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Portrait de la pauvreté dans la MRC des Pays-d’en-Haut

Par cynthia-cloutier-marenger


Au-delà de la richesse apparente

Sous-sol de l’église de Saint-Sauveur, mercredi 20 novembre, 9 h30 – Installée à une table, Monique, bénévole pour le Garde-Manger des Pays-d’en-Haut depuis 2010, accueille les bénéficiaires du comptoir alimentaire, puis coche leur nom et les dirige chacun leur tour vers les denrées afin qu’ils remplissent leur «panier», le plus souvent un sac réutilisable ou une boîte de carton.

 

Ce faisant, elle en profite pour prendre des nouvelles: «Ah! Ça fait longtemps qu’on ne t’avait pas vue, toi! Toi, tu n’étais pas

là la semaine dernière!» Des coups du sort – un mari gravement malade, un emploi trouvé, puis perdu presque aussitôt – les ont fait revenir, contraints d’aller chercher de l’aide pour se nourrir au cours de la

semaine.

 

Compatissante, Monique confie: «Ce sont pas mal les mêmes gens d’une semaine à l’autre, mais il s’en rajoute tout le temps… L’été a été difficile, vous savez.» Comptant les noms sur sa liste, elle prévoit ce jour-là battre un record de paniers distribués à Saint-Sauveur. «Vous devriez aller à Sainte-Adèle, ajoute-t-elle pourtant, c’est là qu’on en donne le plus.»

 

Des chiffres trompeurs

Avec un revenu annuel moyen de 47 780 $ par habitant, soit le deuxième plus élevé des Laurentides après Thérèse-de-Blainville selon l’Institut de la statistique du Québec, la MRC des Pays-d’en-Haut n’est-elle pas riche?

 

Certes, le territoire comporte son lot de

richesse. Cependant, comme les beaux paysages, ce chiffre cache une réalité moins

reluisante: celle de la répartition inégale des revenus.

 

En effet, si le revenu moyen par habitant est élevé dans la MRC, ce n’est pas parce que tous y font beaucoup d’argent. C’est plutôt parce le nombre d’habitants y

gagnant 100 000 $ et plus est grand

(1 316: le troisième des Laurentides), tirant la moyenne vers le haut.

 

Or, le nombre de travailleurs de 25 à 64 ans vivant avec moins de 20 000 $, soit sous le seuil de faible revenu établi par le gouvernement du Québec (21 722 $ en 2010), ne peut être négligé. Comptant

4 523 habitants, cette tranche de revenu représente plus de 11 % de la population de la MRC.

 

En termes de «ménages» ou de «familles» (deux personnes ou plus vivant ensemble), c’est 7,8 % de la population des Pays-d’en-Haut qui dispose d’un faible revenu, d’où l’importante distribution de paniers de nourriture toutes les semaines à chacun des comptoirs alimentaires du territoire.

 

Précarité de l’emploi

Questionnée sur les raisons de cette pauvreté, Carole Legault, directrice du Garde-Manger des Pays-d’en-Haut, mentionne sans hésitation les emplois précaires. «Nous n’avons pas d’usines qui donnent des bons salaires dans la MRC, explique-t-elle.

 

L’industrie touristique offre des emplois saisonniers ou au salaire minimum. Et quand le tourisme va bien, ça enrichit les commerçants, pas les employés.» Le revenu d’emploi médian de 35 000 $ dans la MRC – «médian» signifiant que 50 % de la population gagne moins et que 50 % gagne plus – s’expliquerait ainsi par la grande quantité d’emplois faiblement rémunérés et par les temps morts dans l’industrie touristique et saisonnière.

 

Notant une augmentation de la fréquentation des comptoirs alimentaires depuis les dernières années, Mme Legault remarque que «même les gens qui travaillent à temps plein au salaire minimum n’arrivent plus à joindre les deux bouts». C’est principalement cette catégorie de travailleurs qui a fait gonfler les chiffres du Garde-Manger au fil des ans.

 

Quant à la réforme de l’assurance-emploi, si Stéphane Lalande, directeur général du Centre local de développement des Pays-d’en-Haut, préfère attendre qu’elle ait été en place depuis un an pour en commenter les effets, Carole Legault dit être déjà en mesure de les observer.

 

 «La réforme de l’assurance-emploi crée des manques à gagner, affirme-t-elle. Par exemple, si quelqu’un qui faisait 50 000 $ doit accepter un emploi moins payant, le temps qu’il réussisse à diminuer ses dépenses, comme à vendre sa maison pour payer moins cher d’hypothèque, il a accumulé des dettes difficiles à se débarrasser… La pauvreté, c’est une roue qui tourne.»

 

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