Comment assurer la réussite scolaire de nos élèves ?
« Il sera toujours plus facile de construire des enfants et des adolescents forts que de réparer des adultes brisés », croit fermement Dr Égide Royer, psychologue et spécialiste de l’éducation. Mais les défis sont grands pour favoriser la réussite scolaire, admet-il. « Présentement, dans les écoles publiques ordinaires, 33 % des élèves [au secondaire] sont considérés en difficulté. C’est absolument énorme ! » Survol de la situation et des solutions proposées.
Les garçons en retard
« Après 7 années au secondaire, dans le réseau public, ce sont 79 % des gens qui sortent avec un diplôme ou une qualification », explique Dr Royer. Cependant, il y a un écart significatif entre les garçons et les filles, souligne-t-il. « Au Québec, c’est un écart de 10 points de pourcentage, bon an, mal an. » Par ailleurs, 75 % des filles accèdent au cégep, contre seulement 56 % des garçons.
Cet écart entre les genres s’observe dès la maternelle, ajoute le psychologue. Ce sont 35 % des garçons, mais seulement 23 % des filles qui arrivent à la maternelle avec des vulnérabilités, comme des difficultés au niveau du langage, des troubles de comportements ou des retards du développement en général. De plus, cet écart s’observe partout, ailleurs au Canada et dans d’autres pays occidentaux. « Il y a un écart de maturation gars-fille. Il y a plus de garçons qui arrivent sans être prêts à apprendre », illustre Dr Royer.
Cet écart diminue au fur et à mesure qu’on avance dans le système d’éducation. Mais au Québec, et plus particulièrement dans le réseau public francophone, il reste important jusqu’à la fin du secondaire.
Répartir les élèves en difficulté
Au primaire, 21 à 22 % des élèves sont en difficulté, mais leur nombre monte à 33 % au secondaire. Ce niveau est moins élevé dans le réseau privé et dans les écoles publiques à projets particuliers. « On trie nos élèves. On les sélectionne », illustre Dr Royer. Cette différence affecte aussi la chance d’aller au cégep ou à l’université. « C’est du simple au double. »
« Il faut revoir notre façon de faire avec les élèves en difficulté. La politique date de 1999 », précise l’expert. D’ailleurs, la composition de la classe est l’une des demandes phares des enseignants, qui sont présentement en négociations avec le gouvernement. « Il faut que toutes les écoles aient une proportion naturelle d’élèves en difficulté. En ce moment, certaines classes [au public régulier] sont à 50 %, voire à 75 % au secondaire. Il faut donc que toutes les écoles [à projets particuliers et privées] fassent leur part », plaide le psychologue.
Les solutions
Selon Dr Royer, il faut d’abord reconnaître plus rapidement les jeunes en difficulté qui ont besoin d’aide. Plus largement, il souhaite que « tous les intervenants scolaires, du concierge à l’enseignant en passant par le directeur, suivent un cours de premiers soins en santé mentale. Ils doivent pouvoir lire les premiers signes qu’un jeune ne va pas bien ». Il faudrait également offrir un soutien supplémentaire aux jeunes en retard, avec du tutorat par exemple.
Des mesures d’intervention sur 12 mois par année seraient aussi nécessaires, pour prévenir la « glissade de l’été » par exemple. Ce phénomène fait en sorte que les jeunes perdent des acquis lorsqu’ils reviennent en classe, en septembre. « Pour un jeune qui réussit, ce n’est pas si pire. Mais souvent, les jeunes en difficulté en ont perdu beaucoup », explique le psychologue. Cela pourrait prendre la forme d’activités intégrées aux terrains de jeux municipaux, suggère-t-il. « Ne serait-ce que continuer de lire ferait une différence. »
Surtout, il faut porter attention à la différence gars-fille. Par exemple, les garçons auraient besoin de « plus de modèles de réussite masculins » alignés avec leurs intérêts, comme le sport, propose Dr Royer. Les filles, cependant, sont davantage touchées par des questions d’anxiété, de dépression ou des troubles alimentaires. « Il faut tenir compte du genre quand on intervient », insiste le psychologue.
Enfin, il faut des données de recherche solides, qui manquent encore souvent au Québec. Et l’intelligence artificielle pourrait être utilisée pour pallier certains handicaps, comme la dyslexie.
Dr Égide Royer donnait une conférence virtuelle mardi, 28 novembre, lors du lancement de la Fondation pour la réussite des élèves du Centre de services scolaire des Laurentides (CSSL).
Mise sur pause en 2021 durant la pandémie, la Fondation est relancée avec une mission et des critères revus, ainsi qu’un nouveau nom et un nouveau logo. Elle recommencera à donner des bourses pour encourager la réussite scolaire.
2 commentaires
Au Québec, le concept de «système d’éducation à trois vitesses» fait référence à l’idée que le système éducatif peut être caractérisé par des différences de qualité, d’accès et de ressources entre trois niveaux d’institutions éducatives. Ces trois vitesses représentent généralement les niveaux suivants :
Éducation publique ordinaire :
Il s’agit du système d’éducation public standard au Québec, accessible à tous les élèves (sans filtre à l’entrée).
Les écoles publiques offrent des programmes d’études généraux et visent à assurer une éducation équitable pour tous les élèves.
Écoles privées :
Les écoles privées au Québec sont souvent «perçues» comme offrant des ressources supplémentaires et une qualité d’enseignement supérieure.
L’accès à ces écoles dépend généralement de la capacité financière des familles et d’une série de filtres de sélection, créant ainsi une disparité socio-économique.
Programmes d’éducation internationale :
Certains établissements «publics» offrent des programmes éducatifs internationaux (comme le Programme du diplôme du Baccalauréat International) qui sont souvent considérés comme plus exigeants et prestigieux.
L’accès à ces programmes, comprenant là aussi une série de filtres de sélection, peut également être influencé par des facteurs économiques et sociaux.
Les inégalités entre ces trois «vitesses» peuvent découler de divers facteurs, tels que les ressources financières, la qualité des enseignants, les installations et les programmes disponibles. Les critiques soutiennent que cela peut entraîner une inégalité d’opportunités éducatives entre les élèves, renforçant les divisions sociales et économiques.
Il est important de noter que le débat sur le système éducatif à trois vitesses peut varier en fonction des perspectives politiques, sociales et éducatives, et des efforts sont souvent déployés pour réduire ces disparités et promouvoir une éducation équitable pour tous.
Pourquoi M. Royer n’aborde pas cette question ?
Bonjour M. Trépanier,
Vous apportez un point important, et Dr Royer a bien discuté du système d’éducation à trois vitesses durant notre entrevue. Je n’ai malheureusement pas pu intégrer tous les éléments desquels nous avons discuté dans mon article, faute d’espace.