Saint-Sauveur: Quelle vision pour le sport?

Par Thomas Gallenne

C’est la question que l’on peut se poser. Du moins, les promoteurs d’événements sportifs qui se retrouvent à devoir payer un montant d’argent à la Ville de Saint-Sauveur pour avoir le «privilège» d’utiliser l’espace public. La Ville se défend, arguant que la venue de tels événements engendre des frais et qu’il est normal que des pro- moteurs, opérant des entreprises à but lucratif, paient ces frais. De l’autre, les opérateurs dénoncent un système de taxation qui selon eux vient gruger dans leurs bénéfices, menaçant ainsi la viabilité de leur entreprise, les dissuadant même de poursuivre. Après SporTriple, serait-ce au tour de TopChrono de tirer sa révérence?

Louis Turcotte est un des pionniers dans le domaine de l’organisation d’événements sportifs de type duathlon et triathlon puisque son entreprise SporTriple est en opération depuis 25 ans. «J’ai commencé avec le duathlon et le triathlon à Sainte- Agathe. J’ai été aussi le premier au Québec à obtenir les distances d’un demi Ironman. C’est là que Pierre Lavoie et Peter Reid ont débuté. J’étais le précurseur. J’ai inspiré Dominique [Piché], qui aujourd’hui est l’organisateur du Ironman de Tremblant», se souvient un Louis Turcotte visiblement déçu de la décision de la Ville de Saint-Sauveur. Car la 21e édition du duathlon qu’il organise à Saint-Sauveur n’aura pas lieu et marque la fin de son aventure dans cette ville. Pourquoi? Il a reçu le 28 avril dernier un protocole d’entente le liant à la Ville et à la Chambre de commerce pour obtenir l’autorisation de tenir son événement dans l’espace public. Avec des conditions qu’il ne peut satisfaire. «En 20 ans, je n’ai jamais rien eu à payer et je ne recevais aucun services de la Chambre. La Ville me fournissait juste des barricades que je prenais aux Travaux publics et que je plaçais sur le parcours avec un employé de la Ville.»

Un protocole improvisé? Louis Turcotte nous tend ses colonnes de chiffres. «C’est pas compliqué, mes revenus moins mes dépenses, si je signe leur protocole, je suis dans le trou, je fais du bénévolat!», s’insurge-t-il, ajoutant que ce genre d’événement se prépare plusieurs mois d’avance. «Moi j’ai fait ma demande à la Ville le 20 novembre dernier, avec copie conforme à la Chambre de commerce. Toutes mes démarches étaient commencées avec les inscriptions, les fournisseurs. La Ville m’a annoncé les nouvelles conditions en avril. Là on est rendu en mai, et la Ville n’est pas encore sûre du montant. Finalement, on nous prend tous nos profits. C’est toute une vision pour le sport! En fait, je me demande quelle vision. Ils n’en n’ont pas!», poursuit M. Turcotte. Ce dernier dit avoir remis 400 $ plus les taxes à la demande de Pierre Urquhart de la Chambre de commerce l’an passé. «J’ai acheté la paix, car il voulait 5$ par participant; il m’a ‘‘pogné’’ à la dernière minute, alors j’ai payé.»

De son côté Pierre Urquhart se défend d’avoir imposé une quelconque quote-part. «En 2013, mon CA m’a demandé d’organiser un demi-marathon pour financer nos activités. J’ai 600 000$ à aller chercher chaque année. Au même moment, Top Chrono m’a approché pour en organiser un et on a fait un partenariat. On a négocié un montant qui satisfaisait tout le monde. J’ai aucun problème à travailler avec eux. On met des bâtons dans les roues de personne. Si c’est pas avec eux autres que ça se passe, ça va être quelqu’un d’autre.»

Pour sa part, le maire de Saint-Sauveur Jacques Gariépy rappelle qu’auparavant, la Ville laissait le soin à la Chambre de commerce de choisir les événements et de les superviser le cas échéant. «La Ville ne veut plus laisser les rues de la ville aux organismes, sans les encadrer, explique-t-il. D’où un protocole d’entente tripartite entre l’organisme, la Ville et la Chambre. Et la Ville mandate la Chambre de superviser un peu l’événement. D’autres villes prennent un pourcentage des revenus pour remettre à des organismes de la région. Je ne voulais pas demander les états financiers et appliquer un pourcentage sur les revenus. La Ville va donc percevoir un montant par participant.» Selon les calculs des parties, TopChrono – qui vise les 1000 participants à son demi- marathon d’automne – pourrait devoir débourser jusqu’à 3 750 $ cette année, les jeunes coureurs n’étant pas comptabilisés.

Saint-Sauveur anti sport d’élite?

Jacques Gariépy a pris la mesure de l’annulation du duathlon de M. Turcotte et de la rumeur selon laquelle la Ville favoriserait les sports de masse avant ceux plus élitistes. «Comme président de la SOPAIR (Société de plein air de la MRC des Pays-d’en-Haut), je suis pour le sport de plein air à Saint- Sauveur et je l’encourage. Et je ne veux pas que la ville soit perçue comme anti sportif, qui ne veut pas de coureurs. C’est pas le cas du tout.» Le maire dit assimiler plus le ski de fond ou la raquette à des activités de masse, et les duathlons et demi-marathons à des sports d’élite. «Mais je comprends aussi que les participants à ces compétitions ne sont pas tous des athlètes d’élite. C’est très familial, il y a des jeunes. Alors peut- être que le terme élite était mal choisi, on pourrait dire plus compétitif.» Bien que la décision de Louis Turcotte semble irrévocable, le maire espère que la réputation de sa ville ne sera pas ternie par quelques individus. «J’espère que l’année prochaine on pourra peut être modifier notre protocole d’entente pour empêcher ce genre de malentendu et de mésentente, mais pour cette année, le protocole est fait», conclut Jacques Gariépy.

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