Femmes et pouvoir
Par Frédérique David
La tenue d’élections municipales dans toutes les régions du Québec et la Marche mondiale des femmes le 17 octobre prochain offrent l’occasion de se demander quelle est la place occupée par les femmes en politique en 2025. Qu’en est-il de la parité (et j’inclus également les personnes qui se définissent comme non binaires) en politique?
Un recul inquiétant
La semaine dernière, la journaliste et autrice féministe Pascale Navarro lançait un nouvel essai sur le sujet intitulé « Pour une féminisation du pouvoir ». Elle y constate que depuis l’espoir suscité par l’annonce d’un gouvernement paritaire en 2015 par Justin Trudeau, les femmes n’ont finalement pas occupé l’espace qui leur revenait. La pandémie est arrivée avec son lot de féminicides, suivie de l’élection de Donald Trump qui s’est attaqué à tout ce qui était progressiste, comme le droit à l’avortement ou les droits LGBT+, et d’une montée de la droite (parfois extrême) et du masculinisme. La parité et l’inclusion ne sont plus des sujets populaires, tout comme l’écologie d’ailleurs. Les préoccupations économiques ont écarté la parité et la diversité des discours et légitimé ce balayage dans l’opinion publique. Parce qu’on se préoccupe bien plus de notre confort matériel que de la représentation des femmes dans les instances politiques! Ainsi donc, ce qui semblait avancer dans la bonne direction laisse place à un recul. D’après les récentes données, les femmes continuent d’être sous-représentées parmi les candidat(e)s aux prochaines élections municipales et leur proportion n’a augmenté que faiblement, passant de 35,5% en 2021 à 36,1% en 2025. Dans plusieurs grandes villes, la proportion de femmes candidates a même baissée.
Appel à la vigilance
Difficile de changer « cette institution patriarcale qu’est la politique » pour assurer une parité durable, constate Pascale Navarro qui milite depuis longtemps pour l’adoption d’une loi, comme plusieurs pays l’ont déjà fait, notamment la France en 2000. Dans notre pays, écrit-elle, « on croyait acquise l’égalité femmes-hommes [et] on ne voyait pas la nécessité de procéder à ces changements structurels et législatifs. Nos sociétés réputées égalitaires n’avaient pas besoin, disait-on, de mécanismes superflus. » Pourtant, il semble évident que l’on doit cesser de croire que l’égalité de représentation se fera naturellement et écouter davantage la mise en garde de Simone de Beauvoir abondamment citée en cette époque obscure, qu’il suffit d’une crise pour que les droits des femmes reculent.
Le mois dernier, sur les ondes de Radio-Canada, l’ex-députée Véronique Hivon questionnait François Legault sur la soi-disant importance qu’il accorde à la parité hommes-femmes, alors qu’il s’en sert surtout pour adopter de nouvelles mesures pour la laïcité, déplorait-elle, qu’il vient de nommer une majorité d’hommes dans son gouvernement, et qu’il a multiplié des jeux de mots (ou blagues?) douteux à l’égard de certaines femmes (France-Élaine Duranceau nommée « Cruella » en pleine cérémonie de remaniement ministérielle, entre autres) qui n’ont servi qu’à les décribiliser publiquement. « La parité, c’est un gage de saine démocratie. Parce qu’on souhaite des institutions démocratiques qui représentent l’ensemble de la population, qui ont des visions diverses, qui ont des manières de faire diverses », déclarait Véronique Hivon.
Patriarcat politique
Les temps sont durs pour les femmes en politique et celles qui se présentent devront s’armer de courage et de détermination car la place qui leur est faite, la crédibilité qu’on leur accorde est bien fragile. Le livre de la journaliste Jocelyne Richer, « Le sexe du pouvoir », paru l’année dernière brise le silence sur ce monde conçu par des hommes, pour des hommes. Les élues et ex-élues qu’elle a rencontrées racontent comment leur crédibilité et leurs compétences sont constamment remises en question. Il faut bien l’admettre, les femmes en politique ne restent pas. Et il faut taire ce discours trop souvent répété voulant qu’elles quittent pour se rapprocher de leur famille ou qu’elles ne s’impliquent pas parce qu’elles ont trop de responsabilités familiales!
Les femmes aussi ont une posture à changer. Elles sont le produit d’un système patriarcal et intériorisent des codes masculins qui les mènent à faire de la politique « comme les hommes ». « On n’a aucune idée de ce que les femmes sont capables de faire si elles s’assument en tant que femmes! », déclarait Pascale Navarro au lancement de son livre. Une chose est sûre, la parité en politique nécessite des changements en profondeur dans les représentations sociales persistantes de la femme comme pivot de l’espace domestique et de la politique comme une activité virile.