La pénurie d’enseignants complique la rentrée

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

À l’approche de la rentrée, les centres de services scolaires travaillent à combler les postes d’enseignants, pour les permanences et les suppléances. Mais la pénurie d’enseignants qualifiés leur rend la tâche difficile. Y aura-t-il assez d’enseignants pour la rentrée scolaire?

« Bonne question. Il reste beaucoup de postes disponibles. L’année passée, on n’a pas réussi », confie Christian Aubin, président du Syndicat de l’enseignement de la Rivière-du-Nord (SERN). Même son de cloche pour Annie Domingue, présidente du Syndicat des enseignantes et des enseignants des Laurentides (SEEL). « On va savoir si on en a suffisamment dans les prochains jours. »

Au moment de discuter avec eux, les deux présidents sont encore dans les séances d’affectation. Les prochaines semaines seront donc un sprint final pour pourvoir les postes encore vacants.

Les « non légalement qualifiés »

Partout au Québec, il manque d’enseignants qualifiés. Et pourtant, « ça prend du monde dans les classes », explique M. Aubin. C’est pourquoi les centres de services scolaires font de plus en plus appel à des enseignants non légalement qualifiés, ou NLQ. « C’est une autorisation provisoire, conditionnelle à suivre un cours universitaire », explique M. Aubin. D’autres ne suivront pas de cours, mais restent disponibles pour de la suppléance au besoin.

« Le problème, souvent, c’est la gestion de classe. C’est facile, avoir les connaissances, mais gérer des élèves au secondaire… » – Christian Aubin, président du SERN

« C’est peut-être quelqu’un qui a un baccalauréat en littérature et qui peut enseigner le français, même s’il n’a pas tout le bagage. Des fois, des ingénieurs sont profs de maths. Ils comprennent la matière. Le problème, souvent, c’est la gestion de classe. C’est facile, avoir les connaissances, mais gérer des élèves au secondaire… », détaille M. Aubin.

Les NLQ doivent donc s’appuyer sur leurs collègues, mais ces derniers sont déjà surchargés, ajoute le président, ce qui peut créer des tensions.

Au cours de l’année scolaire 2020-2021, plus de 3 700 personnes sans brevet d’enseignement ont enseigné dans les classes du Québec, rapportait La Presse en juin dernier.

« On observe une augmentation dans les dernières années. Ils viennent soutenir, mais ça demeure un symptôme de la pénurie », témoigne Mme Domingue.

M. Aubin admet que les centres de services scolaires et les enseignants font de leur mieux dans les circonstances. Mais il s’agit tout de même d’un compromis.

« Avec tout ça, tu as l’enfant en avant de toi, qui est supposé avoir un enseignant qui lui donne des compétences. Si l’enseignant n’en donne que la moitié, qu’est-ce qui arrive l’année d’après? L’élève n’a pas vu toute la matière, il n’a pas tout compris. »

« La classe ordinaire n’est plus ordinaire »

Même pour les enseignants d’expérience, la tâche s’est complexifiée, et la relation avec les parents aussi. « Il y en a beaucoup qui veulent qu’on travaille sur la grosseur des classes », ajoute M. Aubin.

Les élèves avec des problématiques ont été intégrés aux classes régulières. Résultat : il n’est pas rare qu’un enseignant ait quatre ou cinq élèves dans son groupe, voire plus, qui ont un plan d’intervention. « La classe ordinaire n’est plus ordinaire », illustre Mme Domingue.

Chaque plan d’intervention demande à l’enseignant de s’asseoir avec la direction, les parents et le personnel de soutien, d’identifier les problématiques de l’élève, puis d’établir des objectifs et les moyens de les atteindre. L’enseignant doit ensuite faire le suivi avec l’élève et les parents. Bien sûr, le plan d’intervention est aussi révisé durant l’année. « C’est beaucoup de travail. L’enseignant, il faut qu’il gère ça en plus de sa classe », rappelle M. Aubin.

Intégrer les enfants en difficulté est nécessaire et souhaité, souligne Mme Domingue, mais cela doit se faire de manière harmonieuse, dans l’intérêt des élèves et, surtout, avec le soutien nécessaire. « Mais les services ne sont jamais arrivés! », signale M. Aubin.

Un métier déserté

Certains se demandent donc s’ils n’auraient pas de meilleures conditions de travail, et moins de responsabilités, en travaillant ailleurs. Ce sont 25 % des enseignants qui quittent la profession dans les cinq premières années. « Une étude avait été faite, mais c’était il y a quelques d’années, avant la COVID et tout », précise M. Aubin.

« Au moins, les salaires ont été améliorés dans la dernière convention collective, se réjouit le président. Les salaires doivent être suffisants pour attirer de nouvelles personnes dans la profession, mais aussi pour les garder », souligne-t-il.

Mme Domingue croit d’ailleurs que les NLQ doivent faire partie de la solution. « Il va falloir encourager les gens à se qualifier. Si on veut renverser la vapeur, il faut attirer des gens dans la profession et leur donner envie d’aller chercher une formation légale. »

Pour cela, revoir le rôle de l’enseignant et ses responsabilités est essentiel. « Il va falloir alléger la tâche, se recentrer sur l’enseignement et confier les autres tâches à d’autres personnels. […] Les enseignants doivent faire ce qu’ils aiment le plus et ce pourquoi ils sont formés : enseigner », plaide Mme Domingue.

Pourquoi enseigner?

Avec toutes ces difficultés, on peut se demander pourquoi certains choisissent encore d’enseigner. « La première réponse, c’est que ce sont des gens passionnés. Ils aiment les enfants, ils aiment transmettre la matière. On travaille sur les jeunes de demain, pour qu’ils deviennent de meilleurs citoyens. On ne se précipitaient pas pour le salaire! », témoigne M. Aubin avec enthousiasme.

On sent le même feu sacré dans la réponse de Mme Domingue. « Ça demeure qu’on forme la jeunesse! On en est fiers. On les croise souvent quand ils grandissent, et on est fiers de voir ce qu’ils accomplissent. »

Selon elle, l’enseignement reste une profession extraordinaire, qui en vaut la peine. « Il va falloir la faire découvrir aux autres », conclut-elle.

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