Petit guide de la faune hivernale laurentienne
Même l’hiver, la forêt laurentienne est habitée d’animaux de toutes sortes. Si on porte attention et on reste discrets, on peut discerner leurs traces dans la neige, les entendre au loin ou les apercevoir entre les arbres. « Il y a beaucoup d’espèces qui vont demeurer au Québec et qui sont actives durant l’hiver », indique Anie Rivard-Paré, chargée de projets d’Éco-corridors laurentiens. Petit guide de la faune hivernale.
Oiseaux
Il y a une trentaine d’espèces d’oiseaux qui demeurent dans nos arbres durant la saison froide. Parmi eux, on compte le jaseur boréal, le jaseur des cèdres, le geai bleu, le chardonneret, le gros-bec, sans compter le mésange et le cardinal, dont le plumage rouge « détone » sur la neige blanche.
« Il y a des espèces qu’on va voir juste l’hiver dans les Laurentides. Le bruant des neiges, qui descend du nord, est au Québec en janvier et en février. Il a besoin de neige pour être ici », indique Mme Rivard-Paré. Elle donne aussi en exemple le harfang des neiges, qu’on peut apercevoir à l’orée du bois. « Dans les Laurentides, il y a certains endroits où on sait qu’il y en a un. À l’aéroport de Mirabel, c’est toujours qui le verra en premier », raconte la biologiste.
Certaines outardes décident même de passer l’hiver ici, plutôt que de migrer vers le sud avec leurs congénères. Il y a beaucoup moins de nourriture disponible pour elles l’hiver, mais il en reste tout de même assez pour supporter quelques individus, explique Mme Rivard-Paré. Par ailleurs, la migration elle-même comporte un risque. C’est un grand déplacement, exigeant et énergivore. Et se déplacer en grand groupe, c’est s’exposer à la prédation.
Mammifères
Parmi les mammifères, il y a bien sûr le chevreuil, l’orignal et l’écureuil. Le tamia (ou suisse) hiberne par contre. « Ça ne veut pas dire qu’on n’en verra pas si on a des belles journées chaudes. Mais chaque fois qu’il se réveille, il y a un risque qu’il ne passe pas l’hiver. C’est la même chose pour les ours. Se réveiller est une dépense énergétique immense », souligne Mme Rivard-Paré.
Sinon, il y a le lièvre, le dindon et le renard qui restent au Québec. Le porc-épic est actif l’hiver, mais il peut être difficile de le discerner dans les arbres. « Il mange l’aubier : une partie de l’écorce où passe le sucre de l’arbre. »
Le lynx, qu’on associe à l’hiver, est « très silencieux et dur à voir ». On peut cependant entendre son cri dans le bois, qui « glace le sang », rappelant celui d’une personne qui serait attaquée. Le loup est présent dans le parc du Mont-Tremblant, mais sa présence plus au sud est « très rare, très anecdotique ». Si vous croyez en apercevoir un, il est plus probable que vous le confondiez avec un coyote par exemple, indique la biologiste.
Insectes ?
« Ça peut paraître étonnant, mais il y a des insectes qu’on peut voir en hiver », mentionne Mme Rivard-Paré. Vers la fin de l’hiver, on peut souvent apercevoir des grains noirs sur la neige, qui ont l’air de sauter. « Ce sont des collemboles, qui peuvent sauter 500 fois leur hauteur ! C’est mon signe que le printemps s’en vient. »
La biologiste souligne que l’hiver, les insectes ne sont pas enfouis très loin dans le sol ou sous la neige. « Quand ils ne sont pas en dormance, ils peuvent réagir rapidement aux changements de températures, par exemple si l’automne s’étire jusqu’en début décembre. Et il y a des espèces tardives, qui restent actives tant qu’il n’y a pas de vrai grand gel. Le soleil peut alors être suffisant pour qu’elles s’activent. »
Des traces dans la neige
La neige elle-même peut nous apprendre beaucoup de choses. « Si on sait bien regarder, on peut voir des traces de souris, par exemple. » On peut même apercevoir des traces d’ailes, par exemple d’oiseaux de proie, si on est attentif. Et si on est chanceux, « on peut voir des traces de souris, puis des traces d’ailes, puis aucune trace de souris », indique Mme Rivard-Paré. Cela indiquerait qu’une chouette ou un harfang a trouvé à manger.
Les chevreuils et les lièvres, eux, font des « trails », ce qui facilite leurs déplacements. « Ils n’ont pas besoin de s’enfoncer dans la neige chaque fois », illustre la biologiste. On peut aussi retrouver des crottes près de ces sentiers. Et si on regarde les branches de feuillus qui dépassent de la neige, on peut voir si les boutures ont été mangées. « C’est un biseau très net quand c’est un lièvre, alors que c’est arraché quand c’est un chevreuil. »
Trucs pour augmenter nos chances
Faire le moins de bruit possible est « une excellente façon » d’augmenter nos chances d’apercevoir la faune locale. « Et ça nous permet de mieux percevoir les sons : le chant des oiseaux, le cri des animaux, ou le son de leurs déplacements », conseille la biologiste.
Laissez votre chien à la maison ou, à tout le moins, ramassez ses crottes : l’odeur d’un prédateur est forte, persiste longtemps et éloigne beaucoup d’espèces. Tenez-vous loin des grandes routes, qui ont un « effet de barrière » pour beaucoup d’espèces.
Pour les espèces nocturnes, on aura plus de chances de les apercevoir à l’aube ou à la brunante. « Pour la plupart des espèces diurnes, c’est le matin, parce qu’elles vont se déplacer vers leur lieu d’alimentation. »
Le lendemain d’une grosse neige, les cervidés vont rester dans leur ravage, à couvert. « Mais quand la neige est fraîche, on verra plus de traces récentes et bien marquées. » Et quand le ciel est clair, les sons vont plus loin, alors qu’ils sont étouffés par temps gris ou nuageux.
Généralement, rappelez-vous que vous visitez les animaux chez eux. Ainsi, réduisez au maximum ce qui pourrait les stresser, surtout durant une période difficile comme l’hiver. « Évitez de les approcher, de les déranger ou de les réveiller. Il est très important de ne pas laisser son chien courir dans le bois sans laisse. C’est leur qualité de vie qui est affectée. »