(Photo : Courtoisie)
Mathieu Perron-Dufour est professeur à l’UQO.

Le taux directeur pour les nuls

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Le 2 mars, la Banque du Canada a relevé son taux directeur pour la première fois depuis le 27 mars 2020, le faisant passer de 0,25 % à 0,5 %. Et cette augmentation pourrait être suivie de plusieurs autres durant l’année. Quel sera l’impact sur l’économie, et sur votre portefeuille? Vulgarisation avec Mathieu Perron-Dufour, professeur au Département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

D’abord, qu’est-ce que le taux directeur? « La Banque centrale du Canada veut que les banques se prêtent de l’argent entre elles », explique M. Perron-Dufour. À la fin de chaque journée, les banques comptabilisent leurs transactions et voient combien d’argent elles se doivent entre elles. « C’est rare que ça balance, donc certaines banques ont un déficit. » Pour que les comptes balancent, il existe donc un marché inter-bancaire de prêts d’un jour.

« Ce marché-là est supervisé par la Banque centrale. » Le taux directeur, c’est donc le taux d’intérêt (annualisé) auquel la Banque du Canada souhaiterait que les banques se prêtent cet argent pour une journée.

« La Banque centrale essaie de réguler les liquidités disponibles dans l’économie. Donc elle a une cible pour l’argent prêté à la fin de la journée. »

Cependant, le taux directeur est une référence : les banques ne sont pas obligées de s’y tenir. Mais comme il y a peu de banques au Canada, la Banque centrale parvient à réguler efficacement ce marché de prêts.

Stimuler ou ralentir

Pourquoi la Banque centrale voudrait-elle réguler ces prêts? C’est une manière indirecte pour la Banque centrale de ralentir ou de stimuler l’économie, en rendant le coût de l’endettement plus ou moins cher, pour tout le monde.

Par exemple, au début de la pandémie, le taux directeur est passé rapidement de 1,75 % à 0,25 %. « L’espoir de la Banque centrale, c’est que ça va tirer vers le bas tous les autres taux dans l’économie, comme pour les hypothèques et les cartes de crédit. Si elle a raison, ce qui a été le cas, les gens empruntent plus et achètent plus, et ça stimule l’économie. »

Maintenant que nous sortons de la pandémie, c’est l’inverse. « En même temps qu’il y a une reprise économique, il y a de l’inflation. Donc la Banque centrale essaie de ralentir un peu l’activité économique, parce qu’elle voit peut-être une surchauffe », illustre M. Perron-Dufour.

Réguler l’inflation

La Banque centrale essaie donc de réduire l’inflation en ralentissant l’économie. « Il y a une pénurie de main-d’œuvre et les gens consomment plus que ce que le système économique parvient à produire », explique M. Perron-Dufour. Cela crée une surenchère sur les produits et services disponibles, ce qui pousse les prix vers le haut.

Cependant, l’inflation est aussi causée par plusieurs autres facteurs. Les chaines d’approvisionnement sont encore fragilisées par la pandémie. Et la guerre en Ukraine a fait bondir le prix du pétrole, entre autres.

« Du pétrole, il y en a partout. Il est dans le réservoir de votre voiture, mais aussi dans le transport des aliments à l’épicerie et dans le plastique. Quand le pétrole augmente, tout augmente. »

C’est pourquoi M. Perron-Dufour croit qu’augmenter le taux directeur aura peu d’impact sur l’inflation, puisqu’elle est causée en grande partie par des facteurs extérieurs à l’économie canadienne.

Cette augmentation pourrait toutefois refroidir le marché immobilier, où les propriétés se vendent toujours plus cher. Des taux hypothécaires plus hauts ralentiront les ardeurs des nouveaux acheteurs. Le professeur s’inquiète toutefois pour ceux qui ont déjà une hypothèque. En plus d’un plein d’essence et d’une facture d’épicerie plus élevée, ceux-ci verront aussi leurs paiements mensuels augmenter.

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