Benoît Charette est journaliste automobile et propriétaire de l'Annuel de l'automobile. Crédit : Nordy - Sébastien Fleurant
|

Benoît Charette analyse le marché automobile des Laurentides

Par Simon Cordeau

Après avoir rencontré les concessionnaires des Laurentides, le journaliste automobile Benoît Charette nous résume la teneur de ses entrevues. « Comme propriétaire de l’Annuel de l’automobile, c’est toujours un marché qui m’intéresse beaucoup. » Pour vous, il analyse l’état du marché, les tendances à surveiller et ce qui nous attend dans les prochains mois. Entrevue.

On commence par l’électrification. Il y a de plus en plus de voitures électriques sur nos routes maintenant que le marché a maturé. À quoi peut-on s’attendre comme développements majeurs prochainement ?

Ça dépend à qui on parle. On a parlé à beaucoup de concessionnaires. Il y a deux remarques qui m’ont marqué. Michel Valiquette, directeur des ventes chez Elite Ford, nous disait qu’ils ont les deux pieds dedans. C’est-à-dire qu’on investit beaucoup dans des modèles électriques qui s’en viennent. L’usine d’Oakville en Ontario sera une usine où on fabriquera uniquement des modèles électriques bientôt. Ford investit dans une usine de batteries à Bécancour. Donc on est dedans pour de vrai avec les modèles qui arrivent. Il y a un Escape PHEV qui s’en vient, des modèles Explorer, on a des modèles comme le Ford Lighting, le Mach-E, etc. Donc chez Ford, on est dedans.

On parle à d’autres, comme du côté d’United Alfa Romeo, au directeur général Stéphane Robert. Lui nous dit que pour les amateurs de performance, la transition est plus longue. Parce que les amateurs de véhicules performants ne sont pas nécessairement des amateurs de véhicules électriques. Et la façon d’y arriver, M. Robert nous dit que ça va se faire par étapes. Il y a un modèle comme le Tonale, qui est est un PHEV, donc un hybride branchable, qui est le meilleur vendeur en ce moment du côté d’Alfa Romeo. Et M. Robert dit que c’est par cette transition-là qu’il va finir par convaincre sa clientèle. Mais ça va un petit peu plus lentement de ce côté-là.

L’économie passe une période un peu particulière, avec l’inflation qui augmente beaucoup. Comment se comporte le marché des Laurentides pendant ce temps-là ?

Le marché des Laurentides est beaucoup relié au territoire. On a parlé par exemple à Mathieu Gratton Legault, conseiller aux ventes chez Albi Volvo. Lui nous dit : « Volvo, on est chanceux parce qu’on a un grand territoire ». La concession occupe à elle seule toutes les Laurentides. Donc ils vont chercher de la clientèle jusque dans les Hautes-Laurentides et même jusqu’en Abitibi. Elle a de l’influence sur un grand territoire, donc ça va bien. Parce qu’on est capables d’avoir une bonne clientèle.

D’autres vont avoir des régionalismes. Dominique Durocher, présidente de Mazda à Val-David, nous dit : « On est dans un endroit un peu plus en campagne ». Mazda a beaucoup de produits à quatre roues motrices. Et ils ont une garantie illimitée de trois ans, donc avec kilométrage illimité. Et ça, ça les a favorisés par rapport à d’autres constructeurs. Donc on voit que, quand il y a des avantages ou un territoire assez grand, ça va bien pour le concessionnaire.

Il y a aussi les taux d’intérêt qui ont augmenté de façon marquée ces derniers mois. Comment ça influence le comportement des consommateurs ?

En fait, deux des personnes que nous avons rencontrées nous ont donné à peu près la même réponse. Amélie Chevanelle, directrice générale chez Chrysler Rive-Nord, et Stéphane Robert, directeur général d’United Alfa Romeo, qui nous disent qu’au Québec, on achète un paiement. On arrive en concession avec une idée préétablie de ce qu’on est capable de payer par mois. Mais ce qui arrive, depuis un an, un an et demi, c’est que les gens n’ont pas magasiné de voiture depuis plusieurs années. Donc ils disent qu’ils ont 500 $ à mettre, mais ils réalisent qu’ils n’ont plus rien pour 500 $ par mois.

Donc les gens arrivent avec des attentes et repartent avec un autre véhicule. Parce qu’avec le montant qu’ils sont prêts à mettre par mois, le pouvoir d’achat a beaucoup diminué. Et on repart souvent avec des véhicules beaucoup plus modestes qu’on avait pensé aller chercher au départ.

J’imagine que les gens se tournent donc vers le marché d’occasion. Mais je crois qu’il y avait une pénurie jusqu’à tout récemment ?

C’est vrai, mais si on se fie à Bernard Franke, de Franke Mercedes-Benz, il nous disait que le marché se stabilise. On voit tranquillement une baisse des prix et l’inventaire commence à revenir. Évidemment, les taux d’intérêt sont plus élevés que pour une voiture neuve. Et ça, c’est ce que Michel Valiquette, directeur des ventes chez Elite Ford, nous a souligné. Il nous dit qu’il doit tenir en inventaire des véhicules plus abordables à cause des taux d’intérêt. Parce que là, évidemment, les taux d’intérêt font grimper les paiements. Alors il dit que la moyenne doit être entre 35 000 et 45 000 $. Si on a des véhicules plus chers que ça, on les garde longtemps en concession.

Donc oui, ça revient. Mais il faut quand même être prudent.

Il y a aussi beaucoup d’attente pour avoir un véhicule neuf. Il y a des gens qui peuvent attendre des mois, voire des années avant de le recevoir. Quand peut-on s’attendre que les modèles soient de retour en concession ?

Encore là, ça dépend à qui on parle et ça dépend des modèles. Pour les modèles très populaires, il y a encore une entente, que ce soit dans les modèles à essence ou électriques. Mais Bernard Fanke, de Franke Mercedes-Benz, nous disait que lui, en ce moment, il n’y a pas de problème d’approvisionnement. Les modèles rentrent. Ce dont il a de besoin, il va en avoir. Donc chez lui, ça s’est stabilisé.

Mathieu Gratton Legault, représentant aux ventes chez Albi Volvo, nous disait qu’en 2019, il avait une quarantaine de véhicules en inventaire. En 2023, 4 ans plus tard, on est à 80. Et le chiffre idéal, chez eux, ça serait autour d’une centaine de véhicules. Mais ce que les gens nous disent en général, un peu partout dans les concessions, c’est qu’on ne veut pas revenir à de très grands inventaires. Parce que ça coûte cher, supporter des inventaires. Donc on aime mieux vendre avec un peu moins de véhicules et garder une bonne rotation. Mais d’un point de vue financier, ça fait plus de sens d’avoir un peu moins de véhicules en inventaire.

À qui devrait-on faire confiance pour l’entretien de sa voiture, entre son garagiste local et son concessionnaire ?

Ce que les concessionnaires nous ont dit, c’est presque à unanimité et je vais citer Dominique Durocher, présidente de Mazda Val-David, avoir des gens spécialisés et de miser sur la formation, ç’a beaucoup aidé le commerce. En fait, elle est passée d’un taux de rétention de 39 % à 80 % en un an, en engageant des travailleurs spécialisés.

Ce qu’il faut aussi dire, dans le cas de beaucoup de concessions, les pièces d’origine vont faire la différence, surtout quand on arrive dans des modèles plus haut de gamme, chez Mercedes ou Volvo par exemple, mais c’est vrai aussi chez la plupart des concessionnaires.

Le service à la clientèle : on mise beaucoup là-dessus chez les concessionnaires. On a même, dans certains cas, invité des clients chez le concessionnaire pour leur montrer les facilités, les expertises, le matériel qu’on utilise. Tout ça est important, parce que le véhicule aujourd’hui est de plus en plus complexe. Ça prend une machinerie, des techniciens qui sont formés. Et ça, on le retrouve en concession.

En conclusion, à quoi peut-on s’attendre dans les prochains mois ?

Si on se fie à ce qu’on a entendu du côté des concessionnaires, on peut s’attendre à une amélioration de l’inventaire. C’est sûr qu’il va y avoir encore un peu d’attente pour les modèles très populaires.

Et l’électrification est vraiment en marche, pour les gens qui en doutaient encore. Tout le monde en parle. Tout le monde n’aura pas le même inventaire aussi rapidement ni le même nombre de modèles. Mais c’est clair qu’on s’en va vers ça.

NOUVELLES SUGGÉRÉES

0 Comments

Submit a Comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *