Situation incendiaire à Val-David
Par nathalie-deraspe
Été après été depuis cinquante ans, plusieurs communautés juives hassidiques ont choisi les Laurentides comme lieu de prédilection. Dès la troisième semaine de juin, des centaines de familles aboutissent à Val-David, Val-Morin et les environs, pour y élire domicile jusqu’en septembre. Mais un incendie criminel est venu menacer une cohabitation déjà fragile avec les résidents de la région.
Mieux vaut ne pas entendre ce qui se dit sous le couvert de l’anonymat. Ce n’est pas tant l’appartenance à une race ou à une religion qui en dérange plusieurs, comme l’appropriation du territoire par un groupuscule aux mœurs forts différentes des nôtres. De plus en plus chatouilleux en matière d’environnement, certains résidents n’hésitent plus à porter plainte. Mais des individus mal intentionnés ont littéralement dépassé les bornes.
L’affaire a débuté samedi dernier vers 6h du matin, quand un incendie s’est déclaré dans une pièce du 2231 Riverside à Val-David. Le bâtiment fait partie d’un ensemble appartenant à une communauté juive hassidique des plus discrètes. Les enquêteurs ont découvert sur les lieux des matières accélérantes qui laisse présager qu’il s’agit bel et bien d’un incendie criminel. En outre, les malfaiteurs se sont introduits par effraction dans les deux unités de dortoir situés de l’autre côté de la rue. Malgré des patrouilles sporadiques tout au long du week-end et la présence d’un agent de sécurité, un deuxième incendie allumé trois jours plus tard a réussi à ravager complètement l’édifice visé.
La responsable des communications pour la Sûreté du Québec de Laurentides/ Lanaudière, Isabelle Gendron se fait toutefois prudente. «Rien ne permet de conclure que ces gens-là sont ciblés à cause de leur religion ou de leur race. Les enquêteurs n’ont trouvé ni menaces, la communauté n’a pas été l’objet de plaintes, il n’y avait ni graffitis, ni lettres laissée sur les lieux.»
Un geste révoltant, dit le maire
«On pense que ces choses-là arrivent ailleurs, mais voilà, ça s’est produit chez nous, a déploré le maire Pierre Lapointe. Juste avant les événements, un responsable de la communauté était passé à la maison pour porter des croissants au chocolat que son épouse avait préparé.»
Pas plus tard que l’été dernier, le maire avait répondu à l’invitation de la communauté et assisté à une fête organisée en son honneur à deux pas du site de l’incendie. Les enfants avaient formé un immense demi-cercle et avaient entamé pour lui des chants traditionnels juifs. «On y gagne beaucoup à se connaître mutuellement, a confié M. Lapointe. Les enfants sont les mêmes petits rigolos, espiègles et souriants comme les nôtres. Plus pacifiques que ça, tu meurs.» Craignant que la situation ne dégénère, le maire et quelques-uns de ses conseillers sont allés rencontrer des responsables de la communauté dans une synagogue montréalaise mercredi soir dernier afin de sécuriser tout le monde et tenter de trouver une voie qui permettrait d’établir un pont entre les hassidiques et les résidents de la région. «Ce sont des gens un peu plus négligents au niveau de l’espace public et comme il existe un certain nombre de préjugés, il faudra que la communauté soit plus aux aguets face aux problèmes de salubrité si celle-ci ne veut pas prêter flan aux critiques.»
Il n’empêche, le directeur des relations publiques du Conseil juif orthodoxe, Mayor Feij, continue de marteler que les relations dans le voisinage ont toujours été respectueuses d’un côté comme de l’autre, même s’il affirme que certains efforts doivent être entrepris au niveau de la protection de l’environnement, ce que confirme une voisine du quartier. «Ça fait cinq ans que nous sommes voisins, affirme la dame qui, par peur de représailles, préfère garder l’anonymat, et jamais nous n’avons eu quelque problème que ce soit. Je trouve la situation terrible. Nous sommes tous des humains et nous méritons le respect.»