développement résidentiel
Si une partie du territoire sera préservée, le maire insiste sur le fait que le plan n’exclut pas la croissance. Il prévoit encore des possibilités de construction sur des lots de 4 000 m², ainsi que des projets de logements multilocatifs. Ces derniers sont présentés comme une réponse directe à la crise du logement, que le document reconnaît comme un enjeu pressant. « On est bien conscients qu’il faut continuer à construire », souligne M. Nadon. « Il y a des terrains qui sont propices à la construction de multilocatifs, puis ça va être important de le faire, parce que la crise du logement, c’est un phénomène qui est réel. »
Le maire insiste aussi sur le fait que limiter les constructions ne signifie pas nécessairement une perte de revenus pour la Municipalité. « Parfois, plus de citoyens entraînent plus de dépenses aussi. Plus qu’on devient une grosse municipalité, plus qu’on doit offrir des services en loisirs, en travaux publics, etc. Donc, ce n’est pas forcément le cas qu’il y ait une économie d’échelle plus on augmente la population. »
Le nouveau plan d’urbanisme aborde d’ailleurs d’autres aspects structurants comme l’adaptation aux besoins d’une population vieillissante, l’amélioration de la mobilité et des transports actifs, et la protection des paysages qui font la renommée touristique de Piedmont.
Contestations des promoteurs
Les critiques viennent principalement de certains promoteurs et propriétaires fonciers, qui estiment que les restrictions imposées pourraient entraîner des pertes financières importantes. Certains avancent que la Municipalité pourrait s’exposer à des poursuites, voire à des réclamations chiffrées à plusieurs centaines de millions de dollars.
Le maire rejette fermement ces arguments. Selon lui, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, modifiée en 2022, autorise explicitement les municipalités à restreindre la construction dans des milieux écologiquement sensibles. « Si la Municipalité est poursuivie par les propriétaires et que les propriétaires ont raison, dans notre cas j’en douterais, mais tout ce que les propriétaires peuvent obtenir, c’est que la Municipalité recule et revienne à l’ancien zonage. Et la loi mentionne spécifiquement qu’il n’y a aucune indemnité qui va être considérée si la Municipalité décide simplement de reculer », rappelle-t-il.
D’autres voix proposent des compromis, comme une règle uniforme obligeant à conserver 10 % de chaque terrain. Pour M. Nadon, cette solution est inefficace. « Il y a des terrains qui ont 50 % de milieux fragiles et il y en a d’autres qui n’en ont aucun. Si on y va à 10 % par terrain, ça veut dire qu’il y aura des milieux écologiques qui vont être laissés pour compte », dit-il.
Les citoyens appelés à trancher
Si la controverse persiste, M. Nadon mise sur la démocratie locale. Il veut proposer, lors d’une prochaine séance du conseil, qu’un référendum consultatif soit organisé le 2 novembre, en parallèle des élections municipales. Les électeurs pourraient ainsi se prononcer directement sur la question de protéger les terrains à haute valeur écologique en limitant ou interdisant la construction.
« Je n’ai rien contre la consultation, mais on en a fait et on les a entendues. La plupart de ces promoteurs ont produit des mémoires, qui ont été regardés par le conseil. Le prochain conseil, ce sera à lui de décider s’il va de l’avant avec le plan d’urbanisme, s’il le modifie, et s’il adopte les règlements. Le référendum consultatif, c’est aussi important pour le conseil que pour les citoyens. Est-ce qu’on peut penser à une formule plus démocratique de consultation de la population ? Comment peut-on dire qu’on ne consulte pas la population si on leur pose la question directement dans un référendum consultatif ? Ça, c’est de la démocratie directe, c’est la population qui parle directement », affirme-t-il.
« Piedmont est à la croisée des chemins », ajoute le maire. « Soit on reste une municipalité de campagne, soit on devient une banlieue. Si sur chaque terrain, on peut construire à tous les 4000 m², dans tous les secteurs de la municipalité, Piedmont ne sera pas la même dans 15 ans. Et je pense que c’est ça qui inquiète beaucoup les gens », conclut-il.