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Pas tellement!

Par diane-baignee

Chronique Au coeur du monde
par Diane Baignée
diane.baignee@gmail.com
 
« J’ai peur de finir en CHSLD! » s’exclamait Mme Raymonde Chagnon de Mirabel, ce 13 septembre dernier, soir du premier débat des chefs diffusé sur la chaîne nationale.
Au cœur de cette affirmation, il y avait la crainte évidente d’une personne âgée vivant seule et qui appréhende l’avenir. Elle déplorait le manque de logements accessibles et abordables pour les personnes aînées autonomes. Elle parlait implicitement de la situation de faible revenu des aînés qui limite les choix et qui insécurise. Elle dit avoir peur de tomber malade dans un contexte de précarité du système de soins de santé, notamment des CHSLD. Parce que personne ne veut aller vivre en CHSLD. Personne.
Pas les moyens de s’installer dans un manoir
« Êtes-vous éclairée, madame? », demande l’animateur. Un moment de silence aura permis au « pas tellement » de donner tout le poids au sentiment d’insatisfaction traduit par un non-verbal éloquent.
Visiblement, cette dame de 72 ans, représentante de l’opinion publique, semblait loin d’être convaincue par les propos de ces quatre politiciens… ou dirais-je plutôt, incomprise par eux.
En guise de réponse, on lui parle d’améliorer les soins à domicile, de créer des maisons pour aînés et d’ajouter de l’argent au présent budget. Ont-ils saisi le sens profond de la détresse de cette aînée? « Pas tellement. » Quelles sont les solutions de rechange possibles entre le CHSLD et une résidence privée coûteuse, comme dans les plus belles publicités qu’elle qualifie de «manoir »? Entre les deux, Mme Chagnon n’y voit pas trop de mesures intermédiaires.
Et pour clore le sujet, certains candidats n’ont pas su retenir un petit sourire en coin. Ça ne fait «pas tellement » sérieux. Et hop! on passe à un autre appel sans trop démontrer de compassion.
Pas tellement le choix!
«On va aller où? On n’a pas de choix […] S’il m’arrive quelque chose, qui va s’en rendre compte? » «C’était ça, ma question… », a expliqué Mme Chagnon aux médias le lendemain de sa sortie.
Voici des scénarios possibles.
Vous êtes autonome, vous vivez à domicile ou en résidence. Au besoin, vous demandez quelques services que vous payez. Si vous êtes chanceux, vos enfants ou vos voisins vous donneront un petit coup de main. Au moment où vous perdez un peu d’autonomie, on viendra vous évaluer. Il est heureux si vous savez qu’il faut faire une demande au CLSC au préalable. Plusieurs aînés ne connaissent pas l’existence des services qui peuvent leur être offerts ou abandonnent ces démarches administratives parfois trop compliquées pour eux. «On appelle où, on parle à qui… Je tombe dans une boîte vocale. On me rappelle pas », m’a confié un homme de 88 ans, désemparé.
Si vous réussissez cette étape, il y aura des délais. Vous n’êtes pas seul sur la liste et parfois on manque de personnel pour répondre aux besoins. Si votre santé s’aggrave, on pourra vous orienter vers une ressource intermédiaire. Mais vous devez être évalué par votre CLSC en cas de pertes d’autonomie importantes. Et il y aura des délais. J’espère que vous avez un médecin de famille. Sinon, il faut vous inscrire sur une liste. Là, il y aura des délais. Encore.
Comprenez-vous comment fonctionne le système? Pas tellement. Bien répondu! Et si votre «état requiert des services intensifs, continus et de longue durée [comme à un stade avancé de la maladie d’Alzheimer]» et que «… le soutien de vos proches [si vous en avez] et les services mis en place par les diverses ressources communautaires [si elles sont capables], publiques et privées ne peuvent vous garantir une réponse suffisante et sécuritaire dans votre milieu de vie » et bien, on vous dirigera alors vers un CHSLD. Il y aura des délais aussi.
Finalement, si vous êtes fortuné, vous aurez accès plus rapidement à une place en ressource intermédiaire ou CHSLD en privé. Mais cela ne garantit pas la qualité des soins. Je pourrais vous témoigner d’histoires d’exploitation et de maltraitance qu’on m’a rapportées. Ce qui est le réel problème, c’est le vieillissement de la population et l’espérance de vie plus longue qu’avant…. On le savait depuis longtemps! Mais, force est de constater que l’organisation des services ne s’est pas adaptée à cette évolution. Comme dans bien des cas, on attend le pire avant d’opérer des changements, et ça, ce n’est «pas tellement»… futé!
En août 2018, on estimait à 256 le nombre de personnes en attente d’une place en CHSLD dans la région des Laurentides.
Bienvenue aux élus… vous avez du pain sur la planche!
Diane Baignée est travailleuse
sociale en pratique privée.

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