Quand Radio-Canada glorifie des criminels
Quand la télévision publique persiste à confondre émissions de variétés et d’affaires publiques, on assiste à des dérapages aberrants, comme ce fut encore une fois le cas dimanche soir alors qu’on a accueilli avec tous les honneurs un malfrat fraîchement libéré de prison après 20 ans pour gangstérisme à haute échelle.
Après le triste épisode du mafieux Lino Zambito, accueilli sous un tonnerre d’applaudissements le 21 octobre dernier à Tout le monde en parle, le grand prêtre de la messe médiatique dominicale, Guy A. Lepage, a en effet récidivé dimanche soir avec le trafiquant de drogue notoire Raymond Boulanger qu’il a qualifié de «personnage sympathique»!
À la suite de son témoignage à la Commission Charbonneau, nous étions nombreux à nous être indignés quand le témoin Zambito, qui avait magouillé pour des millions de dollars dans l’industrie de la construction, de concert avec la Mafia, avait reçu une véritable ovation lors de son passage à l’émission de variétés de Radio-Canada.
Nous avons alors cru que le message avait été clair et bien compris à l’effet qu’il devenait indécent pour la télé d’État de glorifier des criminels et d’en faire des vedettes populaires, fussent-elles soi-disant «repenties».
Car, tant qu’elles n’ont pas remboursé tout ce qu’elles ont volé à la population, je ne vois pas comment on pourrait leur accorder un statut de héros. Surtout quand on sait que ces louches personnages continuent de mener la grande vie grâce au pactole amassé à nos dépens.
Je croyais donc que les patrons de Radio-Canada avaient compris la leçon. Mais quelle ne fut pas ma surprise dimanche soir de voir la foule du plateau de TLMEP applaudir l’arrivée du pilote de brousse Raymond Boulanger, qui a raconté avec désinvolture avoir travaillé avec les barons de la drogue colombiens et la mafia montréalaise pour importer dans nos rues des milliers de kilos de cocaïne.
On se souviendra que l’homme avait été arrêté dans les bois de Casey après avoir atterri avec un avion contenant 4000 kilos de coke et qu’il avait été arrêté peu après par les forces de l’ordre en compagnie de deux Colombiens.
Récemment remis en liberté après avoir passé près de 20 ans en prison, Boulanger a admis en souriant avoir fait beaucoup d’autres coups fumants pour lesquels il n’a jamais été capturé.
J’écoutais son récit rocambolesque, ainsi que les interventions complaisantes des animateurs de l’émission, et je croyais rêver devant cette mise en scène de mauvais goût, tout en me demandant quel genre de message on envoyait à la population en faisant d’un bandit visiblement non repenti une vedette instantanée.
Et je pensais aux femmes et aux hommes avec qui ma femme travaille comme intervenante en toxicomanie et dont la vie est complètement bousillée à la suite de l’enfer de la dépendance qu’ils et elles ont développée avec ces drogues qui enrichissent les grandes familles criminelles de la planète.
Pour se justifier de ses crimes, Boulanger a aussi affirmé avoir été pilote pour une compagnie contrôlée par la CIA avec pour mission de surveiller les Contras du Nicaragua…comme si c’était là un autre titre de gloire!
«Je ne faisais que le transport», concluait-il au sujet de la cocaïne comme si c’était aussi banal que d’aller prendre une marche avec son chien.
Et puis, ce qui est encore plus révoltant, c’est de savoir que Radio-Canada verse un cachet aux invités de Tout le monde en parle.
Et ce, alors que des centaines d’artistes sont relégués dans l’ombre et vivent sous le seuil de la pauvreté.